Le Dr. Lev Tal-Or du Département de Physique et Astronomie de l’Université de Tel-Aviv fait partie d’un consortium d’astronomes d’Espagne, d’Allemagne et d’Israël qui viennent de découvrir deux planètes semblables à la terre, à seulement 12,5 années lumière de notre système solaire, et qui présentent des conditions potentielles similaires adaptées au développement de la vie.
L’article a été publié le 19 juin dans la revue scientifique Astrophysics & Astronomy. L’autre chercheur israélien ayant participé à cette découverte est le Dr. Aviv Ophir de l’Institut Weizman.
La découverte est le résultat de 3 années d’observation dans le cadre du projet CARMENES, une collaboration germano-espagnole à laquelle participent deux chercheurs israéliens, menée à partir du télescope de l’observatoire CAHA dans le sud de l’Espagne. Le Dr. Tal-Or a contribué à la prise des mesures qui ont permis la découverte. « Il s’agit de deux planètes en orbite autour de l’étoile Teegarden, l’une des 30 étoiles les plus proches de la Terre », explique-t-il. « Leur masse est de 1,3 celle de la terre, soit similaire à elle. En outre, elles sont situées à une distance de leur soleil, l’étoile Tiegarden, qui permet la présence de l’eau à leur surface, et leur température est à peu près similaire à la notre. Nous ne connaissons que peu de planètes qui répondent à ces conditions. De plus, situées à 12,5 années-lumière de la Terre, elles sont relativement proches de nous en termes astronomiques, ‘dans notre quartier’, la Voie Lactée ».
Dans une zone tempérée
Teegarden a été découverte accidentellement par l’astronome de la NASA Bonnard Teegarden il y a à peine 16 ans, alors qu’il recherchait des astéroïdes dans notre système solaire. La raison de cette découverte tardive est qu’il s’agit d’une étoile très pâle. « Teegarden fait partie des étoiles naines de type spectral M », explique le Dr. Tal-Or. « Le projet sur lequel nous travaillons avec nos confrères allemands et espagnols porte sur la recherche des étoiles de ce type, dont la taille varie entre un dixième et la moitié de la masse du soleil. Sa température est donc de moitié celle de notre soleil, soit environ 2700 degrés Celsius. Les naines de type M représentent 75 à 80% des étoiles de l’univers mais, en raison de leur faible lumière, elles sont plus difficiles à repérer que les soleils plus grands et plus chauds ». Les chercheurs espèrent que le projet contribuera à corriger les biais dans la façon dont les astronomes comprennent la fréquence et la nature des planètes extérieures au système solaire, dites exo-planètes.
Les deux planètes, surnommées Teegarden b et Teegarden c, ont été repérées en fonction de leur influence sur leur étoile. « Nous mesurons les changements périodiques de la lumière de l’étoile et découvrons les planètes de cette manière », explique le Dr. Tal-Or. Pour trouver ces deux planètes, les chercheurs ont utilisé deux spectrographes (appareil mesurant la dispersion des longueurs d’onde de lumière qui parviennent de l’étoile), l’un dans le spectre de la lumière visible et l’autre dans le spectre infrarouge, principale gamme de longueurs d’onde émis par ce type de naines. Ils ont recherché les changements périodiques de la vitesse à laquelle l’étoile se déplace par rapport à la Terre, dus à l’attraction gravitationnelle des planètes qui tournent autour de ce soleil lointain. Cette forme de mesure permet aux chercheurs d’obtenir une image en deux dimensions de la trajectoire de ces planètes, et de formuler une estimation statistique d’une gamme possible de leur poids. C’est ainsi qu’ils sont arrivés à la conclusion que la masse de ces deux planètes fluctue entre une à deux fois celle de la Terre, la probabilité la plus élevée étant d’environ 1,3 de la masse terrestre.
« Verrouillées » autour de leur soleil
L’une de ces deux exo-planètes fait le tour de Teegarden en 4,9 jours terrestre et la seconde, qui se trouve en orbite légèrement plus lointaine en 11,4 jours; mais comme Teegarden est une petite étoile et que sa température est inférieure à la moitié de celle de notre Soleil, cette orbite place justement les deux planètes dans une zone tempérée, où il ne fait ni trop froid ni trop chaud, et rend possible la présence de l’eau à leur surface. L’eau à l’état liquide (par opposition à son état solide – glace – ou à son état gazeux) est une condition préalable à la vie, du moins de la façon dont nous la connaissons sur notre planète.
Contrairement à la Terre, les deux planètes sont « verrouillées » autour de Teegarden, comme la lune par rapport à nous : un de leur côté est toujours dirigé vers le soleil et l’autre dans l’obscurité permanente: « C’est pourquoi sur la planète la plus proche, le côté éclairé est trop chaud pour permettre la présence de l’eau, mais le côté sombre peut se situer dans la plage de température souhaitée. Sur l’étoile la plus éloignée c’est le contraire : le côté éclairé est agréable sur le pan climatique et le côté sombre est probablement gelé ».
« En outre nous pouvons estimer que l’étoile Teegarden, et probablement les deux planètes qui tournent autour, est l’une des plus anciennes de notre galaxie. Son âge est vraisemblablement le double de celui de notre soleil, soit 8 milliards d’années : la vie a donc eu amplement le temps de s’y former et de s’y développer, voire même d’en disparaitre, si tant est qu’il existe une atmosphère sur ces planètes.
A la recherche de l’atmosphère
En effet, l’existence d’une atmosphère autour de la planète est un autre facteur qui influence à la fois son climat, la possibilité d’y trouver de l’eau et le développement d’une forme de vie. « Pour étudier aujourd’hui la composition de l’atmosphère d’une exo-planète », explique le Dr Tal-Or, « on doit l’observer lorsqu’elle passe entre nous et son soleil. Une partie de la lumière de l’étoile qui parvient jusqu’à nous se modifie alors en traversant l’atmosphère de l’exo-planète. Malheureusement ce n’est pas le cas actuellement de Teegarden b et c ».
Une autre façon d’estimer l’état atmosphérique des exo-planètes consiste à mesurer la lumière de l’étoile qu’elle réfléchit, mais cette mesure est très délicate sur le plan technologique, car la séparation angulaire entre les étoiles et leurs planètes dans le ciel est souvent inférieure à un millionième de degré. « Cela deviendra possible au cours des dix prochaines années, lorsque les télescopes de la prochaine génération entreront en service et permettront de séparer la lumière réfléchie par des planètes telles que Teegarden b et c de la lumière beaucoup plus forte des étoiles autour desquelles elles tournent. Nous espérons ainsi pouvoir étudier la composition de l’atmosphère d’un nombre beaucoup plus grand d’exo-planètes ».
Enfin, il s’avère qu’entre 2044 et 2496, la Terre se retrouvera, plusieurs heures par an, entre notre soleil et le système solaire de la planète Teegarden. « Par conséquent, si sur l’une de ces planètes lointaines se trouvent des astronomes avec une technologie semblable à la notre, dans 50 ans, ils disposeront d’au moins 450 bonnes occasions de repérer notre planète bleue », conclue le Dr. Tal-Or.
Photo: Université de Göttingen, Institute for Astrophysics.