Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Une toux s’invite et tout est dépeuplé. Il s’agit peut-être d’un véritable symptôme médical ou alors d’un alibi pour ne pas se prononcer sur la guerre entre Israël et Gaza. Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, souffrait d’une toux avec une grande difficulté à respirer, ce qui l’a empêché de s’exprimer sur le conflit avec le Hamas. Mais il est étonnant qu’il soit le seul chef de cette organisation à s’exprimer alors que le thème de Jérusalem est le seul faire valoir de son programme. La toux est venue bien à propos pour lui permettre de ne pas se prononcer sur la «violation» de Jérusalem, argument censé conduire à une guerre régionale promise par le chef chiite.
L’air malade de Nasrallah
Effectivement, il a appuyé son discours avec une mise en scène d’homme affaibli, pouvant à peine garder la tête haute comme à son habitude. Il fallait inspirer la pitié de le voir ainsi diminué. Les Israéliens ont une autre version pour ce silence politique, Nasrallah, qui a assisté passif à l’élimination d’une vingtaine de chefs du Hamas, craignait pour sa vie et il a préféré s’enfermer dans son bunker en attendant des jours meilleurs.
Dans son discours après les évènements, Nasrallah a souligné qu’Israël avait «mal évalué l’impact de ses actions au point d’être entré dans une «phase très dangereuse» qui a conduit au conflit. Il estime que l’escalade de Gaza est «une étape historique qui doit être bien comprise et construite correctement. La violation des lieux saints à Jérusalem diffère de toute autre question et que la réaction serait différente de la réaction à l’assassinat de commandants ou à la destruction de maisons. Israël doit comprendre que toute violation de Jérusalem ne s’arrêtera pas aux groupes terroristes de Gaza. Nous ne remplacerons pas les Palestiniens, mais nous nous tenons derrière et à côté d’eux. Il faut créer une nouvelle équation dans laquelle toute violation de Jérusalem conduirait à une guerre régionale qui entraînerait la destruction d’Israël. Israël ne doit pas juger le Liban, comme vous l’avait fait avec Gaza, sachant que notre situation est différente».
Rien de nouveau dans le ciel libanais mais ce qui est nouveau est l’appel aux Arabes israéliens d’agir de manière unifiée avec les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Il s’est félicité que l’opération Gardien des murs ait relancé la question palestinienne sur la scène mondiale et «porté un coup dur aux efforts de normalisation d’Israël dans la région». Pour lui, «l’accord du siècle est terminé. La décision d’Israël de ne pas procéder à une invasion terrestre était la manifestation la plus importante de son échec».
Hassan Nasrallah a décidé que les groupes terroristes fêteraient désormais «deux grandes victoires en mai : le retrait israélien du Liban et le cessez-le-feu dans l’opération Gardien des murs». Il a suivi de près les évènements de Gaza mais il a refusé de s’inviter dans la partie avec le Hamas. Pour la première fois depuis des années, les brigades al-Qassem (bras armé du Hamas) ont lancé des roquettes sur Jérusalem et sur Tel-Aviv. Cette démonstration de force, qui a surpris beaucoup d’observateurs, a provoqué une certaine ferveur au sein des terroristes islamiques. Sur la chaîne al-Manar, organe du Hezbollah, Sayyed Hachem Safieddine, représentant du conseil exécutif du parti chiite, s’est félicité que «les chutes de roquettes sur Tel-Aviv confirment à l’ennemi que la résistance est bien plus forte que leur estimation. Jérusalem brille aujourd’hui par ses martyrs tombés au combat».
«Gaza est le bouclier de Jérusalem», titrait le quotidien al-Akhbar, proche de Nasrallah alors que l’escalade entre le Hamas et Israël à Gaza a éclipsé le soulèvement palestinien dans la ville trois fois sainte. Pour Nasrallah, les capacités armées du Hamas et le lancement de centaines de roquettes contre Israël apparaissent comme les signes de sa supériorité militaire à venir par rapport à Tsahal.
Le Hamas exploite les salves de roquettes lancées contre Tel-Aviv comme la preuve de la vulnérabilité d’Israël. Frapper Tel-Aviv représente un symbole fort, qui démontre que la population israélienne peut être touchée par le conflit. Parce que le Dôme de fer n’a été efficace qu’à 90%, le Hamas se glorifie à tort que le fleuron de l’industrie militaire israélien n’a pas été aussi efficace que prévu. Selon Pierre Ahl, expert militaire : «Ce mécanisme de défense n’est pas capable de sanctuariser des zones de populations civiles. Il est vulnérable et peut être rapidement dépassé par un nombre élevé d’interceptions au même moment. Il n’est pas non plus très fonctionnel pour défendre les localités proches de la bande de Gaza».
Et pourtant, le Hezbollah ne s’est pas invité au front préférant militer pour réintégrer complètement le Hamas au sein de son « axe de la résistance », en œuvrant pour la réconciliation entre le mouvement islamiste et Damas. Une intervention du parti chiite changerait la nature du conflit en lui donnant une dimension régionale. Mais l’opération est extrêmement risquée, sachant que ni Israël et ni le Hezbollah ne cherchent l’escalade. Nasrallah était d’ailleurs aux abonnés absents et il s’est contenté d’apporter son soutien moral et politique au Hamas. Mais il avait reçu des instructions de l’Iran de ne pas gêner les négociations nucléaires avec les États-Unis. Par ailleurs sa position est aussi guidée par l’effondrement économique du Liban, l’hyperinflation et la gronde sociale dans le pays. C’est pourquoi il a été prudent en ne se lançant pas dans l’aventure. Sa toux miraculeuse l’a beaucoup aidé. Mais cette passivité lui a enlevé de nombreux appuis au sein de la population.