[Non, Eric Zemmour n’a pas fait l’apologie du terrorisme: le Parquet de Paris a classé, hier, la plainte déposée contre lui après cet entretien, publié le 7 octobre 2016, dans Causeur.]
Propos recueillis par Daoud Boughezala, Élisabeth Lévy et Gil Mihaely
Causeur. Dans Un quinquennat pour rien, vous écrivez : « La gauche comme la droite croyaient et croient toujours au mythe du musulman arraché à son déterminisme ethnique et religieux, individu désincarné, déraciné, dé-historisé dans une société libre. » C’est pourtant depuis deux siècles l’exacte définition du logiciel français !
Éric Zemmour. Vous voulez dire le logiciel républicain. Mais, contrairement à ce que croit Jean-Luc Mélenchon, l’histoire de France n’a pas commencé avec la Révolution française. La France a connu une histoire millénaire façonnée par des siècles de catholicisme, qui intégrait lui-même les influences grecques, romaines et juives. La France, c’est un peuple et une terre. Ce n’est pas une terre vierge où n’importe qui peut s’installer en faisant n’importe quoi. On peut venir d’ailleurs, mais on doit respecter les us et coutumes de son peuple, faire siens son histoire, son mode de vie, sa culture.
Donc, vous ne croyez plus à la République ? Si l’assimilation des Italiens, des Juifs et des Polonais a marché, pourquoi en irait-il différemment des immigrés musulmans ?
Pour trois raisons. La première et la plus fondamentale, c’est le nombre. Comme l’a écrit Engels, « à partir d’un certain nombre, la quantité devient une qualité ». À cela, il faut ajouter cette observation du général de Gaulle : « On assimile des individus, pas des peuples.» Or nous avons fait venir un peuple entier, qui se considère désormais comme un peuple en soi et veut pérenniser son être sur le sol français. D’ailleurs, cela ne marche pas mieux aux États-Unis. J’ai lu cet été deux livres de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations et Qui sommes-nous ? Il explique très bien que tout au long du xixe et du xxe siècle, les États-Unis n’étaient pas beaucoup plus multiculturalistes que la France. Et beaucoup plus assimilationnistes qu’on le prétend en France. En revanche, depuis l’arrivée en masse des Mexicains qui ont hispanisé des villes entières de la Floride à la Californie, la diaspora latino est devenue un peuple dans le peuple américain. Selon Huntington, ce processus aboutira à l’horizon de cinquante ans à une nouvelle guerre de sécession entre le peuple mexicain et le peuple anglo-américain.
Le deuxième obstacle à l’assimilation des musulmans est lié à la nature même de l’islam, qui n’est pas seulement une religion, mais aussi, comme le dit Rémi Brague, un droit, une loi, une nation qui demeure absolument inassimilable. Dans l’histoire, l’islam a conquis et soumis des populations mais ne s’est jamais assimilé.
Des musulmans qui s’assimilent individuellement, on en voit tous les jours…
On a surtout vu le contraire et ce, dès la conquête de l’Empire romain d’Orient : alors que dans l’Empire romain d’Occident, les Goths, les Wisigoths, les Francs se convertissaient au christianisme et adoptaient la langue latine, les Arabes imposaient à leurs conquêtes la langue arabe, l’islam et leur D’. Ils ne se sont jamais appropriés ni le D’ ni la langue de ceux qu’ils conquéraient. Et cette observation m’amène à la troisième raison de l’incapacité de l’islam à s’assimiler en France : la « salafisation ». Même dans les endroits où l’islam s’était un peu acclimaté aux conditions locales – Sénégal, Indonésie –, de nouvelles générations s’en prennent à l’islam des pères, sous l’influence des écoles coraniques financées par l’Arabie saoudite. Pour eux, salafiser c’est ré-islamiser, puisque le salafisme, c’est l’islam pur pour les purs.
Nous sommes d’accord avec vous sur l’observation du présent. Mais pour vous, l’avenir ne peut pas s’éloigner de ce présent. Si le judaïsme, poussé par l’exil, s’est mis à se « chamailler » et à interpréter ses textes sacrés pour trouver le moyen de s’adapter à une nouvelle réalité, pourquoi l’islam en serait-il incapable ?
