« Voici les vies de Sara… Sara mourut… »

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Réflexion sur la paracha de la semaine par le Rav Mordékhai Bismuth

« Voici les vies de Sara… Sara mourut à Kiryat Arb’a qui est ‘Hévron… » (Beréchit 23,1-2)

Rachi écrit : Le récit de la mort de Sara fait immédiatement suite à celui du sacrifice de Yits’hak. Lorsqu’elle a appris que son fils avait été ligoté sur l’autel, prêt à être égorgé, et qu’il s’en était fallu de peu pour qu’il fût sacrifié, elle en a subi un grand choc et elle est morte.

Le titre de notre paracha, ‘Hayé Sara, se traduit par « les vies de Sara ». Nous pouvons être interpellés par cet intitulé vu que l’on y relate principalement sa mort et le déroulement de son enterrement.

Plus loin dans la Tora nous nous retrouvons dans la même situation dans la parachath Vayé’hi, qui commence par les mots : «Vayé’hi Ya’akov/Ya’akov vécut » et qui traite de la mort de Ya’akov.

Le rav Zalman Sorotzkin (Oznaïm laTora) écrit que nous pouvons y apprendre que la véritable vie n’est pas celle dans ce monde. Mais plutôt, que la vie commence après que l’âme quitte le corps et entre dans le monde à venir. Ainsi, Sara et Ya’akov sont morts dans ce monde, mais une autre vie commence. La mort n’est pas une fin mais une vie. Une vie qui va se construire par notre vécu précédent. Essayons de comprendre.

Pour récolter des fruits, nous préparons notre champ, semons des graines, labourons, prions pour le temps.

Une fois notre arbre grandi, les fruits apparaîtront et nous les cuillerons.

Ces fruits nous les mangerons.

Mais au moment où nous les dégustons, pensons-nous à cet arbre ? à cet agriculteur ? aux moyens matériels utilisés ? aux prières prononcées pour que la météo soit favorable à la pousse ?

La mort ou plutôt la vie est ce moment où nous profitons du travail accompli. Nous devons assimiler ce monde par un bref lieu de passage vers notre endroit de vie éternelle, comme il est écrit (Pirké Avoth 4,16) : « Ce monde ressemble à un vestibule devant le monde à venir [éternel]. Prépare-toi dans le vestibule, en accomplissant des bonnes actions, des Mitsvot dans ce monde pour entrer dans le palais. »

La vie ici-bas est comparable au travail de l’agriculteur. Notre corps est comparable aux machines agricoles, au champ à tout le matériel qui va nous permettre de récolter nos fruits. Nous allons labourer en travaillant sur nos midoth, vivre selon le dérekh éretz.

Nous allons semer des graines qui sont nos mitsvoth. Elles vont germer dans le terreau du monde matériel, puis se développent et se multiplient, propulsant l’âme toujours plus haut. Nous allons prier, pour que nos actions, nos épreuves nous soient favorables. Puis nous allons grandir et faire des fruits.

Et quand Hachem décidera, ses fruits formés par notre travail sur soi, nos mitsvoth, notre avodath Hachem se détacheront. Et comme ils sont, mûrs ou pas mûrs, gros ou petits, acides ou sucrés, comme cela nous les dégusterons dans notre nouvelle vie. Une vie purement spirituelle où juste notre nechama profite.

Lorsqu’elle a terminé son existence physique, la nechama retrouve une existence purement spirituelle. Elle ne pourra plus accomplir de mitsvoth, mais celles qu’elle aura accomplies durant sa vie matérielle l’élèveront vers des hauteurs qu’elle n’aurait pas même pu contempler avant sa descente ici-bas.

Rav Wolbe zatsal écrit (Alé Chour) : « Un élève du Gaon de Vilna écrit : le jour de la mort est le but de la vie de l’homme. Ce que l’homme perçoit en ce jour de sa mort est bien supérieur à ce qu’il aura perçu durant toute sa vie, toutefois sa perception dépendra du niveau qu’il atteint durant sa vie… ».

Comme nous le comprenons, notre nechama a besoin de notre corps. L’âme, habillée dans le corps, est un reflet de la Forme divine, appelée le tsélem Elokim. Ce tsélem Elokim peut être décrit comme le moule spirituel de la forme physique de l’homme, reliant son corps et son âme.

Le but d’un Juif est à travers sa vie d’élever son corps, de le mettre en osmose avec sa nechama, de faire monter le corps au niveau de l’âme et de faire UN ! Mais pas le contraire, ‘hass vé chalom ! Celui dont le corps prendrait trop de place, c’est la nechama qui partirait….

Revenons à notre paracha, la Tora va s’étendre longuement sur l’enterrement de Sara Iménou, quelle grande importance qu’Avraham a donné au lieu de sa sépulture et comment il s’est battu pour l’acquérir.

