Terrorisme : pourquoi la sortie de prison de Djamel Beghal risque d’embarrasser les autorités françaises
Proche de deux des auteurs des attentats de janvier 2015 à Paris, Djamel Beghal doit sortir de prison dans les prochaines semaines. La France cherche à l’expulser vers l’Algérie mais ce n’est pas aussi simple.
Il doit sortir de prison avant le 5 août prochain et son cas pourrait vite devenir un casse-tête pour le gouvernement français. Le terroriste Djamel Beghal, condamné à 10 ans de prison en 2005 pour association de malfaiteurs terroriste et à 10 ans de prison en 2013 pour avoir participé à un projet d’évasion d’un membre du Groupe islamique armé (GIA) algérien, Smaïn Aït Ali Belkacem, va donc quitter la prison de Vezin, près de Rennes, dans les prochaines semaines. Près de 450 détenus radicalisés doivent sortir des prisons françaises d’ici fin 2019, et Djamel Beghal fait partie des détenus les plus surveillés par le gouvernement français.
Etant donné que Djamel Beghal a la nationalité algérienne, le gouvernement français envisage de l’expulser après sa sortie de prison vers Alger : “Nous travaillons avec les Algériens pour qu’ils accueillent Beghal qui n’a plus la nationalité française, puisqu’il y a eu une déchéance de nationalité à son encontre”, mais “ce n’est pas acquis au moment où je vous parle”, avait précisé la ministre de la Justice Nicole Belloubet mi-juin. En 2017, son avocat avait plaidé pour qu’il soit expulsé en Algérie : “Je m’étais opposé à son expulsion, il y a 10 ans, car il y avait un risque de torture. Aujourd’hui, il y a une fenêtre favorable pour le faire, je vais la plaider ”, avait-il expliqué à Ouest France. Franco-algérien déchu de sa nationalité française, Djamel Beghal, a été déclaré expulsable en 2007.
Considéré comme le mentor de Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly
Ces dernières heures, la presse anglaise se fait l’écho d’une autre possibilité : celle que Djamel Beghal retourne au Royaume-Uni auprès de sa femme Sylvie Beghal qui vit à Leicester avec ses 4 enfants. Cela parait toutefois peu probable étant donné que le gouvernement britannique a banni Djamel Beghal du territoire en 2009. Sa famille pourrait toutefois profiter de cette libération pour tenter de renverser cette décision de 2009. En tout état de cause, la ministre de la Justice française a assuré que Djamel Beghal serait assigné à résidence en France si un pays refusait de l’accueillir à sa sortie de prison. “Ce qui importe, c’est que ces personnes-là soient sous surveillance constante”, a expliqué Nicole Belloubet.
Djamel Beghal est un prisonnier particulièrement symbolique puisqu’il est considéré comme le mentor de Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, deux des auteurs des attentats de janvier 2015 à Paris, contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris. Les trois hommes se sont rencontrés en 2005 dans la prison de Fleury-Mérogis. Interrogé en 2010 lors d’un interrogatoire, le terroriste de la Porte de Vincennes Amedy Coulibaly avait raconté son lien avec Djamel Beghal : “Je sais qu’il était en Afghanistan. Il m’a dit qu’il s’était fait torturer là-bas. Le seul fait que je sois toujours en contact avec lui, ce n’est pas à cause de la religion, c’est parce qu’humainement, c’est une personne qui m’a touché. Quand j’étais en prison, il était juste au-dessus de moi, et il était aux isolés. Et cela m’a fait de la peine. Et maintenant sa situation n’est pas confortable, car il n’a aucun revenu, et ça m’a fait pitié.”
Djamel Beghal a été condamné en décembre 2013 à 10 ans de prison
Après leur sortie de prison, Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi sont restés très proches de Djamel Beghal. En 2010, les deux hommes se sont même rendus au domicile de l’Algérien dans le Cantal, où Djamel Beghal avait été placé en résidence surveillée après sa sortie de prison en juin 2009. En 2013, le parquet de Paris définit ainsi dans un document Amedy Coulibaly et Cherif Kouachi comme “les ‘élèves’ de Djamel Beghal”. Dans une correspondance épistolaire avec un journaliste américain dévoilé en 2016, Djamel Beghal s’était toutefois défendu d’être le “mentor des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly”. “Croyez-moi, ces garçons, ces frères, m’ont plus apporté que ce que j’ai pu leur donner. A un moment où le monde m’avait exclu et où la civilisation humaine m’avait oublié, seul au sommet d’une montagne, ils ont été là […] Ils me manquent terriblement.”
Les trois hommes avaient été soupçonnés par les enquêteurs d’avoir fomenté ensemble l’évasion en 2010 de Smaïn Aït Ali Belkacem, ancien du Groupe islamique armé algérien (GIA) condamné à perpétuité pour l’attentat à la station RER Saint-Michel en 1995 à Paris (8 morts et 117 blessés). Finalement, Djamel Beghal sera condamné en décembre 2013 à 10 ans de prison (avec une peine de sûreté de deux tiers) pour avoir projeté l’évasion. Amedy Coulibaly a lui été condamné en décembre 2013 à cinq ans de prison pour sa participation à ce projet, Chérif Kouachi avait de son côté bénéficié d’un non-lieu et n’avait donc pas été jugé.