1.
Une image d’Epinal, héritée des Lumières, présente la laïcité comme rejetant l’obscurantisme religieux, au nom de l’humanisme, de la tolérance et de l’amour universel. La réalité, hélas, n’est pas toujours conforme à cette belle image. Dans l’histoire juive, en particulier, nombreux furent ceux qui rejetèrent le “joug des mitsvoth” pour accepter un autre joug, tout aussi contraignant, et pour adhérer à de nouvelles “religions” (politiques ou civiles) souvent destructrices et parfois sanguinaires.
Ce furent le communisme, dont le nombre des victimes dépasse (en millions) celui du nazisme, ou le maoïsme – qui rivalisa avec ses deux “grands frères” dans l’horreur (voir le
beau roman qu’Evelyne Tschirhart a consacré au “Soleil rouge”). Le nazisme, le communisme et le maoïsme – trois idéologies laïques opposées à toute notion de Dieu – ont fait plus de morts au vingtième siècle que toutes les guerres de religion des siècles passés. La dernière en date de ces religions destructrices s’appelle le progressisme, et si elle n’a pas encore fait couler autant de sang que ses aînées, tous les “espoirs” sont à cet égard, hélas, permis, si l’on en juge par la radicalité de son discours et de son idéologie.
2.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la dernière bataille en date du
Kulturkampf israélien, celle qui a vu des Juifs laïcs tel-aviviens interdire
manu militari un office public de Kol Nidré, place Dizengoff. Il n’est pas anodin que ces “byrionim” aient choisi le Kol Nidré, qui est sans doute la prière qui traduit le mieux l’esprit de tolérance et d’ouverture du judaïsme ; en appelant à “
autoriser la prière aux Juifs qui transgressent la loi”. C’est précisément dans cet esprit juif d’ouverture et de tolérance que l’organisation
Roch Yehudi, créée après l’assassinat d’Yits’hak Rabin dans un but de rapprochement, organise chaque année cet office de Kippour.
Mais face aux adeptes de la religion progressiste, aucun esprit de tolérance n’est de mise. Comme l’expliquait hier midi sur Galé Tsahal un journaliste (dont le nom m’échappe), cet incident aura permis de dissiper tout malentendu concernant le soi-disant esprit de “libéralisme” et de “tolérance” de la ville de Tel-Aviv et de ses dirigeants actuels, et notamment de son maire, Ron ‘Houldaï. Leur “tolérance” est du même acabit que celle du grand Voltaire, auteur du slogan “écrasons l’infâme” et lui aussi, ennemi déclaré du judaïsme religieux.
3.
Cette nouvelle croisade progressiste, déclenchée le soir de Kippour, ne s’inscrit pas seulement dans l’histoire déjà ancienne de l’antagonisme laïcs-religieux en Israël. En réalité, il s’agit de la version locale d’un conflit bien plus vaste, qui oppose le judaïsme – en tant que représentant par excellence des valeurs conservatrices, traditionnelles et religieuses – d’un côté, et la nouvelle religion progressiste de l’autre. C’est un véritable conflit de civilisations, comme celui qui opposa Israël à l’empire séleucide à l’époque de Hanoucca.
Il n’est évidemment pas anodin que le prétexte choisi pour allumer l’étincelle de ce dernier round ait été la question de la non-mixité dans l’espace public, qui renvoie à celle, plus vaste, de la séparation des sexes et de la liberté sexuelle, dont la religion progressiste a fait son étendard (aux couleurs de l’arc-en-ciel, ce qui pose évidemment question, quand on se souvient de ce que signifie ce symbole dans la tradition juive). Dans l’esprit des adeptes du progressisme, il est impératif d’occuper l’espace public et d’y imposer leurs “valeurs” (comme lors des manifestations provocatrices à Bené Braq ou de la “Gay Pride” à Jérusalem). Dans ce nouveau conflit idéologique, c’est le judaïsme qui l’emportera, une fois de plus.