7 octobre : elle s’appelait Mila, 10 mois

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Publié par Rudy Reichstadt

Les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 en territoire israélien ont inspiré une vague d’antisémitisme à l’échelle planétaire dont l’un des ressorts est la relativisation ou la négation même des crimes qui ont été commis. Une aubaine, aussi, pour le complotisme.

« Pogrom », « razzia », « attaque terroriste » : quel que soit le nom qu’on finisse par leur donner, les massacres de civils perpétrés par le Hamas et ses alliés en territoire israélien le 7 octobre 2023 demeureront un événement majeur de la violence antijuive. Il constitue en effet, comme ne tarda pas à le souligner l’historienne américaine Deborah Lipstadt, l’attaque la plus meurtrière commise contre les Juifs depuis la Shoah.

Une chose apparaît certainement pour quiconque s’est infligé le visionnage des images des exactions et a pris la peine d’écouter les témoignages des survivants : il ne s’agissait pas, pour l’essentiel, d’une action relevant de la guerre. La dimension proprement génocidaire de ce « judéocide » – de cette « journée de Shoah » pour reprendre les mots du président de la Knesset Amir Ohana – n’est pas seulement attestée par le ciblage délibéré des civils ou l’horreur des viols mais aussi par la multiplicité des actes de cruauté gratuite, l’acharnement sur les corps des victimes et la jubilation dans le meurtre. Le journaliste Roman Bornstein écrira : « Face au mal d’Eichmann, Hannah Arendt avait posé à Jérusalem l’hypothèse bancale de sa banalité. Face à celui du Hamas, cent kilomètres à peine plus au sud, quelqu’un devra expliquer la réalité palpable de son hilarité. » De fait, loin de décourager l’antisémitisme, le 7-Octobre l’aura galvanisé, comme si les massacres lançaient le coup d’envoi d’une attaque généralisée contre les Juifs.

Une réponse complotiste instantanée

L’autre spécificité de cet événement hors normes est qu’il suscita, en un temps record – et alors qu’il n’est, aujourd’hui encore, pas complètement achevé, de nombreux civils demeurant otages du Hamas à Gaza –, la constitution, sous nos yeux, d’un argumentaire de facture négationniste. […]

Là où ceux qui contestaient la réalité de l’extermination des Juifs par le régime nazi ont mis des années voire des décennies à produire un discours articulé et sortir de l’extrême marginalité où ils étaient relégués (il s’écoule plus de trente ans entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’interview dans laquelle l’ancien commissaire général aux Questions juives du régime de Vichy, Louis Darquier de Pellepoix, déclare qu’« à Auschwitz, on n’a gazé que des poux »), il n’a fallu que quelques heures pour assister aux premières spéculations complotistes autour du 7-Octobre et quelques jours pour voir apparaître une remise en cause radicale des faits dans leur matérialité.

C’est une nouveauté qui est directement liée à l’écosystème cognitif et informationnel qui est le nôtre depuis l’avènement de la triade haut débit / réseaux sociaux / smartphone. Dès le 7 octobre 2023 en effet, les usual suspects du complotisme numérique mondialisé se sont mis à expliquer que l’État hébreu avait sciemment orchestré l’attaque (autre version : il l’aurait, à dessein, laissé se produire) afin de justifier une riposte lui permettant de mettre la main sur la Bande de Gaza (qu’il avait évacuée 18 ans auparavant) et bénéficier d’un prétexte pour se débarrasser des Palestiniens et créer un « Grand Israël ». Très rapidement, l’idée que les morts de civils avaient été provoquées non par le Hamas mais par l’armée israélienne elle-même, ou que, parmi les cadavres difficilement identifiables se trouveraient en fait des centaines de Palestiniens qu’Israël comptabiliserait au nombre des victimes de son propre camp, se sont fait jour.

Sur les réseaux sociaux, des influenceurs complotistes passés maîtres dans l’art de la désinformation comme les Américains Jackson Hinkle et Max Blumenthal (du site complotiste The Grayzone), l’Australienne Maram Susli ou le Britannique Sulaiman Ahmed, ont communié avec des personnalités d’extrême droite et d’extrême gauche pour imposer contre les faits un récit mensonger qui est très exactement celui du Hamas lui-même.

Inversions accusatoires

Ainsi, Piers Corbyn, le frère de l’ancien chef du Labour Jeremy Corbyn, militant covido-complotiste et antisioniste, a déclaré lors d’une manifestation propalestinienne : « Israël a laissé entrer ces soi-disant troupes. Ils ont permis la prise d’otages, tout cela n’est qu’un jeu pour justifier l’écrasement et le génocide de Gaza. » Il a également affirmé qu’aucun Juif n’était mort le 7 octobre, qu’il s’agissait tout simplement d’acteurs. George Galloway, l’ancien leader du parti d’extrême gauche « Respect », a quant à lui affirmé trompeusement que « les deux tiers des Israéliens tués le 7 octobre étaient des militaires » : en réalité, les trois quarts des victimes étaient des civils. Le même George Galloway a également avancé qu’« il est définitivement révélé que les assassins du tiers restant étaient en partie les forces armées israéliennes elles-mêmes ». Le politologue américain John Mearsheimer a soutenu la même idée dans une interview : « Un bon nombre des Israéliens qui ont été tués n’ont pas été tués par le Hamas ; ils ont été tués par l’armée israélienne ». C’est, encore une fois, une allégation infondée. S’il est établi que, pendant les combats, l’armée israélienne a eu recours à des tirs d’obus et de roquettes sur des zones habitées pour déloger les assaillants du Hamas, aucune donnée ne permet à l’heure où ces lignes sont écrites d’affirmer qu’elle aurait effectivement causé la mort de civils israéliens.

En France, l’islamologue François Burgat et l’ancien journaliste du Monde Xavier Ternisien se sont illustrés par leur empressement à essayer de faire porter le doute sur la réalité de la mort de bébés. Le premier a relayé une fausse information selon laquelle le journal israélien Ha’Aretz aurait établi qu’aucun décès d’enfant de moins de trois ans n’aurait été enregistré. Le second a fait remarquer de manière cauteleuse qu’aucun bébé ne figurait dans la liste des victimes civiles établie par le quotidien hébreu. En l’occurrence, ladite liste n’était pas complète, ce que Ha’Aretz n’a, du reste, jamais cherché à cacher.

La réalité est que le 7-Octobre, la plus jeune victime du Hamas était une enfant âgée de 10 mois. Elle a été assassinée par balles au kibboutz Be’eri. Elle s’appelait Mila Cohen.

JForum.fr avec www.conspiracywatch.info

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