L’islam affirme le Coran incréé, parole divine absolue directement transmise aux hommes, sans intermédiaire, d’où le refus de l’interprétation, de l’exégèse. Et il se trouve que les nouvelles générations, nées sur notre sol, et de nationalité française, croient cela de plus en plus massivement et de plus en plus fanatiquement. Une majorité de jeunes musulmans, si on se fie à la dernière étude de l’institut Montaigne, pensent que le Coran et les dits prophétiques doivent être appliqués à la lettre et qu’ils s’imposent à la République. Ils ne veulent pas « tordre » le texte comme l’ont fait les Juifs pour l’adapter aux mœurs et coutumes françaises.
Mais du point de vue qui est le nôtre, le Coran est une création historique, son caractère incréé aussi. On a parfois l’impression que vous finissez par y croire, que le Coran est incréé !
Ce que je crois n’a aucune importance.
Et puis, si les musulmans ne veulent pas « tordre » leur texte, c’est peut-être parce qu’on ne le leur a jamais clairement demandé. On pourrait au moins essayer avec eux ce qui a marché en 1806 avec les Juifs.
Cela ne vous a sans doute pas échappé, François Hollande n’est pas plus Bonaparte que Nicolas Sarkozy n’est de Gaulle. De plus, en 1806 il y avait 30 000 Juifs en France, pas des millions. Depuis le Talmud, ils ont le goût, voire l’obligation, de la disputatio, de l’interprétation des textes, ce qui est strictement interdit en islam depuis le ixe siècle, à cause de la fameuse fermeture des portes de l’ijtihad. Ces deux histoires n’ont donc rien à voir.
Mais est-ce que la France a essayé d’exiger clairement cette adaptation ?
Oui. Chevènement par exemple a essayé d’obtenir la renonciation à la règle de l’apostasie, qui est comme vous savez punie de mort pour les musulmans. Mais les représentants musulmans ont toujours refusé. C’est logique de leur point de vue : l’islam est une religion naturelle, tous les hommes sont musulmans, ceux qui ne le sont pas doivent le devenir, ceux qui le sont ne peuvent pas y renoncer. Et Sarkozy a aussi lâché là-dessus. En prime, lui qui avait juré que jamais les Frères musulmans ne s’assiéraient à la table de la République, a intronisé l’UOIF (représentant français des Frères musulmans) en grand interlocuteur… Or Gilles Kepel nous a appris qu’en 1989 les Frères musulmans avaient décrété la France terre d’islam. Que je sache, les Juifs n’ont jamais décrété la France terre de conquête judaïque ! Ça fait beaucoup de petites différences et, additionnées, cela en fait une grosse.
Toute la question, au fond, est de savoir si c’est l’islam ou plutôt les structures anthropologiques qui font obstacle à l’intégration. Hugues Lagrange, dans Le Déni des cultures, cherche les explications dans les structures élémentaires de la parenté. Des musulmans « embourgeoisés », vivant dans des familles nucléaires dans un milieu urbain s’assimilent donc assez facilement.
C’est aussi la thèse qui permet à Emmanuel Todd d’intégrer l’endogamie musulmane dans un modèle optimiste… – alors que le modèle français est, fondé sur l’exogamie, le fameux « échange des femmes ». Tout cela complète mais ne contredit pas mon analyse. Maintenant, si vous voulez me faire dire que nous avons mené une politique d’immigration complètement folle depuis quarante ans, je vous l’accorde ! On peut ajouter à cela les magnifiques jurisprudences du Conseil d’État interdisant à Raymond Barre de suspendre le regroupement familial dès 1976, puis autorisant la polygamie en 1980 – en accordant le séjour à une seconde épouse au titre du regroupement familial. On a ainsi fait entrer en quantité des gens qui n’avaient rien à voir avec la structure anthropologique française. En réalité, les problèmes liés à l’anthropologie et ceux liés à l’islam se cumulent !
Il y a quarante ans, les immigrés se fichaient de l’islam. Vous tirez d’une histoire assez courte – quelques décennies – l’existence d’un conflit vieux de quinze siècles… entre deux blocs inconciliables : « l’Islam » d’un côté, « la France » de l’autre.
