Les États-Unis ne veulent pas que le Hamas disparaisse. Ils posent se donc en défenseur de la veuve et de l’orphelin gazaouis.
La frappe malheureuse des soldats israéliens contre le convoi de World Central Kitchen à Gaza et la mort de sept employés de cette ONG qui nourrit aussi bien les Gazaouis que les Israéliens a permis à l’hostilité latente des États-Unis envers Israël de s’exprimer. Le 4 avril 2024, après un entretien téléphonique entre Joe Biden et Benjamin Netanyahou, la Maison Blanche a rendu public un communiqué glacé et accusateur : “Le président Biden a souligné (à son interlocuteur israélien) que les frappes contre les travailleurs humanitaires et la situation humanitaire globale étaient inacceptables”, y-lit-on. Pour la Maison Blanche, Israël a donc ciblé délibérément les travailleurs de WCK et les populations civiles gazaouies.
Le communiqué a ajouté que Joe Biden a réclamé au premier ministre d’Israël “des mesures spécifiques, concrètes et mesurables pour remédier aux dommages causés aux civils, aux souffrances humanitaires et à la sécurité des travailleurs humanitaires”. Le même jour, John Kirby, principal porte-parole de l’exécutif américain sur les questions de sécurité, s’est fait plus menaçant encore : “… Nous allons guetter les mesures concrètes, tangibles qui seront prises, et si nous ne voyons pas de changements, il y en aura de notre part“.
Alors que la Cour Pénale internationale instruit un dossier de “génocide” contre Israël, le président des États-Unis accuse publiquement Israël de cibler délibérément les civils et les travailleurs humanitaires.
L’argument humanitaire a été imposé aux Israéliens dès le début de la guerre
La pitié obligatoire envers la population arabe de Gaza a été imposée aux Israéliens dès les premiers jours du conflit avec le Hamas. En octobre 2023, Israël a décrété qu’aucun camion d’aide alimentaire ni aucune source d’énergie n’entreraient à Gaza. Mais les États-Unis ont tapé sur la table et Israël a non seulement nourri et dorloté les civils de Gaza, mais il a transformé le point de passage d’Erez à Gaza et le port d’Ashdod en centres de réception d’aide humanitaire pour la population ennemie.
Israël a également informé cette même population ennemie – et le Hamas par conséquent – des frappes, actions et mouvements de troupes qu’il entendait mener afin qu’ils puissent fuir la guerre. Ce qu’aucune armée ne fait jamais. Anthony Blinken a ensuite déclaré que le bien-être des civils de Gaza devait être la « première des priorités » (« top priority ») pour l’armée israélienne. Il n’est pas déraisonnable de penser que des soldats israéliens sont morts ou ont risqué leur vie, chaque fois qu’Israël a envoyé des troupes au sol en lieu et place d’un bombardement.
Dans Newsweek, John Spencer, qui enseigne la guerre urbaine au Modern War Institute (MWI) de West Point, l’école militaire américaine, s’est déclaré admiratif des techniques de guerre urbaine inventées par les Israéliens et qui sont en contradiction avec les lois de la guerre (surprendre l’ennemi, frapper fort pour le détruire) : “Au cours de ma longue carrière d’étudiant et de conseiller en matière de guerre urbaine pour l’armée américaine , je n’ai jamais vu une armée prendre de telles mesures pour s’occuper de la population civile ennemie, surtout quand elle combat simultanément l’ennemi dans les mêmes bâtiments. D’après mon analyse, Israël a mis en œuvre plus de précautions pour prévenir les dommages civils que n’importe quelle armée dans l’histoire – au-delà de ce que le droit international exige et plus que ne l’ont fait les États-Unis dans leurs guerres en Irak et en Afghanistan“.
Mais Israël n’a pas agi ainsi de lui-même. Cette conduite lui a été imposée par son principal allié, les États-Unis. Pourquoi les États-Unis ont-ils eu cette exigence humanitaire et le discours qui va avec ? Sans doute parce qu’il leur était difficile de dire ouvertement qu’ils avaient pour objectif de sauver la peau du Hamas. Pourquoi Joe Biden se préoccupe-t-il du Hamas ? Parce qu’une partie de son électorat américain soutient ouvertement le Hamas et, sans doute aussi parce qu’un deal informel – c’est notre hypothèse – a été passé avec l’Iran, principal sponsor du Hamas : “Pas de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah”, ont exigé les États-Unis (toujours la crainte d’une spirale incontrôlable à l’irakienne), “d’accord”, ont répondu les Iraniens, “mais en échange, sauvez le Hamas”.
À la veille des présidentielles américaines, les États-Unis ont donc multiplié les contraintes (discours humanitaire à l’appui) dans l’espoir que l’armée israélienne s’enlise et renonce d’elle-même.
