Tsipi ‘Hotobély, une diplomate très politicienne

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

       Il existe une règle absolue en diplomatie, l’ambassadeur représente l’État d’Israël et non un parti politique. Cette règle est toujours respectée sauf dans l’exception de Tsipi ‘Hotobély du Likoud, ambassadrice à Londres. En cas de changement de gouvernance, l’ambassadeur doit se soumettre ou se démettre. C’est ainsi que Nissim Zvili, membre du parti travailliste avait continué sa mission à Paris sous le gouvernement Sharon, en ayant mis de côté ses convictions de gauche.

        Pressentant un risque de conflit qui vient d’ailleurs de se produire, Yaïr Lapid avait envisagé de remplacer ‘Hotobély par Yaël German mais, contrairement aux usages, l’ancienne députée du Likoud a refusé de quitter son poste afin de mieux préparer le retour de Netanyahou. Yaël German a reçu en compensation l’ambassade à Paris qui ne lui est pas adapté en raison de ses lacunes dans la langue française. Yaïr Lapid a fait preuve d’une grande faiblesse en laissant les ordres du gouvernement transgressés par une diplomate qui ne fait pas partie du sérail du ministère des Affaires étrangères.

            Contrairement à l’obligation de réserve et de discrétion, Tsipi ‘Hotobély agite l’opinion anglaise et est souvent à la source d’esclandres politiques comme en novembre 2021 alors qu’elle était invitée par la London School of Economics (LSE) à prendre la parole sur l’avenir du Moyen-Orient, un sujet très sensible dans un pays où les Palestiniens ont pignon sur rue. Des images ont montré des manifestants criants et se précipitant vers Tsipi ‘Hotobély alors qu’elle était exfiltrée rapidement. Elle n’a dû son salut qu’à la protection de la police.

Il y a quelques jours elle récidivé en invitant l’opposant Bezalel Smotrich à faire une conférence très médiatisée alors que les Juifs britanniques condamnaient son racisme d’extrême droite.  Il s’agit d’une maladresse car le chef du Parti sioniste religieux, d’obédience extrême-droite, par ailleurs condamné par le Board of Deputies, l’organe représentatif des Juifs britanniques qui l’a qualifié de persona non grata en Grande-Bretagne. En se référant à une plateforme de 2019, organisée par le journal B’Sheva, ‘Hotobély a appelé à l’annexion de la Cisjordanie car pour elle le moment était «mûr». Le Board avait déclaré que Smotrich n’était pas le bienvenu au Royaume-Uni en raison de ses «opinions abominables». Les Juifs britanniques lui ont carrément «montré la porte» et lui ont conseillé de «remonter dans l’avion et d’être dans les mémoires comme une honte pour toujours». L’ambassadrice n’a pas tenu compte de ces menaces.

            Nommée ambassadrice en 2020 pour trois ans, ‘Hotobély n’était pas à sa première manifestation permettant d’afficher ses opinions personnelles. Fille d’immigrants juifs géorgiens, portant la perruque significative, ‘Hotobély se décrit comme la «droite religieuse», partisane des implantations dans les territoires. Elle avait choqué les Britanniques qui l’ont traitée de «raciste» pour avoir qualifié «la Naqba, l’expulsion en 1948 de 700.000 Palestiniens, de mensonge arabe très populaire». Elle n’était pas à sa première déclaration controversée. Dans une interview à la télévision israélienne en 2017, elle avait déclaré que «la plupart des Juifs américains ne comprennent pas les complexités de la région parce qu’ils n’envoient jamais leurs enfants se battre pour leur pays. La plupart des Juifs n’ont pas d’enfants qui servent comme soldats».

            Dans une conférence de septembre 2019, dans l’implantation de Kedem, elle avait appelé à l’annexion de toute la Cisjordanie : «Dans le passé, nous étions les extrémistes, les délirants, les rêveurs et les partisans de la solution la plus impossible au conflit. La souveraineté sur les colonies est une décision tentante, mais elle abandonne la majeure partie du territoire, et il y a une déclaration apparente selon laquelle le reste du territoire ne nous appartient pas. C’est dangereux parce que c’est 95% du territoire». Elle avait profité de cette conférence pour remettre un prix à Bezalel Smotrich.