C’est vous qui oubliez quinze siècles au profit de quelques décennies de sécularisation avortée, produit de la colonisation française. Ce sont deux blocs civilisationnels, qui existent depuis mille cinq cents ans. On dirait que vous ne voulez pas, par principe, admettre un certain essentialisme, vous n’admettez pas qu’il y ait une âme des peuples, vous n’admettez pas que, comme le disait Auguste Comte, « les morts gouvernent les vivants » et vous voulez absolument nous imposer un individualisme existentialiste ! Ça ne marche pas ! Cela fait trente ans que des politiques de tous bords me disent : « Ne t’inquiète pas, ils voudront consommer des Nike ! » Vous pensez que tout lien spirituel peut être dissous dans le matérialisme. Eh bien ! vous vous trompez avec l’islam. C’est en partie d’ailleurs la grandeur de cette civilisation que de résister au diktat consumériste.
Les charmes de la société libérale ne se réduisent pas aux Nike. Que faites-vous de la liberté de conscience et de pensée ? Tout bonapartiste que vous êtes, renonceriez-vous facilement à la « paisible jouissance de l’indépendance privée » ? Les musulmans seraient-ils incapables de désirer tout cela ?
Votre question révèle la conviction de beaucoup de Français, assez touchante par ailleurs, selon laquelle on ne peut pas rêver mieux que notre mode de vie. De même vous croyez que toutes les femmes rêvent de vivre à la française, parce que la France est depuis longtemps, comme le disait Frédéric II (et Hume) la patrie des femmes, mais ce n’est pas le cas, comme le montre le rôle des femmes dans le djihad.
Nous y reviendrons. La liberté de croyance est l’un des fondements d’une société démocratique – et de l’identité française contemporaine. Le communisme devrait nous avoir vaccinés sur ce point. Et quand il faut limiter la liberté d’exprimer ces croyances, cela ne peut être de gaieté de cœur. On veut que les musulmans édulcorent leur religion comme d’autres avant eux, vous les sommez d’y renoncer, pardon mais cela évoque plus l’Inquisition ou le stalinisme que la République…
Je ne somme personne et je n’exige rien. Seulement, après mûre réflexion, je pense que l’islam est incompatible avec la République et avec la France. Soit la France et la République se couchent devant l’islam, soit on exige un choix entre la France et l’islam. Cela signifie a minima de rétablir les règles assimilationnistes qui prévalaient jusqu’aux années 1960. L’historien Pierre Milza estime que trois millions et demi d’Italiens sont venus en France entre 1870 et 1940. Un million sont restés, les deux tiers sont repartis. Chez les Polonais, 60 % sont repartis. Pourquoi ? Parce que la IIIe République mettait très haut la barre de l’assimilation, et que ceux qui ne voulaient pas s’assimiler rentraient chez eux. Et cela permettait à ceux qui voulaient vraiment devenir français de rester sans subir l’opprobre de ceux qui ne le voulaient pas.
D’accord, mais personne ne leur demandait d’oublier l’Italie… De plus, le contexte économique était très particulier : avec la crise de la viticulture dans le sud de la France, on n’avait plus besoin des Italiens. Et on n’était pas loin des pogroms.
Si, on leur demandait d’oublier en partie l’Italie, d’abandonner les prénoms italiens et le mode de vie à l’italienne. C’est bien pourquoi les deux tiers sont repartis. Et ils étaient italiens, c’est-à-dire les plus proches culturellement des Français – les fameux « Français de bonne humeur ». Oui, il y eut des pogroms anti-italiens comme après l’assassinat de Sadi Carnot par un anarchiste italien. Toujours est-il que le modèle économique qui a fait venir l’immigration il y a quarante ans est tout aussi mort que celui de la viticulture en 1910 et pourtant, on continue à en faire venir ! C’est que l’immigration à jets continus répond à un nouveau modèle économique, celui de la mondialisation, qui concentre la richesse dans les grandes métropoles, en chasse les classes populaires autochtones et fait venir des prolétaires du monde entier, moins chers et moins exigeants, pour servir les « vainqueurs de la mondialisation ». On comprend que les bourgeois des grandes villes soient favorables à l’immigration et que les classes populaires, remplacées par elle, lui soient hostiles.