On ne contre pas un discours humanitaire
Comme l’explique Philippe Juhem, Maitre de conférences à l’Institut d’études politiques de Strasbourg, le discours humanitaire a deux caractéristiques principales : il doit ”intéresser les journalistes de télévision et ne heurter aucun acteur désireux de le mettre en cause ou d’en relativiser la justesse”. Autrement dit, le discours humanitaire est un discours universaliste rassembleur.
Philippe Juhem ajoute que comme les discours antiraciste, écologique ou sanitaire, le discours humanitaire “appartient à la catégorie des ‘discours sans opposants’ (…) c’est-à-dire des causes généreuses qui suscitent à priori la sympathie et qu’aucun acteur n’a intérêt à mettre en cause”.
Le premier ministre israélien aurait pu rétorquer aux dirigeants américains que leur humanitarisme universaliste allait à l’encontre des intérêts de la nation israélienne. Il aurait pu expliquer que sous couvert d’humanitaire, Joe Biden cherchait à ménager les islamistes et les woke qui forment l’aile gauche du parti Démocrate ; ou bien que le président des États-Unis a besoin du vote des musulmans du Michigan – un des six ou sept “swing state” qui décideront du sort de la prochaine élection présidentielle – ; ou encore, que les États-Unis devraient renoncer à amadouer l’Iran, qui arme le Hamas et qui, depuis quarante-cinq ans a multiplié les actes hostiles envers Israël et les États-Unis ; Israël aurait pu aussi expliquer que cette “innocente” population de Gaza a voté pour le Hamas a plus de 60% en 2006, qu’elle confie chaque année ses enfants aux camps d’été du mouvement terroriste pour qu’ils apprennent à tuer des Juifs, et que le reste de l’année, ces mêmes Gazaouis éduquent leurs enfants dans les écoles de l’UNWRA qui sont elles aussi une succursale du Hamas.
De manière plus insolente encore, il aurait été possible de rétorquer au président américain que l’armée américaine n’a jamais été avare de bavures ou que l’actuel discours humanitaire de la Maison Blanche fait le jeu militaire du Hamas. En effet, tout bouclier humain fonctionne sur un principe simple : il faut que dans le camp ennemi, des forces se dressent pour protéger cette population qui, elle-même, n’a d’autre choix que de protéger de son corps, la milice terroriste qui s’abrite derrière elle.
Ou encore, il aurait été également possible de rappeler à Joe Biden, comme le fait Pierre André Taguieff (Cf “La Haine d’Israël, antisionisme radical et islamisme”, contribution aux travaux de la “mission d’information de l’assemblée nationale sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter” …) qu’il y a une “islamisation de la cause palestinienne, laquelle est en accélération continue depuis la création du Hamas en décembre 1987 qui lui a donné une figure organisationnelle”. A quoi bon créer un “État palestinien”, comme le souhaite Joe Biden, s’il devient une succursale du Hamas ?
Mais révéler que le discours humanitaire du président américain est un discours antinational qui ne vise qu’une seule nation, l’État d’Israël, n’était pas dénué de risques. Notamment celui de voir votre principal fournisseur d’armes ralentir les livraisons, voire les supprimer.
Le discours humanitaire est un discours antinational
Cette souffrance éprouvée par les Gazaouis qui brise le cœur de Joe Biden -«”je suis indigné et navré par la mort de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen”, a-t-il dit -, la peine éprouvée par Jill, femme de Joe Biden, à propos des seuls Gazaouis, l’émoi des responsables de la Croix Rouge, de l’ONU et de tous les autres institutions occidentales envers les Gazaouis – n’a qu’une seule fonction, celle de faire disparaître trois éléments clé du dossier : les victimes du 7 octobre, les otages israéliens détenus par le Hamas et la responsabilité du Hamas tant dans les crimes commis le 7 octobre.
Une fois gommés les otages, l’agression du 7 octobre et la responsabilité du Hamas, les Israéliens n’ont plus aucune raison de faire la guerre. Ils deviennent des barbares qui agressent sans raison une population sans défense. Et le téléspectateur mondial à qui le discours humanitaire s’adresse n’a plus sous les yeux que deux millions de sans-abris gazaouis qui se trainent d’un mur en ruines à une route de sable. Telle est l’image photographique qui se déploie dans tous les journaux et que tous les dirigeants occidentaux entendent imposer à leurs populations. Ce scandale “humanitaire” obligerait donc à l’arrêt des combats.
Qu’Israël persiste à faire souffrir plus longtemps, cette population islamique innocente, et le pays des Hébreux serait progressivement placé en position d’État paria, privé d’armes et de munitions, à la merci des prédateurs de la région. Telle est la logique que les États-Unis imposent à certains de leurs amis et alliés.
© Yves Mamou
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