- Dans cinq cents ans, quand les historiens se pencheront sur l’ère COVID, ils diront que « l’opération Warp Speed » initiée et dirigée par le président Donald J. Trump, a été une ode à la science et à la logistique.
- De nombreux libéraux ont la mémoire courte, mais l’UE n’a pas toujours été cette grosse machine lointaine.
- Les principes d’égalité entre les États et d’égalité entre les citoyens ne peuvent pas être conciliés dans le cadre institutionnel actuel de l’UE, a déclaré la Cour constitutionnelle fédérale allemande.
- Bien sûr, les institutions de l’UE sont maquillées par un langage fleuri – comme « rendre l’UE plus démocratique » – visant à faire croire que les institutions de l’UE … sont déjà démocratiques et vont le devenir plus encore.
- Cette évolution a consisté, tout d’abord, à subvertir les institutions européennes afin qu’elles accomplissent, en sus de leurs objectifs économiques, des missions qui leur étaient étrangères, comme une « politique étrangère commune » laquelle n’a jamais été que des mots. Comment mettre en place une politique étrangère commune au Royaume-Uni, à l’Autriche et au Portugal ?
- Les élites de l’UE sont faibles, lâches et pusillanimes parce qu’elles savent qu’elles ne représentent personne, au sens démocratique du terme – elles ne sont pas démocratiquement élues, elles ne sont pas transparentes et elles ne sont responsables devant personne. Elles sont en fin de compte le jouet de gouvernements qui ne s’entendent sur rien – mais qui ont la légitimité d’être vraiment démocratiques : élus, transparents et responsables. Il n’existe pas non plus de mécanisme permettant aux citoyens de dé-élire quelqu’un, au cas où ils auraient un tel désir.
Concernant l’Union européenne, les avis sont partagés. Certains la jugent inutile et coûteuse, et d’autres la considèrent comme l’avenir de l’Europe et un modèle pour le genre humain.
Quelle est la réalité ?
Avant que n’émerge l’UE d’aujourd’hui, la mise en chantier de l’Union européenne a été, dans un premier temps, un énorme succès.
De nombreux libéraux ont la mémoire courte, mais l’UE n’a pas toujours été cette grosse machine distante. À l’époque de ce qui était modestement nommé les « Communautés européennes », plusieurs pays pouvaient monter des coopérations économiques et des secteurs industriels (charbon, acier, nucléaire…) avaient toute latitude de créer des synergies. Quatre formes de libertés ont été progressivement instituées : liberté de circulation des personnes, des capitaux, des services et des marchandises. Malgré ses défauts, ses lacunes et ses innombrables imperfections (rien d’humain n’est parfait), ce marché commun – ou unique – a contribué massivement et substantiellement à la liberté et à la prospérité des Européens.
Il est impossible de ne pas considérer comme un progrès qu’un citoyen français ait pu se déplacer librement en Italie ou qu’un entrepreneur espagnol ait eu le droit d’offrir librement ses services aux citoyens des Pays-Bas. Le marché commun européen originel était en tous points conforme au concept constructif de Jean Monnet de « paix par la prospérité ».
Mais les idéologues de tous poils ne pouvaient se contenter de cette Europe conçue comme un simple outil, de nature essentiellement économique. Non, il leur a fallu ajouter une Europe politique, une Europe sociale, une Europe de la défense, une politique étrangère européenne, une Europe écologique et même une Europe géopolitique.
Pour que ce processus se mette en place, il a fallu subvertir les institutions européennes. En sus de leurs objectifs économiques initiaux, ces institutions se sont vu attribuer des missions qui leur étaient étrangères, comme une « politique étrangère commune » laquelle n’a jamais rien signifié de concret. Comment une politique étrangère commune au Royaume-Uni, à l’Autriche et au Portugal pourrait-elle jamais voir le jour ?
Ensuite, les institutions et les procédures ont été, et continuent d’être, constamment adaptées, rénovées et révolutionnées pour atteindre à des finalités extra-économiques – telles que la « paix », la « lutte contre l’exclusion sociale », la promotion du progrès scientifique et technologique », la « sécurité et la justice » – quitte à ce que ces objectifs soient atteints au détriment des aspects économiques.
