Trump. Un séisme géoéconomique. La France est en 1ère ligne d’un affrontement qui n’a plus rien de théorique.
Ce n’est plus un frisson passager du protectionnisme. C’est un séisme géoéconomique. Le retour de Donald Trump à l’agenda politique américain marque une rupture assumée avec l’ordre commercial mondial tel qui été l’avait façonné depuis l’OMC : multilatéralisme, libre circulation des biens, arbitrages juridiquement encadrés.
La fin du multilatéralisme commercial
Tout cela vole en éclats. Vins, aéronautique, luxe, agriculture : la France est en première ligne d’un affrontement qui n’a plus rien de théorique. Ce que Trump engage, c’est une guerre commerciale assumée – et cette fois, durable. Ce sont trois chocs majeurs qui frappent notre économie.
Une guerre des chaînes de valeur
Trump veut « rapatrier » la valeur. Les hausses tarifaires visent à fragmenter brutalement les chaînes de production mondiales pour forcer une relocalisation vers les États-Unis. Or, de nombreuses PME, ETI françaises sont insérées dans des chaînes transatlantiques, notamment dans l’automobile et l’aéronautique. Ces filières, autrefois fondées sur la complémentarité, sont aujourd’hui désorganisées.
Le « Buy American Act », renforcé, agit comme une barrière implicite. Résultat : les acteurs français se retrouvent relégués aux segments les moins rentables et les moins stratégiques des chaînes de valeur, voire exclus de certains appels d’offres ou de projets industriels structurants.
Le commerce transformé en arme géopolitique
Trump ne traite plus les échanges commerciaux comme des flux économiques, mais comme des outils de rapport de force. Chaque tarif est une punition. Chaque exemption devient une monnaie d’échange. Cette logique de « diplomatie punitive » engendre une instabilité inédite pour les entreprises françaises, qui doivent désormais intégrer un nouveau risque : le risque « Trump ». Quand une décision présidentielle peut ruiner des années de conquête commerciale, d’investissement ou de R&D, c’est tout l’édifice stratégique qui se fragilise. L’incertitude devient la norme.
Le choc n’est pas qu’économique. Il est idéologique. Face à un modèle américain alliant protectionnisme, dérégulation, baisse d’impôts et subventions massives (comme avec l’IRA, l’Inflation Reduction Act de Biden), les entreprises françaises commencent à réclamer les mêmes « armes ». Cela ouvre une brèche dans le consensus français autour du modèle social. Le danger : une course vers le moins-disant fiscal, social et environnemental, au nom de la « compétitivité ». Ce n’est plus seulement un affrontement entre États. C’est une mise à l’épreuve de nos choix collectifs.
L’Europe ne peut plus tergiverser
Trump ne fait pas que bouleverser le commerce mondial. Il nous oblige à choisir. Face à la brutalité stratégique américaine, l’Europe ne peut plus tergiverser. Soit elle construit enfin une souveraineté économique crédible, capable de défendre ses normes, ses industries et ses valeurs. Soit elle devient un simple marché ouvert, soumis aux rapports de force extérieurs. Le libre-échange est mort. Place à la guerre des récits économiques et des normes dominantes.