Quoi qu’il en soit, nous ne pensons nullement qu’il faille faire du passé table rase. Mais si les morts gouvernent les vivants, les vivants doivent aussi un peu gouverner les vivants. L’identité, ce n’est pas seulement de l’héritage, c’est aussi du nouveau. Sinon, nous serions dans les grottes !
N’empêche que les inconscients collectifs existent. Et quinze siècles d’Histoire doivent tout de même peser un peu plus dans notre identité que la dernière mode idéologique. Je suis essentialiste comme le général de Gaulle quand il dit : « La Russie boira le communisme comme le buvard boit l’eau. » L’islam a occupé la France au viiie siècle, et c’est en référence à cette occupation que les Frères musulmans définissent la France comme une terre d’islam. Comme elle l’a été, elle doit le redevenir. De même, la colonisation par la France de l’Algérie et autres terres musulmanes provoque aujourd’hui un désir de colonisation de l’ancien colonisateur. C’est une réalité que vous ne voulez pas voir !
Nous ne refusons pas de la voir, nous considérons qu’elle ne résume pas l’ensemble des relations entre la France et l’islam. De plus, dit de cette façon, vous aboutissez à exposer un énorme problème qui n’a pas de solution.
C’est très sérieux, en effet. Quand le calife se décrète « Calife », ça veut dire quelque chose.
Pas pour nous ! De plus, votre « calife » se trouve à des milliers de kilomètres. Et ici, il ne parvient guère qu’à endoctriner quelques esprits faibles….
Quelle condescendance ! Moi, je prends l’islam au sérieux, je ne le méprise pas ! Je ne pense pas que les djihadistes soient des abrutis ou des fous. Au sommet, il y a des théologiens qui appliquent exactement leur idéologie coranique et légitiment tous leurs actes par des sourates ou des actes du Prophète. Et je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient – ce dont nous ne sommes plus capables.
Vous respectez des gens qui roulent en camion sur des enfants ? Qui tuent des journalistes parce qu’ils ont représenté leur prophète ? Vraiment ?
Pardon de vous chagriner, mais l’Histoire, c’est ainsi, des innocents meurent parce qu’ils sont dans le mauvais camp, ou au mauvais endroit au mauvais moment. Et oui, quand des gens agissent parce qu’ils pensent que leurs morts le leur demandent, il y a quelque chose de respectable. Et en même temps de criminel et de mauvais, c’est ainsi, les humains sont complexes. Donc combattons-les, mais arrêtons de les mépriser. Du reste, c’est encore une forme de mépris de prétendre que nous sommes responsables de leurs malheurs. Quelle arrogance inouïe ! On croit qu’ils ne font que réagir à notre histoire alors qu’ils se sont réappropriés leur propre langage islamique des origines.
Mais eux-mêmes disent que les attentats répondent aux crimes de l’Occident et à nos lâches agressions, etc. Le ressentiment est l’un des premiers ressorts du djihadisme.
Je ne trouve pas. Le djihadisme est un des préceptes majeurs de l’islam que tout bon musulman doit suivre scrupuleusement. Comme le rappelle Rémi Brague, même un philosophe ouvert et tolérant comme Averroès prônait un « djihad » sans pitié contre les hérétiques. L’islam s’est constitué depuis l’origine avec et par la guerre. Mahomet est « l’homme parfait » dans la théologie islamique. Ses actes doivent être imités. Or Mahomet fut un chef de guerre redoutable et impitoyable.
Donc, tous les musulmans qui se disent horrifiés par les attentats et jurent que l’islam ce n’est pas ça mentent ?
Boualem Sansal a cette formule : « Qu’est-ce qu’un islamiste ? C’est un musulman pressé. » Je me souviens du fils d’une des victimes musulmanes de Nice, dont je comprends évidemment la tristesse. Parlant de sa mère, qui portait le voile, il a dit « C’était une musulmane du juste milieu. » Le « juste milieu », aujourd’hui, c’est être voilée.
