C’est un article qui en dit long à la fois sur une certaine presse et le pouvoir macronien.
Chez l’une comme chez l’autre, l’ambiguïté règne en maître. Le 20 décembre, le journal Le Monde nous apprenait s’être procuré un document confidentiel « élaboré par Abdelaziz Al-Sager, le directeur d’un centre de réflexion saoudien, le Gulf Research Center (…) dans la foulée d’une rencontre, le 19 novembre à Riyad, entre M. Al-Sager et Anne Grillo, la directrice du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay ».
Un plan de sortie de crise à Gaza qui aurait été « transmis au ministère des Affaires étrangères français » et dont Le Monde se charge de faire la promotion discrète. Un très bon choix. Pas de doute que ce quotidien de référence, à l’envergure internationale, sait transmettre les bons éléments de langage. Ainsi, l’article nous indique que le plan prévoit de transférer « les chefs militaires » du Hamas vers Alger. Après cette exfiltration des « cadres du mouvement islamiste » serait suggéré le déploiement d’une force de maintien de la paix arabe dans Gaza.
Exfiltrer les cerveaux du 7 octobre
Question : qui sont les intéressés dont l’évacuation serait une « des pistes pour arrêter les hostilités » ? « Probablement Mohammed Daf, le commandant des Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du mouvement islamiste, et possiblement aussi Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, très proche de l’aile militaire », nous indique le journal. Ces individus sont donc des « chefs militaires », des « cadres du mouvement ». Une description dont les pudeurs sémantiques démontrent les capacités du Monde à s’approprier le langage nuancé qui convient aux actions diplomatiques.
Car si leur nom ne vous dit rien, sachez que les principaux instigateurs des scènes d’horreur qui se sont déroulées dans les localités attaquées par le Hamas, ce sont eux. Les civils israéliens brûlés vifs, les femmes violées et mutilées, les bébés tués dans leur berceau et parfois décapités, ce sont eux. Les responsables de dizaines de morts français et des prises d’otages, ce sont eux. Ceux que le journal Le Monde appelle les « cadres du mouvement » sans, à aucun moment dans l’article, employer le terme de « terroristes » ni mentionner leur responsabilité dans la planification des raids génocidaires lancés sur le territoire israélien.
Yahya Sinwar et Mohammed Daf sont actuellement traqués dans la bande de Gaza par l’armée israélienne qui a mis leur tête à prix en offrant des centaines de milliers de dollars à qui donnerait des informations sur l’endroit où ils se trouvent. En octobre dernier, le porte-parole de l’armée israélienne, le lieutenant-colonel Richard Hecht, avait dit de Sinwar qu’il était « un homme mort qui marche ».
Dans un langage moins diplomatique que Le Monde, Fox News rappelait récemment que Sinwar est surnommé le « boucher de Khan Younès » (sa ville de naissance à Gaza) en raison de « ses méthodes de torture violentes et cruelles contre ses ennemis ». Sinwar et Daf sont considérés comme « les pires tueurs de la bande de Gaza » et sont désormais « les terroristes les plus recherchés par Israël », ajoutait le média américain.
Plan de paix ou plan de com’ ?
C’est donc au moment où la presse internationale se fait l’écho de cette traque que surgit l’information concernant un possible plan franco-saoudien d’exfiltration de ces individus vers l’Algérie. Curieux timing médiatique.
Autre proposition, nous rapporte Le Monde : la « création d’un « conseil de transition » conjoint réunissant les principaux partis de Gaza (Hamas, Jihad islamique et Fatah), chargé de gérer l’enclave pendant quatre ans et d’organiser des scrutins présidentiel et parlementaire ».
Depuis le début du conflit, le Premier ministre israélien a toujours été très clair sur les objectifs de guerre de son gouvernement : « Éliminer le Hamas et garantir qu’après sa disparition, aucun élément qui soutient le terrorisme, éduque ses enfants au terrorisme et paie les terroristes ou leurs familles ne contrôlera Gaza. » Un objectif confirmé par Benyamin Netanyahou le jour même de la parution de l’article du Monde. Là encore, étonnant timing. « Nous poursuivons la guerre jusqu’au bout », a déclaré le Premier ministre, lors d’une conférence de presse. « Cela continuera jusqu’à ce que le Hamas soit détruit – jusqu’à la victoire. » « Quiconque pense que nous allons arrêter est déconnecté de la réalité », a-t-il ajouté. « Tous les terroristes du Hamas, du premier au dernier, sont des morts-vivants. Ils n’ont que deux options : se rendre ou mourir. »
Et pourtant, malgré ces objectifs répétés, le document cité par Le Monde indique que le plan devrait « contribuer à l’élaboration d’une vision commune acceptable par toutes les parties ». Toutes les parties sauf… Israël, manifestement ! Le Quai d’Orsay est-il alors « déconnecté de la réalité », pour reprendre les propos de Netanyahou ? Peut-être. À moins que ce plan de paix ne soit, avant tout, un plan de com’ à destination d’un certain nombre de capitales et de la rue arabe.
La présentation par Le Monde de l’élaboration du document est suffisamment ambiguë pour suggérer l’implication d’une représentante du Quai, mais sans en dire plus afin de maintenir un flou artistique sur les intentions françaises. Une stratégie caractéristique d’Emmanuel Macron, qui pourrait bien être tenté de se refaire une santé diplomatique au Moyen-Orient en faisant passer le message qu’à l’inverse des Américains, il est prêt à donner au Hamas toute sa place dans le cadre d’un règlement négocié. Une ouverture d’esprit qui irait jusqu’à sauver la peau des responsables des atrocités du 7 octobre ?
L’esprit de libertinage est telle en France que cette dernière est prête à coucher avec n’importe qui.
Pouah!