«Village bédouin détruit par Israël»: ce que montrent les photos aériennes

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Israël a démoli des structures érigées par des Bédouins dans une zone où l’armée s’entraîne. Il s’agissait de quelques tentes, que les médias ont toutefois décrites comme un « village ». Selon un militant cité par l’AFP, 186 familles y vivaient même en 1990 : des photos obtenues par InfoEquitable démontrent que cette affirmation est invraisemblable.

C’est un petit jeu très pratiqué dans les territoires disputés de Cisjordanie / Judée-Samarie.

En plusieurs endroits, des Bédouins soutenus par l’Autorité palestinienne et par un réseau d’ONG souvent financées par des acteurs étrangers construisent des structures d’habitation sommaires et revendiquent la possession du lieu; Israël démolit ensuite ces structures, en vertu du fait que la gestion du territoire et les permis de construire en zone C lui ont été confiés par les accords d’Oslo signés avec les Palestiniens. Puis le manège recommence, avec des cycles de constructions / destructions sur un même terrain.

Lorsque la démolition survient, la machine médiatique se met en marche. Quelques ONG crient au scandale et les grandes agences de presse relaient la nouvelle, en accablant Israël qui empêche des braves gens de vivre pour s’emparer de leur territoire.

C’est arrivé récemment autour du lieu appelé Khirbet Humsa, aussi désigné dans les sources francophones comme Khumsa al-Baqa. L’endroit est situé sur un terrain déclaré zone de tirs militaires par Israël en 1972.

En novembre 2020 déjà, après une démolition survenue au même endroit, l’AFP titrait « Israël détruit un village bédouin dans la vallée du Jourdain ».

Le jeu du chat et de la souris reprit, de nouvelles structures furent érigées, et le 3 février 2021, rebelote avec un nouvel article : l’AFP parle dans le titre d’un « village » détruit et le sous-titre fait état d’une soixantaine de Bédouins expulsés.

Village improvisé

La lecture de l’article permet de relativiser l’importance donnée par le titre à l’événement. « des bulldozers israéliens ont arraché les tentes et des toilettes mobiles de familles bédouines dans le secteur de Khumsa al-Baqa, un village improvisé», nous dit l’agence…

En guise de village, donc, des constructions temporaires. Pas la moindre maison.

Mais c’est une citation rapportée par l’AFP qui a en particulier retenu notre attention :

Il y avait plus de 186 familles ici en 1990, mais aujourd’hui, en 2021, il ne reste que 21 familles palestiniennes dans cette zone en raison des mesures mises en place” par Israël

Moataz Bisharat, militant palestinien anticolonisation

186 familles, dans une société où les familles sont traditionnellement nombreuses, cela fait pas mal de monde, et un certain nombre de maisons.

Et cela ne nous paraissait pas correspondre aux photos de la scène qui montraient quelques frêles structures en train d’être démontées, dans un village que l’AFP elle-même décrit comme « improvisé ».

Alors nous avons fait des recherches.

Première surprise, la plus ancienne trace que nous ayons pu trouver de Khirbet Humsa / Khumsa al-Baqa date de 1997. Un recensement de l’organisme statistique officiel de l’Autorité palestinienne, le Palestinian Central Bureau of Statistics, créditait alors Khirbet Humsa d’une population de… 17 habitants !

Ces 17 personnes vivaient alors dans trois habitations, qui n’étaient même pas équipées de cuisines et d’eau courante…

Khirbet Humsa vu du ciel

Nous avons toutefois voulu en avoir le cœur net : quelle était la situation en l’année 1990 mentionnée à l’AFP par celui que l’agence appelle un « militant palestinien anticolonisation » (un titre d’une telle partialité qu’on voit mal comment une telle source peut être la seule citée dans un article d’information sur une situation conflictuelle) ? Allions-nous trouver la trace de ces « 186 familles » ?

Nous nous sommes adressés à Regavim, une ONG israélienne qui fait en quelque sorte pendant à B’Tselem (l’ONG qui fait campagne contre les destructions opérées par Israël à Khirbet Humsa) et s’oppose aux constructions par des Palestiniens et des Bédouins jugées illégales par Israël.

Regavim nous a fourni diverses photos.

Voici tout d’abord Khirbet Humsa vu du ciel en 2019 : on y voit, au milieu d’un grand espace vide, deux petits groupes de constructions.

L’image actuelle de Google Maps (février 2021) montre très clairement ces mêmes structures.

Mais déjà en 2008, la photo aérienne montre une donne différente : on n’y observe aucune construction ! Il en va de même pour un autre cliché que nous avons obtenu, daté de 1999.

Et nous voilà en 1991 : le terrain était vide. Et il aurait abrité 186 familles l’année précédente ? D’autres clichés de 1980, 1969 et même 1945 montrent la même absence de constructions.

Ingérence européenne

Une poignée d’ONG partisanes, parmi lesquelles B’Tselem est l’une des plus proéminentes, sont régulièrement consultées et citées par les médias pour critiquer les actions d’Israël dans les territoires disputés.

Ces médias affichent une position engagée sur le conflit (contre ce qu’ils appellent la colonisation israélienne) et ils font passer le message des organisations avec lesquelles ils sont en phase. Au-delà du manque de neutralité, cependant, ce qui est encore plus regrettable est l’absence d’exposition des points de vue contradictoires.

