Quand l’auteur d’un documentaire sur l’antisémitisme explique « avoir rencontré de vraies difficultés » à obtenir des témoignages « face caméra » à Toulouse, comment ne pas s’interroger ? « Les gens ont peur d’être identifiés comme juif », prévient Marc Friedman, longtemps vice-président du CRIF qui a accompagné le réalisateur dans son travail. Dans un sondage publié mardi, 70 % des Français juifs disent « avoir été victimes d’acte antisémite ». Preuve que l’antisémitisme ne s’efface pas. À Toulouse comme en Haute-Garonne ou en Occitanie.
« C’est insidieux », regrette Nicole Yardini, figure pondérée de la communauté. « Il faut se promener dans les rues de Toulouse avec un Juif visible pour se rendre compte de cette réalité », dit-elle. Injures, crachats, gestes déplacés. « Et ne nous trompons pas, ces actes insupportables peuvent venir de n’importe qui », prévient cette femme.
Comment expliquer la croix gammée tracée par un Gilet jaune lors d’une des manifestations, en janvier 2019 sur la façade du Capitole ? Comment comprendre ces tags antisémites écrit à la peinture sur une agence bancaire du quartier des Sept-Deniers, à Toulouse, par un ancien directeur d’hôpital public en retraite ? Un homme de 63 ans arrêté puis condamné à trois ans de prison, dont 30 mois avec sursis en mars par le tribunal correctionnel. il voulait « chasser » les Juifs mais également les Arabes et… