L’imam Mohamad Tawhidi, ça vous dit quelque chose ?
Si vous êtes juif, ce n’est pas impossible : depuis le 29 mai 2019, toute la presse juive se fait l’écho de son passage au Candace Owen Show, un talkshow américain, comme on dit en français.
Du coup, on se rappelle qu’il avait donné, en mars 2017, une conférence au Rotary Club d’Adélaïde (que l’on peut voir sur Youtube) et que Valeurs Actuelles l’avait interviewé le 21 juillet 2018.
L’imam Mohamad Tawhidi est australien, d’origine iranienne. Il est la coqueluche des médias en langue anglaise. Pour les Français, il est plutôt peste ou choléra, donc absent des médias depuis juillet 2018 : peur de la contagion ? Est-ce parce qu’il tient des propos violents que le Padamalgam français ne lui donne aucun écho ?
Non, bien au contraire : Mohamad Tawhidi est tolérant comme un rabbin, consensuel comme un jésuite, œcuménique comme un pasteur et drôle comme un chroniqueur décomplexé, c’est-à-dire à l’opposé du consensus empesé qu’on nomme « humour » sur France Inter.
Mauvais musulman des islamiste, bon musulman des occidentaux
Tawhidi est un mauvais musulman aux yeux des orthodoxes qui prônent un islam rigide et querelleur. Corollairement, il représente tout ce que l’Occident infidèle aimerait trouver chez les disciples du prophète : intelligence, subtilité, ouverture d’esprit, tolérance, sens critique…
Malgré ses nombreuses qualités, il ne suscite aucun intérêt dans la presse hexagonale. Pourquoi ?
Nos médias ont choisi leur camp lors de la deuxième Intifada, dont on ne rappellera jamais trop qu’elle a été décidée par Yasser Arafat, lorsqu’il a refusé les offres de paix du Premier ministre israélien Ehud Barak à Camp David. Dès le décollage, elle a dépassé la vitesse du son, le 30 septembre 2000, grâce à un spot télévisé offert par France 2 aux télévisions du monde entier, pour qu’elles diffusent largement une mise en scène : la mort en direct du petit Mohammed.
Bien que des reportages très sérieux et documentés[1] aient démontré que 1) il n’était pas sûr que l’enfant soit mort, que 2) s’il l’était, seuls les Palestiniens avaient pu le toucher à partir de leur position et que 3) le journaliste français qui, absent du tournage de cette saynète (dont le cameraman palestinien était coutumier), avait commenté le montage en accusant les Israéliens de meurtre, avait commis une faute professionnelle.
Un narratif niaisement manichéen
Avant cela, les journalistes français étaient seulement partiaux. Ils ne cachaient ni leur sympathie idéologique pour les Palestiniens ni leur aversion profonde pour les Juifs et leur État. À partir de là, ils sont devenus plus palestinolâtres qu’Arafat et ont systématiquement substitué aux faits un narratif niaisement manichéen, doté d’un casting inamovible : colombes palestiniennes innocentes et victimes par essence, torturées par des colons juifs sadiques[2]. C’est pourquoi nous sommes le seul pays non musulman où l’on continue de parler de « l’insupportable provocation de Sharon », attribuant au député israélien qu’il était alors, la responsabilité de l’intifada à cause de sa visite au Mont du Temple.
La French correction trouve parfaitement normal que 20% de la population israélienne soit arabe et jouisse de tous les droits afférant à la démocratie, et tout aussi normal, voire encore plus légitime, que les Territoires palestiniens soient d’une pureté Judenrein absolue et que, si le sol d’un territoire confié par Israël à l’autorité religieuse jordanienne est foulé par les pieds sales d’un Juif (Memri), cela déclenche un conflit mondial.
Abomination : un imam sioniste !
C’est probablement cet aspect qui a conduit nos journagandistes à se détourner de l’imam chiite. Non seulement il n’est pas antisémite, mais il est même carrément sioniste. Ça, c’est impardonnable.
Imam de l’Association islamique d’Australie du Sud, Mohamad Tawhidi présente pourtant des lettres de créance impeccables : il est le fils d’un imam iranien qui a choisi l’Australie « parce que ce n’était pas un pays musulman. Si nous avions su que 30 ans plus tard, nous aurions des burqas un peu partout, des mosquées à chaque coin de rue et des gens proposant de remplacer la démocratie par la charia, nous ne serions pas venus. »
Il a fait ses études en Australie, dans des universités musulmanes chiites et sunnites, puis, en 2006, il a suivi le séminaire islamique de Qom (ville sainte d’Iran). Son diplôme en poche, il a été ordonné publiquement imam en 2010.
Mohamad Tawhidi milite pour une réforme de l’Islam et il lutte contre la propagation de son extrémisme. Il combat aussi l’antisémitisme musulman, ce que nos médias ne lui pardonnent pas.
