La voie de la Tora

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Par le rabbi de Kalov, rabbi Moché (ben Rayzel, lirefoua cheléma) Taub

Le rabbi de Kalov a « écrit » un texte en l’honneur de la fête de Chavou’oth passée, et nous le publions ici. Ce texte est particulièrement émouvant car il est rédigé par une personnalité rabbinique qui s’est dévouée pendant de longues années, visitant le monde communauté par communauté, ville par ville, école par école. Le public français a eu droit à de nombreuses visites de sa part, et d’innombrables personnes se sont rapprochées de la pratique, chacun à leur niveau, grâce à lui. Ces efforts étaient totalement bénévoles et gratuits.

Mais sa vie a connu dans un tournant dont nous supportons encore les effets : une paralysie progressive frappe le rabbi, au point qu’il ne peut plus communiquer, si ce n’est par le biais de la vue, moyen unique par lequel il parvient à écrire et à s’exprimer !

Cette situation dramatique ajoute une certaine dimension au présent texte…

 

 Prescription absolue

Nos ancêtres ont proclamé : « Nous allons faire, puis nous allons entendre ! » (Chemoth/Exode 24,7). C’est une attitude qu’il n’est pas aisé de comprendre : comment peut-on d’abord s’exécuter, puis seulement savoir quoi faire ? Ne faut-il pas avant toute chose recevoir les justes instructions ?

Expliquons cela avec une anecdote qui s’est déroulée récemment. J’ai envoyé quelques-uns de mes élèves dans une faculté de médecine où étudient des centaines de jeunes juifs, afin de les aider sur le plan spirituel. Il s’est avéré qu’ils fréquentaient un restaurant appartenant à un non-juif à qui ils faisaient confiance, ce dernier ayant affirmé leur fournir exclusivement de la viande cachère. Mais une rapide enquête permit de mettre en évidence qu’il leur donnait de la nourriture interdite. Ceci m’a amené à leur envoyer une lettre, dans laquelle je leur écrivis qu’en tant qu’étudiants en médecine, ils se devaient de plus prêter attention encore que d’autres, à la cacherouth de ce qu’ils mangent même si les dégâts qu’une telle consommation génère ne leur apparaissait pas au premier abord.

Pourquoi ? Lorsqu’un étudiant en médecine tombe malade, il est le premier à comprendre combien il est important de se conformer aux instructions du médecin consulté, prendre les médicaments prescrits, voire même s’intéresser à leur effet. Et même si le médecin lui prescrit un remède amer, ou difficile à avaler, il n’hésitera pas à le prendre, sachant que c’est ainsi qu’il pourra retrouver sa santé et continuer à profiter de la vie pour longtemps. De même, si un certain aliment s’avère dangereux pour lui, même s’il est très agréable, il l’évitera à tout prix, même en quantité infinitésimale.

 

« Car c’est Moi Hachem ton médecin… »

 

On établira alors un raisonnement a fortiori : si nous suivons si scrupuleusement les ordonnances d’un médecin humain, à plus forte raison devons-nous suivre celles du Créateur Qui se présente sous le titre de « médecin de toute chair » (bénédiction après avoir fait ses besoins) et : « Je suis l’Eternel Qui te soigne » (id. 15,26) ! En tant que Créateur de tout être, dont il Se soucie de manière continue, Il connait la nature de l’homme et du monde, ce qui est bien pour nous et notre corps, dans ce monde-ci et dans le monde futur. La Tora qu’Il nous a donnée peut jouer le rôle d’un manuel indiquant à l’homme comment se conduire afin d’atteindre le bonheur, comme il est dit (Devarim/Deutéronome 30,20) : « Aime l’Éternel, ton D’, écoute Sa voix, reste-Lui fidèle : c’est là la condition de ta vie et de ta longévité ». Lorsqu’un Juif prend conscience de cela, il est amené à s’écarter de la consommation de produits qui risquent de contenir des éléments interdits par la Tora. Ceci, même s’il a difficulté à trouver une autre nourriture, et même si cet élément semble bon, car il comprend que cela risque de lui faire du mal.

