C’est un petit pays d’Amérique du Sud de 3,4 millions d’habitants qui comptait, en 2015, une communauté juive d’environ 25 000 âmes.
C’est pourtant l’Uruguay que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a récemment qualifié de « meilleur ami d’Israël en Amérique du Sud ».
Il faut dire qu’à une époque difficile pour l’État juif au sein des instances internationales, les amis d’Israël se comptent sur les doigts d’une main : parmi eux, les Etats. Unis, l’Inde et le Canada.
On décrit d’ailleurs l’Uruguay, au sein de la diplomatie israélienne, comme le «Canada d’Amérique du Sud ». Prenant le contre-pied de son prédécesseur, José Mujica, qui n’hésitait pas à qualifier Israël de « génocidaire », le nouveau président uruguayen, Tabaré Vasquez, est pour beaucoup dans cette embellie.
L’Uruguay, par exemple, a voté contre la décision de l’ONU d’accorder un statut d’observateur à une ONG colombienne liée au Hamas.
L’Uruguay a été du côté d’Israël lors de l’affaire de la FIFA et, en décembre 2014, un diplomate iranien, considéré comme dangereux pour les intérêts d’Israël, a été expulsé du pays.
Enfin, c’est d’Uruguay, premier pays d’Amérique du Sud à avoir, en son temps, reconnu Israël, qu’est parti le plus grand nombre d’olim de toute l’Amérique du Sud : 12 000 personnes depuis 1948.
Regards sur les Juifs d’Uruguay
On s’accorde généralement à penser que les premiers Juifs d’Uruguay se sont installés dans le pays au XVIème siècle.
Des vestiges d’un mikvé, un bain rituel juif, datant de cette époque ont en effet été découverts à Colonia, une ville rocailleuse du sud-ouest du pays qui aurait accueilli des Marranes durant l’Inquisition.
Mais c’est au XIXème siècle que le gros de l’émigration juive est arrivé, venant d’Europe de l’Est.
Ce flux sera suivi par des venues de Juifs d’Égypte et d’Algérie et, plus récemment, de Juifs originaires d’autres pays d’Amérique du Sud.
La communauté moderne date de 1904, quand des commerçants juifs séfarades s’installèrent dans la capitale Montevideo, pour être suivis en 1906 par des Juifs russes.
La première synagogue officielle fut inaugurée en 1917 à Montevideo, et la communauté grandit suite à l’immigration de Juifs en provenance d’Europe et du Moyen-Orient.
Elle atteignit les 50 000 membres durant les années 1960 pour ensuite décliner jusqu’aux 20 000 à 25 000 membres actuels.
À ce jour, sur les 3 millions et quelques habitants que compte l’Uruguay, environ 0,75 % sont juifs.
Si 90% des Juifs uruguayens vivent à Montevideo, la capitale, on note un afflux inhabituel, depuis quelques années, en direction de la station balnéaire de Punta del Este.
Au cours des dernières années, la ville de Punta del Este, située au sud du pays, s’est imposée comme une destination privilégiée pour les vacanciers juifs.
Forte de 9 000 habitants en temps normal, cette ville accueille entre 25 000 et 50 000 touristes juifs chaque janvier, qui marque la haute saison estivale en Amérique du Sud.
Pendant quelques semaines, Punta del Este se colore d’une ambiance juive prononcée, avec ces Juifs qui déambulent sur la plage revêtus de leurs kippoth, un spectacle plutôt rare dans certaines régions.
Universités et associations culturelles israéliennes sont au rendez-vous, comme l’orchestre philarmonique d’Israël qui y donne des concerts applaudis par un nombre très important de touristes.
Neuf synagogues et deux écoles — qui accueillent près de la moitié des enfants de la communauté — forment la toile de fond de cette communauté juive pleine de vie.
Les Juifs uruguayens ont souvent occupé d’importants postes gouvernementaux, voire ministériels et ce, dans une proportion qui dépasse leur poids démographique dans le pays.
Exemple représentatif, celui de Ricardo Erlich, membre éminent de la communauté juive d’Uruguay et biochimiste de renom, qui fut maire de Montevideo entre 2005 et 2010, avant d’occuper celui de ministre de l’Éducation.
L’Uruguay est le seul pays d’Amérique latine à organiser des examens d’entrée aux universités israéliennes, et possède l’un des plus forts taux d’aliya au monde.
On compte plusieurs écoles juives dans le pays mais seuls 20% des enfants juifs les fréquentent.
Ouverte en 1942, l’école de l’ORT est une référence nationale dans le domaine de l’enseignement technique et informatique.
Le club sportif Maccabi est très actif tout comme les divers mouvements de jeunesse et, pour les personnes âgées, fonctionne un Centre Hillel. Plusieurs synagogues sont en activité à Montevideo et à travers le pays.
À Punta del Este, où a été ouverte récemment la première pizzeria cacher d’Uruguay, un manoir est à la disposition des visiteurs religieux et propose des ascenseurs de chabbat.
Mieux, lors de la belle saison, des avions survolent la plage avec des banderoles publicitaires pour le mouvement Loubavitch, annonçant, dans la foulée les heures d’allumage des bougies du chabbat.
À Punta del Este où vivent 9000 Juifs, qui disposent de quatre synagogues, les grands promoteurs immobiliers sont juifs : Mauricio Litman, créateur, en 1950, du Country Club Cantegril, la famille Weiss et la famille Atijas ou encore l’Argentin Samuel Liberman, bâtisseur d’hôtels.
Créé en 2005, le Centre Communautaire de Punta del Este compte 800 membres et une nouvelle école, nommée « Nefesh » vient d’ouvrir ses portes. En attendant la Yechiva locale annoncée pour un proche avenir.
Pour l’anecdote, on notera que c’est à Montevideo que se trouve la tombe du Maître d’Élie Wiesel et d’Emmanuel Levinas : M. Chouchani, mort en Uruguay en 1968.
Sur sa pierre tombale, on peut lire cette épitaphe du prix Nobel de la paix : « Le Sage rabbin Chouchani, de mémoire bénie. Sa naissance et sa vie sont scellées dans l’énigme ».
Alors, heureux comme D’ en Uruguay ? On aurait tendance à le croire !
Jean-Pierre Allali
Article du magazine des communautés juives TRIBU 12
Source et article original: https://www.tribu12.fr/les-juifs-d-uruguay/