Les propos d’un militant faisant état de données douteuses sont donc relayés dans vérification ou distanciation, tandis que les faits que nous venons d’exposer, photos à l’appui, ne sont pas portés à la connaissance du public parce qu’ils ne vont pas dans le sens du récit voulu.

Pour la même raison, les médias ont pris l’habitude de minorer l’importance des accords d’Oslo qui constituent toujours le cadre juridique régissant les relations entre Israéliens et Palestiniens.

Dans son article, l’AFP explique que « la vallée du Jourdain est essentiellement située dans la “zone C” de la Cisjordanie, un secteur contrôlé par Israël qui a pour projet de l’annexer. La construction de structures dans cette zone est soumise, selon l’Etat hébreu, à l’obtention préalable d’un permis des autorités israéliennes, qui démolissent à l’occasion des habitations érigées, d’après elles, sans autorisation, et donc “illégales“. »

Le nom des accords d’Oslo n’est pas mentionné. L’AFP prétend que les pouvoirs qu’exerce Israël en zone C le sont « selon l’Etat hébreu » et « d’après les autorités israéliennes », sous-entendant que ces pouvoirs sont contestables. Alors que les accords juridiques stricts qui ont donné naissance à cette « zone C » donnent explicitement ces droits à Israël, dans l’attente d’une solution définitive qui n’a toujours pas été trouvée.

Et puis, nous dit l’AFP, « La mission de l’Union européenne dans les Territoires palestiniens a annoncé une visite sur place jeudi. » Pourquoi donc cette implication de l’Union européenne loin de son propre territoire ?

De l’aveu même de B’Tselem, lors de la précédente démolition sur le site en novembre 2020,  « Les tentes, les abris, les enclos à moutons et les aliments pour animaux du hameau ont été détruits, tout comme les toilettes mobiles et un panneau solaire financés par la Grande-Bretagne, la Suède et d’autres pays de l’Union européenne ».

En février 2021, l’Union européenne s’est elle-même fendue d’un communiqué officiel par la voix de son porte-parole condamnant Israël pour les démolitions.

L’UE ne s’en cache pas : son courroux porte sur le sort fait par Israël à des « structures financées par l’UE et ses États membres ».

En images, voici ce que cela donne (sur un tweet du Norwegian Refugee Council, l’une de ces ONG financées par des pays européens et engagées contre Israël) : L’Union européenne; l’Irlande; la Suède; l’Espagne; le Royaume-Uni; la Belgique; le Luxembourg; l’Italie; et la France

C’est l’argent des contribuables européens qui est investi (dilapidé ?) dans ce combat pour l’occupation d’un terrain lointain.

Les Bédouins seraient-ils un simple pion entre les mains d’intérêts qui les dépassent ?

Cette terre « n’appartient pas aux Juifs »

La visite des diplomates européens s’est d’ailleurs effectuée en présence de reporters, dont le correspondant de Radio France, Frédéric Métézeau.

Lui aussi a fait en sorte de ne pas parler d’Oslo. Pas même le moindre début d’explication sur les prérogatives qu’Israël estime avoir en zone C.

Il explique que « L’armée occupe le secteur, elle veut transformer ces montagnes en champ de tir. » L’endroit est un champ de tir depuis 1972 !

Et il fait entendre un homme qui assure que Khirbet Humsa existe depuis au moins 31 ans :

“Je suis berger, j’ai 31 ans, je suis né sur cette terre et j’ai toujours été là”, témoigne Nidham Abu Lekbach, qui vit ici avec sa famille de 15 personnes dont cinq enfants.

Il y a 31 ans, nous étions en… 1990. Là où, nous l’avons vu, les photos démontrent que ceux qui disent qu’il y avait un grand village veulent simplement mener en bateau le public.

Un village qui existerait depuis 31 ans pourrait difficilement être « improvisé », comme le qualifie l’AFP…

Mais le problème, voyez-vous, ce sont… les Juifs.

Ces deux dernières nuits, avec mes enfants, nous avons dormi dehors, raconte cette mère de famille. Et en ce moment le temps est pluvieux. Que dieu nous vienne en aide. Mais on ne bougera pas d’ici, c’est notre terre, nous devons la protéger. Elle n’appartient pas aux juifs.

Et voilà comment, une fois de plus, les Juifs sont dépeints comme des voleurs de terres. Des voleurs sans coeur, de plus, qui maltraitent des enfants.

Faut-il s’étonner si quelques esprits impressionnables en France risquent ensuite d’en vouloir aux Juifs ?

Dans toute cette histoire, pas un journaliste n’a en revanche noté que les Bédouins étaient traditionnellement une société nomade et que l’attachement à la terre qu’ils affichent devant les caméras ne correspond tout simplement pas à leur tradition. Ce qui rend d’autant plus suspect l’implication des gouvernements européens à leur côtés et devait susciter des interrogations.

En Israël, il existe des villes où des tribus bédouines se sont sédentarisées (la plus grande, Rahat, a été construite pour eux par le gouvernement ; 70,000 Bédouins y vivent aujourd’hui). Mais c’est un processus récent dans l’Histoire.

Ce peuple ne mérite-t-il pas mieux que l’instrumentalisation qu’en font des acteurs extérieurs, parfois étrangers, avec le soutien des médias ?

A propos de l’évolution démographique de Khirbet Humsa et de sa couverture par les médias, lire aussi l’analyse très complémentaire de CAMERA : The Wonders of Khirbet Humsa, a thrice demolished Village.

Infoequitable

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