Aujourd’hui, des traités successifs ont ramené le projet économique européen au strict nécessaire d’« un développement durable basé sur une croissance économique équilibrée et la stabilité des prix » et aux exigences de l’Europe politique, sociale et environnementale. Parmi ces exigences, il faut dire un mot du Pacte Vert pour l’Europe. Ce projet a pour ambition de faire de l’Europe le premier continent « neutre pour le climat » en réduisant à « zéro » les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050, peu importe si les conséquences économiques pour les Européens sont insoutenables. Selon IndustriAll, la Fédération des syndicats industriels européens, le risque est loin d’être négligeable que le Pacte Vert pour l’Europe mette à genoux des secteurs industriels entiers, supprimant des millions d’emplois dans les industries à forte intensité énergétique, sans aucune assurance que les travailleurs des industries concernées se voient proposer un avenir de rechange.
L’UE qui, dans un passé récent, faisait contrepoids à la fureur anti-économique de certains de ses Etats membres, est aujourd’hui dans l’amplification permanente de cette fureur anti-économique.
Aucune résolution des parlements allemand ou français sur le genre ou l’environnement ne peut rivaliser avec les positions radicales adoptées sur ces sujets, comme sur d’autres, par les institutions de l’UE. Ainsi, la version la plus extrême de la théorie du genre – l’idée que « masculin » et « féminin » sont des concepts culturels et non biologiques – est désormais la politique officielle de l’UE.
Ce qui permet à ces institutions européennes d’aller de plus en plus loin sur la voie de l’idéologie, c’est qu’elles échappent à la sanction démocratique, puisque l’UE reste avant tout une organisation intergouvernementale. La Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne a diagnostiqué un « déficit démocratique structurel » dans la construction de l’Union européenne, dans la mesure ou les processus décisionnels au sein de l’UE demeurent largement ceux d’une organisation internationale. Le processus décisionnel est basé sur le principe de l’égalité entre États membres. Les principes d’égalité entre les États et d’égalité entre les citoyens ne peuvent pas être conciliés dans le cadre institutionnel actuel de l’UE, a déclaré la Cour constitutionnelle fédérale allemande. Bien sûr, les institutions de l’UE sont habillées d’un langage fleuri – comme « rendre l’UE plus démocratique » selon le traité de Lisbonne – visant à faire croire que les institutions de l’UE, bien qu’imparfaites, sont de plus en plus démocratiques et aspirent à le devenir plus encore.
Mais rien ne peut être plus éloigné de la vérité. En tant qu’organisation intergouvernementale, l’UE n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une démocratie. Une organisation internationale est un pacte entre les gouvernements. Ajouter un « Parlement européen » élu au programme, avec des capacités très limitées, ne change rien aux préoccupations intergouvernementales d’une telle organisation.
Quel pourcentage de citoyens européens est capable de nommer ne serait-ce qu’un seul membre du Parlement européen, un seul commissaire européen ou un seul juge de la Cour européenne de justice ? Les Américains se sentent américains avant d‘être du Wyoming ou de l’Arkansas ; tandis que les Italiens, les Espagnols, les Suédois, les Polonais et les Slovènes s’identifient à leur pays avant de se sentir européens (au sens générique du mot, sans faire référence à l’UE).
Pour des raisons historiques, l’Allemagne respecte autant et aussi souvent qu’elle le peut les règles et les institutions de l’UE. Comme l’a noté Ulrich Speck :
« L’Allemagne a construit son identité politique et son système politique sur un concept qui est à l’opposé de l’État nazi. Les Allemands voient aujourd’hui le régime nazi, entre autres, comme une forme de puissance classique radicalisée – quelque chose qu’ils se considèrent comme très heureux avoir laissé derrière eux. »
En d’autres termes, de nombreux Allemands considèrent l’UE comme l’ultime antidote à un retour aux tendances hégémoniques de leur passé. Concernant la pandémie, alors qu’ils avaient plutôt bien réussi à atténuer le choc initial, ils ont décidé de s’en remettre à l’UE pour la gestion des vaccins. Il y avait de la logique dans cette approche : montrer qu’on est plus forts ensemble dans les négociations avec « Big Pharma », et, prouver aux Européens que cette UE qu’ils n’aiment pas peut se rendre utile.