Il y a donc en France une « cinquième colonne » musulmane…
Une cinquième colonne, c’est-à-dire des gens qui approuvent et protègent ceux qui nous frappent, est inévitable tant que se poursuit l’islamisation, par les mœurs, de territoires français de plus en plus nombreux. C’est encore l’Histoire qui se rappelle à nous avec le triptyque invasion/colonisation/conflagration. L’invasion, c’est le nombre venu du Sud ; la colonisation, c’est l’islamisation des territoires de plus en plus importants ; et la conflagration survient lorsque certains de ces gens islamisés veulent appliquer jusqu’au bout l’islam et s’engagent pour le djihad.
Dans ce cas, que faire ?
Je ne suis pas président de la République. Marcel Gauchet a dit dans son dernier livre : « On n’a pas besoin de “mesures”, on a besoin d’un diagnostic. » J’essaie de poser un diagnostic. Après, les mesures s’imposent d’elles-mêmes. Le minimum, c’est de revenir à nos anciennes exigences sur l’assimilation. Si ça échoue, cela placera au moins les gens face à leurs responsabilités.
Peut-être que si nous exigeons, nous obtiendrons. Tant que le rapport de forces est de notre côté…
Je n’y crois pas ! C’est la différence entre nous. Mais on peut essayer. Ceci étant, le plus important, aujourd’hui, c’est le diagnostic. Il faut que l’on regarde la réalité en face. Or c’est l’inverse qui se produit. Aujourd’hui, au sommet de l’État, dans les médias et parmi les intellectuels, c’est encore le déni, voire le négationnisme, qui prévaut, et on continue à raconter de gentilles histoires sur le vivre-ensemble. Le gouvernement nous invite à distinguer l’islam et l’islamisme et explique que, pour combattre l’islamisme, il faut plus d’islam, plus de mosquées, plus d’imams. Je pense au contraire que, plus il y aura d’islam, plus il y aura ce qu’on appelle de l’islamisme, puisque c’est la même chose !
Revenons à la question des femmes qui est au cœur de nos tensions avec l’islam. Vous avez évoqué leur rôle dans le djihad. Certes, mais il y a tout de même plus de féministes que de djihadistes. Ne pensez-vous pas que 90 % des musulmanes aimeraient échapper à l’emprise du groupe ?
Certainement pas dans les proportions que vous dites ! Chez les femmes aussi, « les morts gouvernent les vivants ». Chez les femmes aussi, la mondialisation provoque un besoin de ré-enracinement. Chez les femmes aussi, il y a le besoin d’être reconnue comme un élément de l’ordre familial, plus que comme un produit de l’émancipation individuelle. Tout de même, le rôle des femmes dans le djihad devrait remettre en question vos a priori !
Et qu’avez-vous à dire à ces femmes d’origine maghrébine qui ont créé à Aubervilliers l’association « Femmes sans voile » ? Elles reprochent à Plenel de les assigner à leurs origines, mais ne pourraient-elles pas vous faire le même procès ?
Je les reconnais, je les respecte, je suis enchanté quand elles font la leçon à leurs faux amis comme Edwy Plenel qui défend la liberté des femmes de porter le voile et le burkini au nom du féminisme ; et je suis sincèrement ravi qu’elles veuillent vivre avec nous. Mais on les prétend majoritaires alors qu’elles sont ultra-minoritaires !
Ce qui est sûr, c’est que le mouvement ne va pas dans le bon sens : le poids du groupe ne cesse de se renforcer.
Il y a deux mouvements de sens contraire. D’un côté, depuis 1968, une extension inouïe des libertés individuelles au nom d’une idéologie libérale-libertaire a détruit les derniers carcans collectifs et hiérarchiques. De l’autre, un islam, encore traditionnel et puritain, dernière expression civilisationnelle d’une société holiste, rappelle à ses membres les exigences d’une loi divine imposée d’en haut. La décadence manifeste de notre société libertaire donne du grain à moudre aux injonctions holistiques. Il est paradoxal, mais évident, que la société française des années 1950, encore imprégnée de catholicisme et de patriarcat, aurait moins scandalisé et plus facilement intégré les populations de culture islamique.
