Par Francis Moritz – Temps et contreTemps
Par la voix de son haut représentant pour la politique étrangère, Josef Borrell, l’UE s’est appliquée à constater que «tirer des missiles contre des civils israéliens est inacceptable et a souligné que l’UE est consternée par les morts de civils, y compris des enfants». Comme en d’autres matières, l’UE pensait que le conflit israélo-palestinien était passé au second plan surtout que l’UE a continué à poursuivre sa vieille politique inchangée : soutient de l’Autorité palestinienne avec des ressources considérables. Selon la Commission, environ 1,3 milliard d’euros ont été fournis entre 2017 et 2020 et près de deux milliards globalement annuellement à l’autorité palestinienne, mais sans contrôler où allait l’argent, malgré toutes les réserves qu’on pouvait avoir sur l’utilisation des fonds.
On peut imaginer qu’une partie aura servi à la fabrication des milliers de missiles destinés aux populations civiles israéliennes. L’UE considère qu’il s’agit d’un investissement en vue de la création de l’État palestinien qu’elle appelle de ses vœux. On peut y trouver un parallèle avec le financement par l’UE des camps de réfugiés en Turquie avec le chantre des droits de l’homme le bien nommé Erdogan. Ce qui est aussi une façon de ne pas traiter le sujet brulant de l’immigration.
Très clairement le dossier nucléaire avec l’Iran, la guerre civile syrienne, la crise permanente en Libye et, surtout, le mouvement des réfugiés de la région vers l’Europe ont pris le pas sur ce qui est considéré comme un foyer secondaire, à l’image d’un volcan qui de temps à autre se réactive pour s’éteindre ensuite. Jusqu’à présent, les Européens ont attendu, en vain, de connaitre la stratégie du président Biden au Moyen-Orient. On sait que ce sujet ne constitue pas la priorité dans l’agenda du président américain. Alors que ses priorités actuelles sont l’Iran, le différend avec la Chine, les relations avec les pays d’Asie-Pacifique et les rapports avec la Russie dans le cadre de l’Otan. L’escalade a pris l’UE et Washington au dépourvu. A telle enseigne que le président américain, quatre mois après son accession au pouvoir, n’a pas encore nommé d’ambassadeur en Israël et que le Secrétaire d’État Anthony Blinken vient seulement d’envoyer, dans l’urgence, Hady Amr son expert au Moyen Orient.
On voit bien qu’au sein de l’UE il n’existe aucun consensus sur la position à tenir dans ce conflit. Ce n’est pas nouveau, mais c’est clairement exprimé. Ne perdons pas de vue qu’il y a 27 pays et donc autant de voix qui veulent se faire entendre. On distingue cependant essentiellement quatre groupes. Le premier comprenant notamment l’Autriche, la république Tchèque, la Pologne, la Hongrie sont des supporters d’Israël. Le seul pays qui a osé suspendre un drapeau israélien côte à côte avec le drapeau autrichien de la chancellerie aura été l’Autriche. Enfin le groupe le plus important de tous les autres qui ne souhaitent surtout pas être mêlés au conflit ou à ses conséquences.
Le second moins nombreux mais omni présent conduit par l’Allemagne qui soutient fermement Israël et le fait savoir. La France cherche encore à se positionner en se rapprochant de l’Égypte ou de la Jordanie, les deux pays «qui-parlent-à-tout-le-monde-dans-la-région» selon la formule consacrée. Ce qui ne signifie pas actuellement qu’ils aient voix au chapitre car l’État hébreu ne recherche pas actuellement un cessez le feu, sinon ça se saurait. C’est encore une erreur de casting du quai d’Orsay qui a sans doute plus d’arabisants que d’experts en hébreu.
L’Europe a été mise de côté par Donald Trump lors de la mise en œuvre des accords d’Abraham. Elle ne s’en est pas remise. Pour l’instant elle n’est pas en mesure de proposer quoi que ce soit de sérieux vu son absence durable du Moyen-Orient. Les gesticulations et les déclarations «en vue d’une solution» sont toutes un aveu d’impuissance, sauf à réclamer à Israël un corridor humanitaire. On s’étonne que ce soit le seul endroit sur la planète où il faille créer un corridor pour sauver des vies, le cas échéant. Que dire des victimes du régime Birman ? Celles d’Al Qaeda en Somalie depuis plusieurs années ? Des exactions commises contre les civils en Syrie par les milices des uns des autres ? Les déplacés du Darfour ?
Il y a tant d’autres conflits où l’Europe pourrait intervenir à bon escient, mais surtout le veut-elle ? Comment l’UE peut évoquer une guerre civile en Israël alors que la France est confrontée quotidiennement à des attaques de policiers, de pompiers, Le lexique politique en vigueur n’utilise pas cette expression. Ce sont des incivilités, des ensauvagements, des débordements, des mouvements de colères, l’expression de frustrations diverses, des manques d’intégration ! Bref, il n’est pas question de guerre civile. Lorsqu’une policière auxiliaire administrative est égorgée, on parle d’acte dramatique ? Quand un policier est abattu par un dealer, on parle d’un crime.
Le délit d’atteinte à la pudeur est puni par le code pénal, mais pas encore le délit d’indécence politique. On demande à Israël de la retenue, des réactions proportionnées, alors que le Hamas, organisation terroriste reconnue comme telle par l’UE et les États Unis, n’hésite pas une seconde à envoyer des missiles sur des civils et n’hésite pas non plus à utiliser sa population comme bouclier humain ! Que dire enfin des statistiques transmises par le ministère de la Santé du Hamas non vérifiées. Ce ne sera pas la première fois que les missiles explosent à Gaza même, tuant ses propres enfants. Ce sont les États qui devraient avoir de la retenue dans leurs déclarations et leur comportement et cesser de considérer une organisation terroriste comme un État digne de ce nom. C’est indécent et indigne de dirigeants qui prétendent donner des leçons au monde entier et revendiquent à tout va «le bien vivre ensemble».
Mais il est vrai qu’en politique le cynisme l’emportera toujours sur la morale qui n’a jamais sa place.