Non contente d’être inutile et coûteuse, comme dans le cas des vaccinations contre le COVID-19, l’UE s’est montrée horriblement, comiquement et tragiquement inefficace. AstraZeneca, par exemple, a simplement « informé » le bloc qu’il ne serait pas en mesure de fournir le nombre de vaccins que l’UE avait espéré – et payé – d’ici la fin du mois de mars. Les dirigeants de l’UE ont été « furieux » que l’entreprise livre le marché britannique et pas les marchés européens. L’incapacité de l’UE à obliger les fabricants de vaccins à respecter leurs engagements a été sans appel ni recours :
Dans cinq cents ans, quand les historiens se pencheront sur l’ère COVID, ils diront que « l’opération Warp Speed » initiée et dirigée par le président Donald J. Trump, s’est révélée être une ode à la science et à la logistique.
Alors qu’il a fallu cinq ans pour mettre au point un vaccin contre Ebola – le précédent record du monde – il a fallu moins d’un an en Occident pour développer plusieurs vaccins contre le COVID, principalement sous pression et avec le financement des contribuables américains. Le gouvernement américain a vite réalisé que le défi était également d’ordre logistique ; c’est très bien de mettre au point un vaccin, mais il faut aussi le produire en grande quantité puis le distribuer.
À la demande du gouvernement américain, des usines entières ont été construites en quelques mois pour produire le vaccin (qui n’avait pas encore été développé à l’époque), dans un effort dont l’ampleur et l’échelle n’ont pas été sans rappeler l’effort de guerre américain de 1941. Au moment de distribuer le vaccin, le gouvernement américain a utilisé le meilleur outil à sa disposition : l’armée américaine. En fin de compte, le programme américain de vaccination de masse a été mis en œuvre dans un laps de temps sans précédent. Le président Biden a déclaré début mars que les États-Unis disposeraient de suffisamment de vaccins pour vacciner chaque Américain d’ici la fin du mois de mai – soit deux mois plus tôt que prévu.
Par rapport aux États-Unis, l’échec de l’UE est total. Alors qu’en Europe, le défi consistait uniquement à produire et à distribuer le vaccin, l’UE a lamentablement échoué sur les deux plans. Le programme de vaccination européen est désormais loin derrière le programme américain et encore plus loin derrière ceux d’Israël et de la Grande-Bretagne post-Brexit.
Selon les données actuelles, le retour à la normale s’effectuera en Europe avec un an de retard par rapport à l’Amérique et au Royaume-Uni. Cette année perdue représente une cruelle multitude de déficits, de faillites et de catastrophes personnelles. Cela laisse présager, en termes relatifs, une régression économique massive de l’UE par rapport au reste du monde.
La gestion des vaccins de l’UE est une métonymie de l’UE : une farce tragique entre les mains d’idéologues aussi obtus qu’inefficaces. Les élites de l’UE sont faibles, lâches et pusillanimes parce qu’elles savent qu’elles ne représentent personne, au vrai sens démocratique du terme – elles ne sont pas démocratiquement élues, elles ne sont pas transparentes et elles ne sont responsables devant personne. Ce sont en fin de compte les jouets de gouvernements qui ne s’entendent jamais – mais qui ont la légitimité d’être vraiment démocratiques : élus, transparents et responsables. Il n’existe pas non plus de mécanisme permettant aux citoyens de désélire quiconque s’ils en avaient le désir.
La sagesse commune dicterait de ramener l’UE à un marché unique, un territoire sans frontières intérieures ni obstacles réglementaires à la libre circulation des biens et des services. Mais l’orgueil idéologique qui structure les institutions européennes et les sponsors idéologiques poussent les institutions dans la direction opposée – celle d’une centralisation toujours plus grande – au détriment des citoyens européens et de leurs intérêts vitaux.
Drieu Godefridi, auteur belge classique-libéral, est le fondateur de l’Institut Hayek à Bruxelles. Il est titulaire d’un doctorat en philosophie de la Sorbonne à Paris et dirige également un programme d’investissements dans des entreprises européennes.