Turbulences dans les relations entre la Jordanie et Israël

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Par Jacques BENILLOUCHE –  Temps et Contretemps

Partie d’un incident mineur, la situation politique entre la Jordanie et Israël s’est envenimée au point de prendre des proportions imprévues. Le prince jordanien Hussein bin Abdullah avait planifié une visite sur le Mont du Temple pour assister à une prière spéciale à la Mosquée Al-Aqsa et s’était donc rendu au poste-frontière d’Allenby. Comme il est d’usage dans les pays étrangers, et en particulier en Égypte où l’ambassadeur ne dispose que d’un chauffeur et d’un garde du corps israéliens, la sécurité est assurée par les autorités locales, souvent au moyen de forces armées militaires. Mais la totalité du service jordanien de sécurité n’avait pas eu l’autorisation d’entrer en Israël alors que le prince craignait des manifestations hostiles..

Comme il se doit, la visite avait été organisée avec les autorités israéliennes qui avaient déployé une forte présence policière pour sécuriser la visite du prince. La mosquée al-Aqsa, comme le reste de la vieille ville de Jérusalem, est sous contrôle israélien depuis 1967 mais la gestion de la mosquée a été confiée à un waqf, fondation religieuse islamique. La Jordanie est garante depuis les accords de Wadi Araba qui lui procurent le rôle privilégié de garante de l’esplanade. Le prince s’estimait donc en droit d’entrer avec ses propres forces dans un lieu dont il avait la charge.

Dans le cadre de l’accord sur ce voyage, des agents de sécurité jordaniens, dont certains devaient être armés, avaient été autorisés à accompagner le prince. Mais les Jordaniens avaient dépassé les limites sécuritaires autorisées car leurs forces étaient plus importantes que ce qui avait été convenu. Les autorités israéliennes avaient alors insisté pour que les Jordaniens respectent les termes de l’accord, ce qui a été refusé par le prince Hussein qui a donc purement et simplement annulé sa visite. L’incident aurait pu en rester là mais c’était sans compter sur la susceptibilité des Jordaniens qui ont tenu à provoquer des tensions diplomatiques entre les deux pays.

Netanyahou devait se rendre à Abou Dhabi mais pour éviter tout contentieux et limiter les risques sécuritaires, il avait préféré voyager sous l’égide des Émirats. Le 11 mars, un avion d’affaires, stationné à l’aéroport Ben Gourion, avec à son bord Netanyahou et son entourage, attendait l’ordre de s’envoler vers Abu Dhabi. Mais la Jordanie, de même que les Saoudiens par solidarité, avaient d’abord refusé le survol de leur espace aérien en retardant l’approbation pendant plusieurs heures avant de finalement donner le feu vert. Cependant, au moment où Netanyahou avait été autorisé à voler, il était déjà trop tard pour des raisons de calendrier et il n’eut d’autre solution que de reporter son voyage en exigeant des excuses du prince héritier.

En représailles, Netanyahou avait immédiatement ordonné, de manière unilatérale sans consulter le cabinet, la fermeture de l’espace aérien israélien aux vols à destination et en provenance de la Jordanie. L’ordre avait été transmis du bureau du Premier ministre par l’intermédiaire du ministère des Transports à l’Autorité de l’aviation civile dans un courrier électronique. Cette décision avait été prise en violation de l’accord de paix signé en 1994 avec la Jordanie mais Netanyahou n’avait pas mesuré les conséquences d’une décision irréfléchie. Le directeur de l’Autorité de l’aviation civile, Joel Feldschuh, avait tenté de temporiser en intervenant auprès du secrétaire du gouvernement, Tzachi Braverman.

Tous les dirigeants concernés par cette directive ont réussi à la suspendre car elle entrainait des dommages internationaux aux conséquences dramatiques. Le ministre de la Défense Benny Gantz a critiqué le Premier ministre car ses actions étaient «préjudiciables à la sécurité nationale d’Israël. Netanyahou est motivé par des motivations personnelles et politiques et ses actions vont à l’encontre des accords diplomatiques d’Israël. Cela montre simplement qu’il a complètement perdu sa capacité à faire preuve de discernement et qu’il fait tout pour veiller sur lui-même plutôt que sur le pays».

Dans cette affaire triste, Netanyahou sort perdant car, pour quelques gardes armés jordaniens de plus, il n’a pu effectuer la première visite officielle d’un dirigeant israélien aux Émirats pour rencontrer MbZ (Cheikh Mohammed ben Zayed). Des rumeurs avaient fait aussi état d’une rencontre avec le prince héritier saoudien MbS (Mohammed ben Salmane) et le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok. Netanyahou avait justement planifié son déplacement pour relancer sa campagne électorale en obtenant une promesse de relations officielles avec l’Arabie. Ces avancées politiques attendront des jours meilleurs. Les relations israélo-arabes entrent donc dans une phase de fortes turbulences.

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