Pour donner une illustration à cela, nous savons que notre maître le Rambam (qui était aussi un grand médecin) explique l’interdiction des animaux impurs par le fait que leur nature mauvaise et cruelle va imprégner les consommateurs de leur chair. Et il en sera de même avec les autres aliments interdits, qui causent des dommages au corps et à l’âme de la personne, qui est l’élément essentiel de sa personne. Le saint Zohar dit également que la consommation de tels animaux appartenant à la « sitra a’hra » (« l’autre côté », expression zoharique désignant les forces du mal) fait qu’un esprit d’impureté imprègnera celui qui les consomme. Le Ba’al Chem Tov a rapporté qu’une personne ayant une fois demandé quelle était l’opinion du Rambam à l’égard de la résurrection des morts, (sachant qu’on peut apporter des preuves en faveur d’un tel phénomène, et des preuves contre) le maitre a refusé de répondre lui-même mais a demandé à un disciple de le faire : « De votre question, on peut déduire que vous avez succombé à la tentation de manger des aliments interdits, qui sont véhiculés par le sang jusqu’au cerveau, et c’est ce qui vous amène à des hésitations dans le domaine de la foi établie dans le cœur depuis Avraham notre ancêtre ! »

 

La solution imbattable contre le « Je ne peux pas ! »

 

En fait, ce raisonnement ne concerne pas seulement les étudiants en médecine, ne se limite pas aux aliments interdits, mais peut être étendu à tout Juif dans son respect des mitsvoth de la Tora. Certains font preuve d’une légèreté dans le respect du Chabbath, l’étude de la Tora ou la prière en commun, pensant que ces obligations leur font perdre de l’argent, du temps ou les empêche de profiter de la vie. Ils n’y voient aucun intérêt, et de ce fait, n’ont pas la patience de les respecter et leur réponse, quand on leur demande pourquoi ils ne les pratiquent pas, est : « Je ne peux pas ».

La solution imbattable contre une telle affirmation s’inspire de l’exemple déjà utilisé du malade avec son médecin. Elle prouve qu’une personne peut toujours changer : si elle s’avérait être malade, que D’ nous en préserve, et que le médecin lui ait indiqué de faire les choses les plus difficiles qui soient afin de préserver sa vie, elle ferait tout pour se plier de manière précise aux indications du médecin, quitte à passer par une opération délicate et rester quelques mois en milieu hospitalier. Tout lui aurait alors paru beaucoup moins difficile dans la mesure où elle aurait été convaincue de l’intérêt de tout cela. Il y a apprendre de cela que toute personne est en mesure de respecter les mitsvoth, même ce qui lui semble aller à l’encontre de sa nature. Il lui suffit de prendre conscience du fait que cela lui apporte la vie.

 D’abord s’exécuter, puis seulement savoir quoi faire ?

D’autres, toutefois, annoncent d’abord vouloir comprendre comment le respect des mitsvoth a des incidences positives, et comment la défection dans leur pratique peut avoir des incidences négatives, se déclarant prêts à cette condition seulement,  à accepter le joug des mitsvoth.

D’autres encore, dont des jeunes qui n’ont jamais étudié la Tora, affirment rejeter les mitsvoth au prétexte « qu’ils ont des questions » sur nombre de sujets et sans les réponses qu’ils attendent, ils ne sont pas prêts à avancer. Ceci est ridicule car ce faisant, ils se considèrent donc comme plus sages que les Maitres de toutes les générations, qui ont respecté les mitsvoth sans attendre la réponse à leurs éventuelles questions !

Par nos grandes fautes, même des personnes respectueuses des mitsvoth peuvent, de nos jours, en arriver volontairement ou non, dans le secret ou à la vue de tous, à se laisser entrainer par des sites méprisables reprenant des arguments anciens, visant à minimiser l’importance de la pratique des mitsvoth. Ceux qui sont affaiblis dans leur engagement par manque de connaissance et d’étude, peuvent en arriver à penser que ces discours sont fondés, puis fléchir dans leur respect des mitsvoth voire même songer à en rejeter complètement le joug.