Crispin Blunt, député du Parti conservateur, avait appelé le ministère de l’Intérieur à révoquer l’autorisation d’entrée de Smotrich au motif que sa présence au Royaume-Uni n’était «pas propice au bien public. Smotrich est homophobe raciste et virulent d’extrême droite dont les opinions n’avaient pas leur place en Grande-Bretagne». Dans une interview donnée au Jerusalem Post, Smotrich avait cité des informations faisant «état d’une montée de l’antisémitisme au Royaume-Uni» et avait comparé «les dirigeants juifs britanniques à la communauté juive dans l’Allemagne nazie des années 1930 avant la Shoah. La réponse à l’antisémitisme doit être un Israël fort et sûr qui peut justifier la vision sioniste et l’appartenance d’Israël à la Terre d’Israël et à l’ensemble du peuple juif».

En invitant Smotrich, l’ambassadrice risque de couper la communauté juive britannique d’Israël avec l’objectif de forcer les Juifs libéraux à confronter les vérités sur Israël qu’ils ont enterrées et à être sur la défensive. Elle n’a aucune fibre diplomatique dans son corps.  Par opposition à Yaïr Lapid qui a une position pragmatique, elle avait rejeté une solution à deux États dans un discours prononcé en 2015 lors de sa nomination au poste de vice-ministre des Affaires étrangères en déclarant : «Cette terre est à nous. Tout est à nous. Nous ne sommes pas venus ici pour nous en excuser». Elle est favorable à une annexion complète de la Cisjordanie. Elle soutient également la prise de contrôle par Israël de l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem-Est sans craindre de mettre le feu au Proche-Orient. Elle est en fait en opposition totale avec la politique actuelle du gouvernement.

‘Hotobély n’a pas suivi les traces de ses éminents prédécesseurs qui agissaient tout en finesse, Ron Prosor et Daniel Taub et a attaqué de front Boris Johnson, le Premier ministre britannique, qui a exprimé son opposition à l’annexion. La majorité de la communauté juive de Grande-Bretagne, est constituée de fervents sionistes mais ‘Hotobély s’est appuyée sur la minorité du Jewish National Fund UK fervente des implantations. Par discipline, le Bord of Deputies a accepté de collaborer avec Hotovely car ils affirment : «nous ne prenons pas parti dans la politique israélienne». 

Le Parti travailliste a été perdu par la majorité de la communauté juive britannique alors que l’ambassadrice présentait une image d’Israël qui s’enfonçait de plus en plus dans un ultra-nationalisme, générant d’ailleurs de l’antisémitisme. ‘Hotobély joue volontairement de son identité ultra-nationaliste avec le risque de se couper des Juifs britanniques libéraux. Un ambassadeur israélien doit réunir autour de lui tous les Juifs sans exception et sans prendre de position partisane. S’afficher en présence d’un opposant sulfureux est une méconnaissance des coutumes diplomatiques de la part de l’ambassadrice.

Commentaire:

DdeAM a dit…

Pour ma part, je considère qu’avoir un discours sans ambages est une force pour Israël.
Nous pouvons déplorer en l’occurrence toutes ces femmes et hommes politiques israéliens qui n’ont eut de cesse d’apparaître aux yeux du monde (du concert des nations) conciliants quand à la volonté des occidentaux de tenter d’imposer des impératifs à l’Etat d’Israël comme par exemple la partition de Jérusalem, la restitution du Golan, le rapatriement de millions de « palestiniens » en terre d’Israël, et de cesser d’acquérir des terres en Judée-Samarie les fameuses implantations, (comme si il devait y avoir au sein de la juridiction internationale des terres qui devraient être libre de Juifs) honteusement appelés par la communauté internationale Cisjordanie. Rappelons que ce territoire était partie intégrante du foyer juif, qu’il fut annexé par la Jordanie lors de la guerre d’indépendance et que cette dernière y renonça en 1988.

Nous marchons sur la tête si nous considérons que toutes ces revendications de la communauté internationale sont acceptables.

Quelles ont été pour les Juifs de la diaspora les conséquences de cette bienveillance des politiques israélien à l’égard de l’intrusion voir même de l’ingérence occidentale se définissant clairement dans une position pro-palestinienne ayant comme résultat un anti judaïsme toujours plus croissant en Occident ?

N’oublions pas que de nombreux pays européens ont vivement critiqué les accords d’Abraham. Pourtant il s’agit d’établir de véritables jalons pour la paix judéo-arabes auxquels tous les humanistes devraient se réjouir.

Je salut donc avec bienveillance le travail de cette diplómate Madame Tsipi ‘Hotobély.

Abravanel David

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