par Uzay Bulut / Gatestone
Le parti au pouvoir en Turquie, et une grande partie de l’opposition, semblent déterminés, pour ne pas dire obsédés, par l’idée d’envahir et de conquérir ces îles grecques, au motif qu’elles auraient appartenu de toute éternité à la Turquie.
« Ce que nous avons accompli jusqu’ici [est une pâle copie] des projets immenses et des attaques encore plus importantes [que nous envisageons] dans les prochains jours, inshallah [Plaise à Allah] » – Le président turc Recep Tayyip Erdoğan, le 12 février 2018.
Le chef de la Diyanet, la Direction des affaires religieuses financée par l’État, a ouvertement décrit l’invasion militaire d’Afrin comme un « djihad ». Un terme qui prend tout son sens quand on se rappelle que les Turcs musulmans ne doivent leur majorité démographique en Asie Mineure qu’à des siècles de persécution et de discriminations contre les chrétiens, les yézidis et les juifs de la région.
Moins de deux semaines après que le ministère grec de la Défense ait annoncé que la Turquie avait violé l’ espace aérien grec pas moins de 138 fois en une seule journée, un navire de la garde côtière turque a, le 13 février 2018, éperonné un patrouilleur des Gardes côtes grecs au large de Imia, l’une des nombreuses îles grecques dont la Turquie revendique la souveraineté.
La plupart des zones maritimes qui forment aujourd’hui le territoire de la Grèce moderne étaient sous occupation ottomane du milieu du 15ème siècle à la guerre d’indépendance grecque de 1821 et la création de l’Etat grec moderne en 1832. Mais aujourd’hui, les îles comme le reste de Grèce, sont la propriété légale et historique de la Grèce.
L’AKP (Parti de la justice et du développement) au pouvoir en Turquie et une grande partie de l’opposition apparaissent toutefois déterminés, pour ne pas dire obsédés, à l’idée d’envahir et reconquérir ces îles grecques, au motif qu’elles auraient appartenu de toute éternité à la Turquie.
En décembre 2017, Kemal Kılıçdaroğlu, chef du CHP, le principal parti d’opposition turc, a déclaré qu’à l’issue de sa victoire électorale en 2019, il « envahira et prendra le contrôle de 18 îles grecques dans la mer Egée, tout comme l’ancien Premier ministre turc Bulent Ecevit a envahi Chypre en 1974. » Il affirme qu’« aucun document » ne prouve le droit de propriété de la Grèce sur ces îles.
Meral Akşener, chef du « Parti du Bien », un nouveau parti d’opposition, a également appelé à l’invasion et à la conquête des îles. « Ce qui est nécessaire doit être accompli », a-t-elle tweeté, belliqueuse, le 13 janvier.
Enhardi par son invasion militaire d’Afrin en Syrie du Nord – dans le plus grand silence de la communauté internationale –, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a multiplié les déclarations belliqueuses.
« Que ceux qui ont franchi la ligne en mer Egée et à Chypre, prennent garde », a déclaré Erdoğan. Il a ajouté :
« Leur courage s’évanouira à la vue de notre armée, de nos navires et de nos avions … Qu’il s’agisse d’Afrin, de la mer Egée ou de Chypre, nos droits sont les mêmes. Ne croyez pas que l’exploration du gaz naturel dans les eaux de Chypre et d’autres tentatives opportunistes en mer Egée nous aient échappé.
« Tout comme nous déjouons divers complots [dans la région] grâce aux opérations Bouclier de l’Euphrate (Euphrate Shield) et Rameau d’Olivier (Olive Branch) [en Syrie], et bientôt à Manbij et ailleurs, nous déjouerons les vilains calculs qui se font jour à nos frontières méridionales… Nos navires de guerre et nos forces aériennes surveillent de près la zone pour intervenir dès que nécessaire. »
Dans une claire référence à l’Empire ottoman, Erdoğan a déclaré :
« Ceux qui pensent que nos cœurs n’aspirent plus aux terres que nous avons dû quitter en larmes il y a cent ans, ont tort.
« Nous le répétons à chaque fois que nécessaire, la Syrie, l’Irak et bien d’autres lieux sur la carte n’ont pas moins d’importance dans nos cœurs que notre propre patrie. Nous luttons pour qu’aucun drapeau étranger ne flotte là où l’adhan [appel islamique à la prière dans les mosquées] est lancé.
« Ce que nous avons accompli jusqu’ici [est une pâle copie] des projets immenses et des conquêtes majeures [que nous projetons] dans les prochains jours, inshallah [Plaise à Allah]. »
La dynastie ottomane et son empire ont été créés par un chef nomade turkmène aux environs de 1300. Pendant 600 ans et plus qu’à duré l’empire ottoman, les Turcs ottomans, qui faisaient également office de califat islamique, ont lancé régulièrement des guerres de djihad, d’invasion et d’occupation sur trois continents.
Les néo-ottomans de Turquie parlent fièrement aujourd’hui encore de djihad (guerre sainte islamique) contre les kafirs (infidèles). Le chef de la Diyanet, la Direction des affaires religieuses financée par l’État, a évoqué l’invasion militaire d’Afrin comme un « djihad ».
Ce vocabulaire fait sens quand on sait que les Turcs musulmans ne doivent leur majorité démographique en Asie Mineure qu’à des siècles de persécutions et de discriminations contre les habitants chrétiens, yézidis et juifs de la région. Au XIe siècle, les djihadistes turcs d’Asie centrale ont envahi et conquis l’Empire byzantin chrétien de langue grecque, ouvrant la voie à la turquisation graduelle et à l’islamisation de la région par des méthodes telles que le meurtre, l’enlèvement, le viol et les conversions forcées.
La plus importante opération antichrétienne des Turcs a eu lieu au 20ème siècle. De 1914 à 1923, les Turcs ottomans se sont livrés à un authentique génocide contre les Grecs, les Arméniens et les Assyriens (Syriaques / Chaldéens). Ce meurtre de masse a été constamment nié, et n’a pas empêché la Turquie de devenir membre de l’OTAN en 1952. Et le souvenir du génocide n’a pas empêché la Turquie, trois ans après son adhésion à l’OTAN, de monter un pogrom anti-grec à Istanbul, ni d’expulser de force les quelques Grecs qui demeuraient encore en Turquie en 1964.
C’est précisément parce que les Turcs n’ont jamais été tenus responsables de leurs actes criminels et de leurs agressions qu’ils continuent de menacer la sécurité et la souveraineté de leurs voisins. Il serait temps que l’Occident se réveille et mette Ankara au pied du mur.
Uzay Bulut est une journaliste turque née et élevée en Turquie. Elle est actuellement basée à Washington DC.