Nous aurons recours, cette fois-ci encore, à l’image du « médecin » pour contrer ces incitations de la part du penchant au mal. De même que l’on sera amené à tout faire pour sauver notre vie selon les conseils du médecin, sans lui dire qu’on ne le suivra qu’une fois qu’on aura compris les raisons de ses indications, de même il y a lieu de respecter les mitsvoth en concevant que l’Eternel est le médecin de toute chair, même si nous ne savons pas encore Ses raisons. Cependant, une fois entamée l’étude de la Tora, il sera possible de découvrir petit à petit les raisons de toutes les mitsvoth, et d’apporter des réponses à toute question. Et, bien entendu, la sainte Tora est d’une sagesse dépassant l’étendue de la mer, et plus encore celle de la médecine ; à chaque mitsva, on peut trouver de nombreuses réponses et raisons.

 Consulter les spécialistes

En outre, il faut bien prendre conscience qu’il n’est pas donné à chacun de tout savoir et de même que lorsqu’un médecin généraliste ne sait pas répondre, on se dirigera vers un professeur, et si ce dernier ne sait que dire, on cherchera le spécialiste qui aura passé des années à étudier le problème en question.

Il en sera de même dans notre domaine : on se dirigera vers une personne qui a plus étudié, ou on cherchera dans les livres, mais il n’existe pas de question qui n’ait pas de réponse ; et même celles que le commun des mortels ne parvient pas à résoudre dans l’immédiat, toute personne aguerrie dans l’étude de la Guemara comprend les bases de la foi, la grandeur des mitsvoth et les raisons de leur imposition ; en particulier ceux qui sont plongés dans l’étude du Zohar peuvent encore mieux apporter des explications à la création du monde et à la grandeur du Créateur, qu’Il soit béni, et comment l’homme prend part à la construction des mondes de par ses actes. Là aussi, on reviendra à l’image des médecins qui se sont penchés avec assiduité sur le monde et comprennent clairement comment des forces physiques imperceptibles telles que bactéries et des virus peuvent avoir de l’influence, de même la personne qui a étudié nos sources peut comprendre les forces spirituelles secrètes émanant de la pureté, et de son contraire.

Faire confiance aux ancêtres

Il faut juste, pour y parvenir, s’écarter des incitations au mal, qui brouillent la clarté de la pensée humaine.

Il faut prendre conscience du fait que c’est la voie qu’ont suivie nos ancêtres durant plus de trois millénaires, en une chaîne humaine ininterrompue depuis Avraham jusqu’à notre génération. Ils ont toujours vécu en se dévouant corps et âme pour l’accomplissement des mitsvoth. Non pas qu’ils fussent stupides, mais, de même que nul ne nait médecin, eux aussi, bien qu’ils ne connussent pas les raisons des mitsvoth dans leur jeunesse, ils ont agi parce qu’ils avaient devant eux des anciens respectant les mitsvoth et se déclarant comprendre leurs raisons – et eux aussi, en avançant, ont découvert ces connaissances. Les millions de Juifs, au courant des générations, qui ont respecté l’ensemble de nos lois même s’ils n’ont pas étudié la Tora, étaient heureux d’accomplir les mitsvoth sous les conseils des autorités rabbiniques et des sages, dont certains étaient d’une richesse incomparable, tel le Rambam ou le Abrabanel, et d’autres maitres au cours des générations, tous disant : « Nous avons appris, et en savons les motifs ». De la sorte, ceux qui n’ont pas encore emmagasiné de grandes connaissances, les jeunes en particulier, doivent se renforcer et accomplir les mitsvoth dans la foi, voyant des milliers d’adultes les respectant et étudiant, arrivant à comprendre les sources de nos obligations. Eux aussi, avec le temps, y parviendront et en saisiront l’importance.

Il est possible de dire que c’est là ce qu’ont voulu dire nos Sages en montrant que le fait d’accomplir passe avant l’écoute : au départ, il faut respecter ces obligations avant d’en découvrir les raisons, comme on le fait face à des ordonnances du médecin, et ce n’est qu’après que l’on en comprendra les motifs.

Que l’Eternel nous permette de recevoir la Tora de tout notre cœur, dans la joie, et que toutes les bénédictions et les influx positifs nous parviennent, dans la délivrance définitive !

 

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