Un paradis pour les juges

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Akiva Bigman | Media

Comment les juges sont devenus les barons des pensions budgétaires en Israël

Quiconque allume sa télévision à n’importe quel moment entendra des leçons de morale sociale délivrées par des juristes et des juges en fonction ou à la retraite. Ces derniers, dans leurs décisions judiciaires et leurs discours publics, dénoncent la corruption, la vulgarité et la brutalité qui gangrènent la société. Ils se positionnent en gardiens de l’éthique nationale, prétendant être des phares de lumière dans les ténèbres morales.

Cependant, ces « phares de lumière » ont un prix – un prix très élevé. En effet, chacun de ces juges et juristes circule avec une étiquette de prix bien visible, payée chaque mois par les contribuables, et ce, même longtemps après leur retraite. Le sujet en question est leur pension budgétaire, qui, dans le cas des juges et autres juristes de l’État, atteint des montants astronomiques.

Des chiffres ahurissants

Pour commencer, voici un chiffre frappant : la pension budgétaire moyenne d’un juge a atteint environ 45 000 shekels par mois l’année dernière. Cela représente quatre fois (!) la pension moyenne des médecins. Tout cela est financé par les citoyens israéliens, dont le mode de vie est souvent critiqué par ces mêmes juges et juristes.

Il est important de comprendre que, dans la société israélienne, il y a les « égaux », et il y a ceux qui sont « plus égaux ». Ce n’est pas nouveau, mais l’ampleur et les implications financières de ce phénomène sont sidérantes et nécessitent un examen approfondi.

La pension budgétaire est un système qui a existé jusqu’au début des années 2000. Ceux qui en bénéficient n’ont pas besoin de cotiser à une caisse de retraite. Ils continuent à percevoir un pourcentage de leur salaire directement financé par le budget de l’État après leur départ à la retraite. Contrairement à un système de retraite classique où l’individu épargne pour sa propre retraite, ici, ce sont les jeunes générations qui travaillent pour financer la retraite des pensionnés.

Un fardeau intergénérationnel

Selon les rapports financiers publiés annuellement par le ministère des Finances, la pension budgétaire représente un lourd fardeau pour le budget de l’État. En 2023, la dette associée à ces pensions dépassait 1 000 milliards de shekels, une somme qui devra être payée par l’État sur plusieurs décennies. Pour comparaison, la dette nationale totale d’Israël cette année-là s’élevait à 1 091 milliards de shekels. En d’autres termes, les engagements liés aux pensions budgétaires approchent la totalité de la dette nationale, laquelle finance des besoins cruciaux comme les guerres, la pandémie de COVID-19, l’intégration des immigrants, le développement des infrastructures et la défense.

Les écarts flagrants

Dans ce système de pensions budgétaires, les écarts entre les groupes bénéficiaires sont énormes. Les enseignants, par exemple, perçoivent en moyenne 7 274 shekels par mois, tandis que les retraités du secteur de la santé reçoivent en moyenne 7 870 shekels. La majorité des fonctionnaires perçoivent des pensions modestes, bien loin des montants astronomiques des juges.

Voici quelques chiffres pour comparaison :

  • Enseignants : pension maximale de 19 764 shekels (seulement 0,8 % d’entre eux touchent plus de 10 000 shekels).
  • Médecins : pension maximale de 22 797 shekels (seuls 4,6 % touchent plus de 15 000 shekels).

À côté de ces groupes, on trouve une élite privilégiée avec des pensions extrêmement élevées.

  • Militaires : 50 % des retraités de l’armée touchent plus de 14 000 shekels, et 25 % reçoivent plus de 19 000 shekels. L’ancien chef d’état-major à la retraite touche 76 568 shekels par mois.
  • Policiers : pension moyenne de 12 173 shekels, avec un ancien commissaire général touchant jusqu’à 73 815 shekels.

Mais ce que le public connaît moins, c’est l’ampleur des pensions dans le système judiciaire.

Les pensions dans le système judiciaire : un record

La pension moyenne des juges et des membres du tribunal rabbinique est de 45 463 shekels par mois (!), tandis que le record est détenu par un juge recevant 99 540 shekels par mois. Cela signifie qu’un seul juge retraité touche autant que cinq grands chirurgiens ou directeurs de départements médicaux réunis.

En moyenne, même un juge qui a servi 15 à 20 ans dans un tribunal de première instance reçoit une pension six fois supérieure à celle d’un enseignant ou d’un médecin ayant travaillé toute sa vie dans des conditions difficiles.

Un système inégal

Contrairement à d’autres secteurs, la pension des juges est calculée sur leur dernier salaire, souvent le plus élevé de leur carrière. Ainsi, même un juge ayant occupé des postes modestes pendant la majeure partie de sa carrière peut bénéficier d’une pension élevée s’il a occupé un poste de haut rang avant de partir à la retraite.

Ce système reflète un ordre de valeurs biaisé, dans lequel les juges sont considérés comme plus « précieux » que les autres fonctionnaires.

