- En janvier, les services statistiques du ministère de l’Intérieur ont enregistré 2 288 agressions contre la police.
- Le soupçon que les médias font peser sur le caractère illégitime de la violence policière est si intense que les policiers ne se sentent même pas autorisés à utiliser leur arme quand ils sont attaqués.
- La mise en accusation de la police par les médias et l’industrie du divertissement — acteurs, chanteurs, etc — est également alimentée par des universitaires.
- La lâcheté des institutions judiciaires se remarque au fait qu’elle a fait alliance avec la foule chic contre la police.
- Si la police ne peut pas enquêter ou protéger le public parce que ses agents ont peur d’être traités de racistes, la sécurité des citoyens est en danger.
Une guerre est menée contre la police en France, mais cette guerre n’est jamais nommée. Photo : Un police parle à un automobiliste à un feu rouge, après une nuit d’émeutes à Blois, le 17 mars 2021 (Photo by Guillaume Souvant/AFP via Getty Images) |
Le 25 janvier, à Pantin, le 4 février, dans le quartier de la Conte à Carcassonne, le 13 février, à Poissy (Yvelines), des groupes organisés de « jeunes » selon le vocabulaire consacré ont attiré les forces de police dans leurs cités pour leur tendre une embuscade. Aux cris de « Tuez-les ; Tuez- les », les patrouilles ont été prises à partie avec des mortiers, ces engins pyrotechniques régulièrement utilisés comme des armes de guérilla urbaine. A chaque fois, des vidéos de l’attaque ont été diffusées sur les réseaux sociaux.
Des statistiques du ministère de l’Intérieur publiées par le Figaro montrent qu’entre le 17 mars et le 5 mai 2020, 79 guet-apens ont été tendus aux policiers. En octobre 2020, le Figaro a recensé au moins dix attaques de commissariats depuis le début de l’année. En janvier, les services statistiques du ministère de l’Intérieur ont enregistré 2 288 agressions contre la police, selon les informations de la police.
Une guerre contre la police est menée dans notre pays mais cette guerre n’est jamais nommée. Au contraire, médias et people s’associent pour affirmer qu’une police intrinsèquement raciste est partie en guerre contre la population.
Rappelons-nous, les manifestations incessantes et largement médiatisées du clan d’Assa Traore contre le « meurtre » de son frère par la police. Ou bien, en mai 2020, peu après que la chanteuse Camélia Jordana ait accusé la police d’assassinats multiples et gratuits sur une chaîne de télévision du service public, – « les hommes et les femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue » se font « massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau » – une hallucinante séquence s’est mise en place : le député LREM Aurélien Taché a twitté:
« Bravo @Camelia_Jordana, mais le prix à payer va être terrible…tu le savais. Ils vont nier puis retourner la charge de la preuve et une fois encore, chercher à faire passer les victimes pour des coupables. »
Le journal Les Inrockuptibles a apporté sa caution à l’accusation en donnant la parole à un faux « expert » des violences policières, le documentariste David Dufresne, qui a affirmé que la chanteuse « exprime des évidences ». L’Obs a surenchéri en juin 2020, en tendant le micro à Omar Sy qui, de sa villa de Los Angeles, a « demandé justice pour Adama Traoré », tracé un parallèle avec Georges Floyd et appelé de ses vœux une « police digne de notre démocratie ». Une pétition a été lancée qui a recueilli plusieurs centaines de milliers de signatures. Le 24 juin, Amnesty International a publié un rapport qui a dénoncé le racisme de la police en Europe pendant le confinement sanitaire. Le 19 juillet 2020, le maire écologiste de Colombes (Hauts-de-Seine) Patrick Chaimovitch a dressé un parallèle entre la police de Vichy et celle d’aujourd’hui. Le psychanalyste Gérard Miller a invité à « réfléchir » sur les propos du maire de Colombes et le journaliste Edwy Plenela comparé le nouveau ministre de l’intérieur Gérald Darmanin à René Bousquet, haut fonctionnaire organisateur de la rafle du Vel d’Hiv et gravement compromis avec la Gestapo pendant la guerre.
Ce climat de délégitimation de l’action de la police a pour conséquence d’aggraver les violences contre les policiers. Sur les routes, toutes les vingt minutes, un automobiliste refuse de s’arrêter et souvent, lance sa voiture contre les forces de l’ordre. Selon le Figaro, ces refus d’obtempérer ont fait un bond de 5,1 % en 2020, soit une infraction commise toutes les 20 minutes, et non plus toutes les 30 minutes comme il y a encore quelques mois.
La pression médiatique sur la police est telle que les forces de l’ordre ne se sentent pas en droit d’utiliser leur arme. Comme l’écrit Philippe Bilger, ex-magistrat, « face aux menaces, aux jets divers et aux atteintes physiques, elle (la police) n’a pratiquement pas le droit d’user de ce que la loi l’autorise à mettre en œuvre », à savoir son arme. « Si on examine dans le détail les cinq situations qui permettent, depuis la loi du 28 février 2017 commune à la police et à la gendarmerie, l’usage des armes à feu, on constate d’abord qu’elles ne sont pas très éloignées de la notion ancienne de légitime défense mais que surtout elles sont très rarement concrétisées dans la pratique ». Pour la bonne raison qu’à chaque fois, pèse sur la police une choquante suspicion d’usage illégitime de la violence.
