Un Libanais face à la mort annoncée du Liban

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Hezbollah/Israël : est-il déjà trop tard ?

La guerre est là. Elle souffle sur notre nuque. Elle nous nargue avec le vrombissement de ses drones et le son foudroyant de ses avions. Elle s’invite à Beyrouth après avoir confisqué le Sud pendant près d’un an. Où et comment s’arrêtera-t-elle ? Qu’emportera-t-elle sur son passage ?

Nous avons encore le luxe pendant quelques heures, quelques jours, quelques semaines – personne ne le sait – de nous poser ces questions. Israël semble déterminé à poursuivre l’escalade. A bombarder le sud du Liban avec une intensité semblable à celle déployée à Gaza. Afin de préparer une large offensive ou pour mettre le Hezbollah à genoux ? Les deux objectifs ne sont pas incompatibles.

Combien de temps le parti chiite peut-il laisser faire sans réagir ? S’il est convaincu que la confrontation totale est inévitable, ne va-t-il pas prendre l’initiative ? Dans la nuit de samedi à dimanche il a lancé pour la première fois depuis le 8 octobre une salve de roquettes, qui ont presque toutes été interceptées selon l’armée israélienne, sur la région de Haïfa. L’étau se referme. Les prochaines heures promettent d’être longues, éreintantes et douloureuses.

Cette guerre nous met face à une équation impossible. On ne peut pas soudainement oublier ce qu’est le Hezbollah. On ne peut pas le confondre, comme le fait le gouvernement israélien, avec le Liban, bien qu’il en fasse partie, qu’on le veuille ou non. On ne peut pas faire comme si ce n’était pas lui qui avait ouvert un front de soutien à Gaza le 8 octobre dernier, prenant le Liban en otage des calculs de l’axe iranien. On ne peut pas fermer les yeux sur tous ses coups de force, sur toutes ces fois où Hassan Nasrallah a menacé de déclencher une guerre civile, sur tous les assassinats dans lesquels il est accusé – non sans raison – d’avoir joué un rôle majeur, sans parler de son implication probable dans l’importation et le stockage du nitrate d’ammonium qui a explosé le 4 août 2020. On ne peut pas non plus oublier que le sort des civils était le cadet de ses soucis quand il commettait les pires crimes de guerre pour permettre à son allié syrien de survivre.

Mais en face, c’est Israël. Israël qui a détruit Gaza, qui a tué des Palestiniens par dizaines de milliers, qui occupe et met le feu à la Cisjordanie et qui promet le même sort au Liban. On peut vouer le Hezbollah aux gémonies, ce sont bien des Libanais, quelle que soit leur communauté, qui sont et vont être tués par l’armée israélienne. C’est bien le Liban qui sera détruit si le Hezbollah est défait.

Le Hezbollah dévore le Liban de l’intérieur. Israël promet de l’annihiler depuis l’extérieur. Les deux menaces peuvent être existentielles, mais elles ne sont pas de même nature. Dresser entre elles une équivalence est une position intenable, encore plus en temps de guerre. Refonder le Liban avec le Hezbollah paraît illusoire. Y parvenir, si la moitié du pays est en ruines, est tout simplement impossible.

Depuis le début de cette guerre, nous manquons cruellement de voix, en particulier sur la scène politique, qui nous permettent de penser, à défaut de résoudre, cette équation. Dès le départ, il fallait s’opposer avec intelligence et fermeté à l’ouverture de ce front de soutien qui ne sert ni l’intérêt du Liban ni même celui des Palestiniens. Mais il fallait le faire dans une logique d’ouverture et de compréhension de ce qui se passe dans la région. Le Liban ne peut pas considérer qu’il n’est pas concerné par la guerre de Gaza et qu’un conflit, qui se déroule dans un pays voisin, ayant une telle puissance symbolique n’aura aucune répercussion sur lui. Le 7 octobre et ses suites ont provoqué une vague de radicalisation dans toute la région y compris dans notre pays.

Les destins du Liban, de la Palestine et de la Syrie, qui constituaient autrefois le cœur du Levant, sont intimement liés. Cela ne veut pas dire qu’il fallait bombarder le nord d’Israël pour les beaux yeux de l’Iran mais plutôt qu’il fallait penser collectivement au rôle que le Liban, et non le Hezbollah, devait jouer dans cette séquence.

Pour cela, il est déjà trop tard. Mais pour échapper à la guerre totale, il y a peut-être encore un brin d’espoir. Cela suppose, côté libanais, que nos responsables politiques arrêtent d’être les spectateurs d’une catastrophe que tout le monde voit venir mais que personne ne se donne tous les moyens d’éviter. Il est temps que l’ensemble des leaders politiques appellent conjointement le Hezbollah à mettre fin à cette guerre sans pour autant chercher à l’humilier. Cela ne suffira pas à convaincre le parti-milice, qui ne prend ses ordres que de Téhéran, mais cela montrera que le Liban officiel a tout fait pour tenter de prévenir le pire.

Il est temps, en parallèle, que les puissances occidentales mettent tout leur poids dans la balance afin de contraindre Israël à renoncer à cette escalade qui nous conduit droit dans le mur. Elles semblent se satisfaire de l’affaiblissement du Hezbollah, considéré par la majorité d’entre elles comme un mouvement terroriste. Mais en cas de guerre totale, le prix à payer sera extrêmement lourd. Pour le Liban. Pour Israël. Et pour l’ensemble de la région. Il y a urgence.

Le problème pour Hasan Nasrallah  est qu’il n’est pas le maître du jeu comme il l’a toujours prétendu ? Autrement il aurait accepté, et depuis longtemps de remettre ses armes pour sauver sa communauté et par ricochet notre pays. Il est l’exécutant des mollahs qui l’ont toujours armé et soutenu en lui faisant miroiter le pouvoir absolu dans notre pays misant sur son ego démesuré. La liberté a un prix que les libanais ont toujours refusé de payer.

OLJ / Anthony SAMRANI

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