Et comme toujours, cher Éric, dans votre emportement, vous risquez de jeter le bébé de la liberté avec l’eau du bain libertaire…
Je note seulement que nos grands donneurs de leçons post-soixante-huitards, antiracistes, féministes et droit de l’hommistes qui passent leur temps à nous interdire le moindre doute sur l’intégration des populations de civilisation islamique sont ceux-là mêmes qui l’ont rendue absolument impossible !
Mais alors, une question perfide : sur la question des femmes, n’êtes-vous pas plus proche de l’islam que de la France ?
Elle est plus convenue que perfide votre question ! Je suis certes antiféministe car à mon avis la pente du féminisme, dès l’origine, était d’aller vers l’indifférenciation des sexes. Mais je ne suis nullement favorable à l’enfermement des femmes que prône l’islam, au contraire, sur ce point, j’admire la civilisation française et le rôle incroyable qu’y jouent les femmes depuis le Moyen Âge. Mais je vous fais remarquer que, même quand la femme n’était pas l’égale juridique de l’homme, la France était déjà la France ! Sous le Code civil napoléonien, au xixe siècle, il y avait une infériorité juridique… mais une visibilité des femmes. Dans l’islam, il n’y a pas que l’inégalité, il y a aussi l’invisibilité.
Avec ce Quinquennat pour rien, on dirait que votre mutation intellectuelle est achevée. Ayant renoncé à l’assimilation, vous êtes devenu identitaire…
Ce n’est pas moi qui ai changé, c’est la réalité. Je ne suis pas un Français de souche, aussi avais-je adopté spontanément ce logiciel républicain qui permet l’intégration individuelle des Français de branche ! Mais la réalité s’impose à moi. Et elle me fait singulièrement penser à ce qui se passait en Algérie, juste avant le déclenchement de la guerre. En 1954, les bourgeois juifs libéraux d’Alger écrivent au FLN en disant : « Nous sommes frères, arrêtez cette guerre, nous allons tous nous réunir dans une Algérie fraternelle et une France fraternelle ! Vous aurez la nationalité française et vous serez nos égaux. » Le FLN a répondu : « Les Juifs sont toujours tombés dans le panneau des chimères patriotiques. Nous, nous avons beaucoup aimé Baudelaire et Montesquieu, mais nous préférons nos morts et notre D’. »
Si on suit votre raisonnement, peut-on éviter la guerre civile ?
On peut éviter la guerre civile par la soumission. On devient une République islamique par le jeu de la démographie et de la démocratie. C’est la phrase d’Al Qaradawi, le théologien égyptien des Frères musulmans : « Avec vos lois démocratiques, nous vous coloniserons ; avec nos lois coraniques, nous vous dominerons. » Ou la guerre éclate avant. Pour paraphraser Jaurès, je dirais que la société multiculturelle porte la guerre civile comme l’orage porte la pluie. La paix de 1945 s’explique par deux raisons : d’abord, les Américains ont rasé l’Allemagne avec une violence inouïe ; ensuite, on a expulsé plus de 10 millions d’Allemands de Tchécoslovaquie et de Pologne. L’homogénéité ethnique des territoires fut la clé de la paix qui a suivi.
N’est-ce pas un peu mécanique comme vision des choses ?
Il y a vingt ans, voilà ce que le roi du Maroc Hassan II expliquait à Anne Sinclair : « Vous pouvez faire tous les efforts que vous voulez, mais les miens – il disait “les miens” comme Louis XIV parlait de “mes peuples” – ne seront jamais de bons Français. » Anne Sinclair était blême : « C’est de notre faute, c’est parce que nous, nous ne voulons pas… » Et lui de répondre : « Mais non ! Vous pourrez faire tous les efforts que vous voudrez, ils ne seront jamais français ! »
Source http://www.causeur.fr/eric-zemmour-islam-immigration-quinquennat-40443.html
L’analyse est intéressante – mais uniquement en ce qui concerne l’islam. Pour le judaïsme, il me semble que cet écrivain est loin d’avoir compris… sa propre culture !
Le judaïsme « talmudique » n’a pas besoin de « s’adapter » et de se transformer, il est tellement réellement d’inspiration divine qu’il est en mesure, en chaque lieu et en chaque temps, d’avoir son adhésion à la réalité sans qu’on n’ait besoin de lui tordre la tête, ‘has veChalom !