La mise en accusation de la police par les médias et les people est alimentée aussi par le monde académique. En France, comme aux Etats Unis, la police est accusée de pratiquer des contrôles au faciès, c’est-à-dire de faire un usage raciste de son pouvoir de contrôle des identités. Cette idée a été lancée et alimentée par une étude publiée en 2009 de Fabien Jobard et René Lévy, deux chercheurs du CNRS, qui ont affirmé que les contrôles de police sont menés « au faciès », c’est à dire « non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être ». En 2017, le Défenseur des droits a repris publiquement à son compte l’accusation portée contre la police de contrôles d’identités racistes.
Ces « études » du CNRS ou du Défenseur des droits auraient pu être contrées – ou corroborée – par des études sociologiques qui montrent que la criminalité est également – ou inégalement – répartie au sein des différentes couches ethniques qui composent la société française. Mais la loi française interdit les statistiques ethniques. Il est donc permis d’accuser la police de racisme, mais il est interdit de prouver que les Noirs ou les Maghrébins sont surreprésentés dans la délinquance au regard de leur présence démographique dans la population française. La mode aujourd’hui est d’exiger une stricte proportionnalité des contrôles d’identité entre les Blancs, les Noirs et les Arabes.
L’offensive médiatique contre la police est également légitimée par les plus hauts représentants de l’Etat. « Aujourd’hui, quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé », a déclaré Emmanuel Macron au média Brut, en décembre 2020. Le 12 février dernier, Claire Hédon, Défenseure des droits, demandait sur France Info l’arrêt des contrôles d’identité dans « certains quartiers » et l’instauration « de zones sans contrôle d’identité ».
Il était inévitable que cette pression politico-médiatique se traduise par des « avancées » sur le terrain du droit. En 2016, la Cour de cassation a jugé qu’ « un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s’agit d’une faute lourde ».
Comment résister ? Le 27 janvier 2021, les avocats de six ONG (Amnesty International France, Human Rights Watch, Réseau Égalité et Antidiscrimination…) ont lancé une action de groupe contre l’Etat, adressant une mise en demeure au Premier ministre, Jean Castex, ainsi qu’au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et au ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti pour que cessent « les contrôles au faciès ».
L’État dispose de quatre mois pour répondre à la mise en demeure des ONG et faire des propositions. S’il ne répondait pas de manière satisfaisante, l’action de groupe contre l’Etat, la première du genre en Europe, irait devant les tribunaux.
Mais ce n’est pas seulement la police de terrain qui est attaquée. D’autres puissants acteurs ont entrepris de s’attaquer aux moyens d’investigation de la police anti-criminalité. Le 6 octobre 2020, la Cour de Justice de l’UE a rendu un arrêt dans 3 affaires (litiges C511, C512 et C520/18) relatives à la conservation « généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation » dans le secteur des communications électroniques. En d’autres termes, au nom de la protection du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, la Cour a jugé que les lois nationales imposant aux fournisseurs de services téléphoniques de conserver de manière « généralisée et indifférenciée » les données relatives au trafic (les fadettes) et les données de localisation (qui permettent a posteriori d’identifier les téléphones qui ont borné à proximité d’une scène de crime par exemple) étaient contraires à la Charte de l’UE, laquelle est intégrée aux traités et a donc valeur constitutionnelle. Il en résulte que la prévention et la résolution des crimes va être beaucoup plus complexe et souvent devenir impossible. Dans 90% des cas, la police n’a pour seul indice que les téléphones qui ont borné à proximité d’une scène de crime, ce qui permet ensuite, tel le fil d’Ariane, de remonter les pistes (via les fadettes, qui permettent de savoir avec qui la personne qui a borné a communiqué dans les semaines et les mois précédents).
Les forces qui se liguent aujourd’hui contre la police – une partie des médias, les people, les associations et ONG anti-racistes, une partie de la magistrature française et les cours droit-de-l’hommistes européennes sans oublier les comités des droits de l’homme de l’ONU et d’autres organisations internationales – poussent à la dévitalisation de l’Etat sur un point essentiel : sa mission d’assurer la sécurité de tous les citoyens.
Si le processus aboutit, l’antiracisme mis en place au milieu des années 1980 par la gauche, se sera révélé le plus efficace outil de démantèlement des Etats depuis la seconde guerre mondiale.
Yves Mamou, journaliste, basé en France, a travaillé pendant deux décennies pour Le Monde. Il est l’auteur de « Dix petits mensonges et leurs grandes conséquences ; Auschwitz, Israël, la Palestine et nous » (publié en avril aux Editions l’Artilleur)