Un historien face à la justice : le livre « Un exil français » de Georges Bensoussan

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Par Richard PRASQUIER – Desinfos

Il n’aura probablement pas le tirage d’Eric Zemmour, mais Georges Bensoussan (notre photo), qui, lui, connait vraiment l’histoire, ne divague pas sur la prétendue protection accordée par le Maréchal aux Juifs français. Il a dirigé pendant 26 ans la revue du Mémorial de la Shoah et a mis sur pied la formation des enseignants, mais son expertise ne s’arrête pas là : il a été un historien du sionisme et l’auteur d’une somme sur les Juifs en pays arabe, où il démontait le mythe de leur vie sans nuages.

Et puis il a été, il y a vingt ans, le coordinateur d’un livre paru dans le silence médiatique, mais dont les conclusions se sont confirmées encore et encore, au point que son titre est devenu emblématique, les Territoires perdus de la République. Il l’a amplifié dans une étude récente, « Une France soumise ». Et ces livres n’ont pas plu à tout le monde….

Un « Exil français » raconte avec la précision de l’historien, la plume de l’écrivain, mais aussi l’émotion de l’homme blessé, une histoire personnelle anecdotique – non, ce n’est pas l’affaire Dreyfus – ahurissante et inquiétante : comment on peut détruire un homme en l’affublant de l’étiquette infamante de racisme.

A partir de rien…

Nous sommes le 10 octobre 2015, 10 mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher, 1 mois avant ceux du Bataclan. Alain Finkielkraut, dans son émission Répliques, a invité Alain Weil, historien de l’immigration, et Georges Bensoussan. Le premier considère que l’antisémitisme a été importé au Maghreb par la colonisation européenne. Bensoussan pense qu’il est aussi transmis par la culture et dit : « Il se trouve qu’un sociologue algérien, Smain Laacher, vient de dire dans le film qui passera sur France 3 : “C’est une honte que de maintenir ce tabou, à savoir que dans les familles arabes, en France, et tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tête avec le lait de la mère”.

Il a commis deux erreurs :
Il a dit « les » familles arabes. Il a précisé très vite qu’il ne parlait là que de « certaines » familles et pas de toutes. Trop tard : les charognards du lapsus se sont fixés sur « les » pour prétendre que Georges Bensoussan essentialisait « les » musulmans.

Deuxième erreur, ayant repris de tête les paroles d’un film visionné récemment, il n’a pas reproduit les termes exacts de Smain Laacher, Celui-ci avait dit (je résume) : « Cet antisémitisme, il est quasi naturellement déposé dans la langue ». Les deux expressions ont exactement le même sens, mais la différence de mots a suffi pour déclencher la chasse à l’homme.

Une enseignante d’histoire, militante de la France Insoumise, lance une pétition sur Mediapart, le CSA sollicité adresse une mise en garde à Alain Finkielkraut. Georges Bensoussan est accusé de racisme.

Le racisme, écrit Claude Levi Strauss, est « une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d’individus… l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique ».

On touche là à la folie : soutenir que le patrimoine génétique se transmet par le lait revient à croire que bébé aura des cornes si on lui donne un biberon de lait de vache. Le lait, c’est la métaphore de la transmission culturelle. Pourtant, ce contre-sens imbécile, repris par le Comité français contre l’islamophobie, sera avalisé par le Parquet, puis, comme des moutons de Panurge, par la Ligue des Droits de l’Homme et son satellite le Mrap, et même SOS Racisme et la LICRA qu’on a connus mieux inspirés. Et on verra leurs témoins, supposés être des intellectuels, s’empêtrer dans des arguties sémantiques d’une complète mauvaise foi pour soutenir que le lait et le sang, c’est finalement pareil….

Il y aura une longue bataille juridique, première instance janvier 2017, appel mars 2018, Cassation septembre 2019. Bensoussan a gagné à chaque fois. Mais il reste que ce procès scandaleux a bien été intenté, et la blessure est indélébile d’avoir été considéré pendant quatre ans comme un raciste infréquentable, alors que les faits, ou l’absence de faits, étaient d’une clarté évidente. Encore fallait-il vouloir regarder, ce qui prenait cinq minutes.

Dans son livre, Georges Bensoussan tire un constat d’historien, passionnant et amer, du déni de réalité, de l’intimidation moralisante et du totalitarisme bien pensant qui minent notre société et nous éloignent des vrais problèmes. C’est Tocqueville qui a écrit que les républiques démocratiques ont transformé la violence physique en violence intellectuelle…

Quant aux différents acteurs ou témoins de cette tartuferie judiciaire, on y trouve les militants qui veulent démolir un ennemi idéologique et les organisations affolées à l’idée qu’on puisse les taxer d’islamophobie, on y voit ceux qui profitent de ce que l’homme est en mauvaise posture pour régler de vieux comptes, ceux qui craignent que les vagues ne les éclaboussent, ceux qui auraient dû vérifier mais ont préféré regarder ailleurs. On y voit les amis aussi, qui connaissent l’homme et savent qu’aucune de ses déclarations n’était raciste. Chacun se reconnaitra.

En ce qui me concerne, je reste stupéfait envers ceux qui auraient dû soutenir Georges Bensoussan et ne l’ont pas fait. Et cela inclut malheureusement certains dirigeants de sa maison-mère, le Mémorial de la Shoah….


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