En résumé, la question des pensions budgétaires en Israël met en lumière des inégalités flagrantes et pose des défis économiques importants pour les générations futures.

Les juges et leurs privilèges

Comment les juges israéliens ont organisé leur propre paradis financier

Les juges et juristes, experts en lois et subtilités juridiques, ont su créer des règles spécifiques pour eux-mêmes. Voici comment :

Accumulation accélérée
Alors qu’un employé normal doit travailler 35 ans dans le système pour atteindre une pension équivalente à 70 % de son salaire, les juges bénéficient d’un système bien plus généreux. Chaque année de service leur permet d’accumuler 3 % de pension (contre 2 % pour les autres fonctionnaires). En d’autres termes, un juge ayant servi seulement 8 ans peut déjà toucher une pension équivalente à 50 % de son dernier salaire. Avec 7 années supplémentaires (soit 15 ans au total), il atteint le plafond de 70 %.

Ainsi, un avocat ou juriste nommé juge à l’âge de 50 ans pourra, à 65 ans, percevoir une pension complète, sans avoir jamais cotisé un centime à une caisse de retraite, le tout étant financé par le contribuable.

Le calcul avantageux des salaires
Pour les employés publics, seule une partie de leur salaire (souvent appelée « salaire de base ») est prise en compte pour le calcul de la pension. Ainsi, un enseignant gagnant 15.000 shekels par mois n’aura que 10 000 shekels considérés pour sa pension, sur lesquels il percevra 70 %.

Pour les juges, en revanche, près de 100 % de leur salaire est pris en compte pour le calcul de leur pension. Cela explique pourquoi les pensions des juges sont considérablement plus élevées que celles des médecins, même pour des juges de rang moyen.

En 2023, la pension moyenne d’un juge était de 45 000 shekels, avec 38 % d’entre eux percevant plus de 50 000 shekels. Par exemple, le juge Itzhak Amit, s’il part à la retraite sans devenir président de la Cour suprême, recevra une pension d’au moins 70.000 shekels par mois.

Cumul des pensions
Un autre avantage concerne ceux qui ont occupé plusieurs postes au sein de la fonction publique. Ces derniers peuvent cumuler leurs pensions jusqu’à un plafond de 100 % de leur dernier salaire.

Prenons des exemples :

  • Dorit Beinish, ancienne procureure générale et présidente de la Cour suprême, perçoit une pension de 100 000 shekels par mois, et ce depuis 12 ans.
  • Edna Arbel, ancienne procureure générale et juge à la Cour suprême, touche une pension de 80 000 shekels par mois depuis sa retraite en 2014.
  • Elyakim Rubinstein, ancien juge de la Cour suprême et procureur général, ainsi que son épouse Myriam (ancienne directrice de département au sein du ministère de la Justice), perçoivent ensemble 140 000 shekels par mois. Cela représente 1,7 million de shekels par an.
  • Aharon Barak, ancien président de la Cour suprême, et sa défunte épouse Elisheva Barak (ancienne vice-présidente du tribunal du travail), percevaient ensemble une pension de 150 000 shekels par mois.

Pensions pour les conjoints survivants
Lorsque des juges retraités décèdent, leurs conjoints continuent de percevoir une part de leur pension. Pour la plupart des fonctionnaires, cela représente 60 % de la pension du défunt. Pour les juges, les conjoints reçoivent la totalité de la pension.

Par exemple, le juge Théodore Or, ancien vice-président de la Cour suprême, percevait avec son épouse une pension commune de plus de 130 000 shekels par mois. Après le décès de son épouse, il continue de toucher la totalité de cette pension, bien qu’il ait déjà bénéficié de 20 ans de retraite luxueuse.

Un coût astronomique pour la société
Pour mieux comprendre l’ampleur de ces avantages, il suffit de comparer avec une retraite classique. Une personne souhaitant percevoir une pension mensuelle de 5 000 shekels doit accumuler environ 1 million de shekels tout au long de sa carrière, soit des cotisations mensuelles d’environ 2 000 shekels partagées entre l’employé et l’employeur.

Pour atteindre une pension moyenne de juge (45 000 shekels), une personne devrait accumuler 9 millions de shekels au cours de sa carrière, ce qui nécessiterait des cotisations mensuelles de 20 000 shekels – des sommes astronomiques que seuls les plus riches pourraient envisager.

Ces montants sont un fardeau pour le contribuable, qui finance ces pensions exorbitantes en échange d’un service souvent jugé médiocre, et d’un système judiciaire critiqué pour son arrogance et son moralisme excessif.

Conclusion
Les pensions budgétaires des juges israéliens incarnent une inégalité flagrante et un abus de privilèges. Ces montants faramineux, soutenus par les impôts des citoyens, servent une élite qui a su façonner des règles à son avantage, tout en prêchant des valeurs d’égalité et de justice. Le paradoxe est d’autant plus flagrant lorsque ceux qui dénoncent les « élites corrompues » continuent de défendre un système qui les avantage démesurément.

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