Si le fruit, la nechama, est le plus important, ce qui va nous accompagner pour notre nouvelle vie, alors, que notre corps ne nous sert plus à rien dans le monde futur, pourquoi la Torah va insister sur ce passage ?

Dans un premier temps, remarquons combien le corps d’un Juif est important, combien la Tora considère ce que l’on appelle le réceptacle ou l’enveloppe de la nechama. On aurait pu penser qu’après la mort, une fois que la nechama se détache de notre corps, ce même corps serait bon pour la poubelle ou pour le recyclage (que D’ nous en préserve).

Pas du tout ! On le remarque d’ailleurs, combien après un attentat, un accident, comment Zaka ou d’autres organismes s’occupent de ramasser chaque goutte de sang ou parcelle de la victime. Combien on est capable d’échanger d’arabes vivants pour récupérer le corps de l’un de nos frères ! Essayons de comprendre quelle place notre corps a dans la vie d’un Juif…. Le corps d’un Juif est d’un autre niveau, particulièrement celui de Sara, il est saint. Une sainteté qui est exprimée à travers les suivants de notre paracha :

Tout d’abord lorsque Avraham va acquérir la terre la Tora s’exprime ainsi : «Vayakam sedé Efron…/ Et le champ d’Efron s’éleva… » (Beréchit 17;20) Rachi explique que c’est le changement de propriétaire qui a élevé la terre.

Ensuite après que Sara ait été enterrée, le verset nous dit ainsi : « Vayakam hassadé vehamé’ara le-Avraham…/et le champ et le caveau s’élèvèrent… » (Beréchit 23;20)

Le Zohar Hakadoch (‘Hayé Sarah 128a) nous enseigne que le terrain a subi une véritable élévation. Rabbi Aba explique que cette élévation est survenue après l’enterrement de Sara. Mais encore, rabbi Chim’on écrit que lorsque Avraham entra dans la grotte de Makhpéla pour y enterrer Sara, Adam et ‘Hava se sont levés de honte. Ils ont rétorqué à Avraham : « Nous avons déjà honte devant Hachem à cause de la faute que nous avons commise, mais maintenant encore plus en voyant les bonnes actions que vous avez accomplies ! »

On voit à travers les versets, et le Zohar, comment il est possible d’élever notre corps et la matière. Comment le simple changement de propriétaire va élever un simple lopin de terre et le transformer en endroit le plus saint, le plus kadoch, tellement que chaque âme avant de rejoindre le gan Éden devra passer par là-bas.

Mais plus encore avec le second verset, lorsque la terre s’élève une seconde fois, lorsque Sara Iménou va être enterrée dans cette terre sainte.

Les Sages disent : «L’âme de Sara l’a quittée lorsqu’elle entendit dire que son fils Yits’hak avait failli ne pas être sacrifié sur l’autel» (Vayikra Rabba 20:2), c’est-à-dire que toute l’existence de Sara et tout son être étaient uniquement consacrés à l’accomplissement de la volonté de D’.

Elle pensait que Sa volonté était de sacrifier son fils et elle en est morte de penser que Hachem n’a pas accepté ce sacrifice.

« Elle fut enterrée à ‘Hévron », Sara, ainsi que nos Patriarches et matriarches ont été enterrés à ‘Hévron.

‘Hévron du mot ‘hibour/connexion, un des endroits les plus saints du monde, là où se trouve la porte du Gan Eden, car il fait la connexion entre notre monde et celui du Emeth (de l’au-delà).

Ils ont été enterrés justement à ‘Hévron car ils ont été pour nous le moyen (ou le vecteur) de connexion avec la Vérité. Le lien entre nous et eux, nous et le monde du Emeth, est un lien infaillible, un lien pour l’éternité.

La Tora est « le plan divin de la création » qui guide et instruit l’âme dans la mission de sa vie.

La Tora est également « une nourriture pour l’âme » : en étudiant la Tora, l’âme absorbe et assimile la sagesse divine et reçoit ainsi l’énergie divine lui permettant de persévérer dans sa mission et d’en surmonter les épreuves.

Aussi, les mitsvoth qui sont des actions matérielles, ne pourront être accomplis par l’âme uniquement lorsqu’elle réside ici-bas, enveloppée dans le corps. Ainsi, le cours de la vie matérielle est la seule occasion pour l’âme d’accomplir des mitsvoth. Tout ce qui vient avant et après est seulement le préambule et l’épilogue de la période la plus importante et la plus élevée de l’âme : celle où ses actes relient D’ au monde.

Ainsi tout celui qui aura réussi à unir son gouf/corps à sa néchama/âme deviendra, lui et son corps éternel, comme une nechama.

On comprend ainsi le titre de notre paracha, et le dévouement de notre père Avraham pour enterrer Sara de la manière la plus noble.

Chabat Chalom – Rav Mordékhai Bismuth

Extrait de la Daf de Chabat disponible sur notre site OVDHM.com

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