« Nos dirigeants musulmans ont créé une propagande contre le peuple juif pour des raisons politiques et l’antisémitisme ambiant s’en est emparé comme s’il s’agissait de faits réels. Nous n’avons pas de sites sacrés islamiques à Jérusalem. Nous avons des sites vénérés par les musulmans, mais ils ne sont pas des sites strictement islamiques. Cela va me causer des ennuis – je ne l’ai encore jamais dit, mais la Palestine est une terre juive. Allons, tout le monde le sait ! Jésus est venu à Jérusalem. Il est allé rejoindre les Israélites qui s’y trouvaient, avant les musulmans. C’est une terre juive. Je ne peux pas nier le fait que nos califes musulmans ont envahi la région et conquis leur terre. Je crois que le peuple juif a le droit d’exister et d’avoir un pays (YouTube). »
L’antisémitisme et son tropisme de gauche
On le sait depuis 1967, si on est de gauche, c’est-à-dire du côté des gentils, on soutient les Palestiniens dans leur « juste lutte » et on combat sans relâche les « colons impérialistes » du sionisme. C’est ce qui explique la présence abondante dans nos médias de terroristes proscrivant la musique et prescrivant la lapidation, dont on adoucit les mœurs sous une couche d’idéologie paternaliste, afin que le public les digère sans recourir au Maalox.
En revanche les figures plus tolérantes de l’islam n’ont droit de cité que dans la presse de droite, « tolérant » étant le contraire sémantique de « stalinien ».
Tawhidi est tolérant, dans les actes, pas que dans les mots creux. En plus, il se paie le luxe d’être féministe et d’inciter les femmes politiques australiennes à ne pas se voiler quand elles se rendent dans des pays musulmans : « Il est bien de respecter autrui, mais si vous êtes la ministre des Affaires étrangères, vous l’êtes avec votre uniforme et votre badge, et s’ils ne vous respectent pas en tant que femme, s’ils ne respectent pas [votre droit à] venir habillée comme vous le souhaitez, alors c’est un pays dont nous ne voulons pas d’ambassade. Nous ne voulons rien avoir à faire avec eux, s’ils ne respectent pas notre ministre des Affaires étrangères, quel que soit le pays dont il s’agit. »
Il a des yeux, mais il ne les ferme point
Un imam féministe ? Yes. Il n’hésite pas à rappeler que la polygamie est interdite en Australie et que tous les citoyens sont égaux devant la loi : « Soit nous respectons la loi du pays, soit nous ne la respectons pas. Si nous la respectons, alors ce sera une seule femme. Autrement, retournez d’où vous venez, et épousez autant de femmes que vous voulez. »
Tawhidi ne se laisse pas intimider, comme les Européens, par la menace d’être accusé d’islamophobie. Les signes extérieurs de soumission avec lesquels nous avons été dressés n’ont aucune prise sur lui. Quand on lui parle de hidjab, de cantines halal ou de prières de rues, il ne dégaine pas la langue de bois à laquelle nous sommes habitués : « Ces signes visibles sont des symboles de pouvoir. Prier dans la rue est inacceptable. … Je comprends la peur de la majorité de Français, et je pense que vous avez besoin d’un gouvernement qui comprenne les inquiétudes du peuple. Je travaille à chasser les extrémistes de la communauté musulmane, mais je ne peux pas les chasser du pays. C’est au gouvernement de le faire. »
Bien dans ses baskets et droit dans ses bottes, l’imam
Ni islamophobe, ni traître à la Oumma, bien dans ses baskets et droit dans ses bottes, l’imam : « Je n’ai pas d’opinions antimusulmanes mais anti-extrémistes. Je défends des frontières plus sûres et moins de mosquées extrémistes. Je pense que c’est rationnel plutôt qu’antimusulman. »
D’ailleurs, il récuse l’islamophobie, qui est une croyance occidentale : « L’islamophobie n’existe pas. S’il y avait de l’islamophobie, alors nous, les musulmans, serions islamophobes. »
En France, être accusé de conservatisme vous fait descendre la première marche vers l’enfer de la mort sociale. La deuxième est encore plus glissante : sioniste, pro-Trump ou « fait le jeu du RN » vous catalogue définitivement comme un paria. Cela ne fait ni chaud ni froid à l’imam. « Je suis un conservateur. La vie m’a fait conservateur. Les membres de ma famille ont été exécutés, brûlés vivants et bannis par les gouvernements islamistes et Daech. Je suis né réfugié de guerre sans aucun papier. J’espère que cela clarifie pourquoi j’ai des convictions fermes sur l’immigration et l’extrémisme islamiste. Trump a fait des erreurs et il n’est pas un saint, mais il a raison sur les frontières et l’extrémisme islamique. D’un autre côté, … Trudeau est très confus et ses priorités sont désordonnées. Il se soucie plus d’être ‘’gentil’’ que d’être ‘’juste’’ ».
Quant aux nouvelles stars du parti démocrate américain, Rashida Tlaib, représentante du Michigan et Ilhan Omar, sa consœur du Minnesota, c’est au cours d’un voyage à Auschwitz en février 2019 qu’il les a traitées, sur Twitter « d’impostures incarnées, d’islamistes qui poussent à haïr le peuple juif (CBN News). »
Comme on aimerait que les hommes politiques français se soucient plus d’être justes que perçus comme gentils ! Comme on aimerait qu’ils aient le courage de cet imam australien !
Homme – politique – français – courage. Un intrus se cache dans cette phrase. Trouvez-le. CA♦
Cécile Attal, MABATIM.INFO
[1] Notamment le très fouillé « Trois balles et un enfant mort »
[2] Voir en particulier un texte emblématique (Le Monde)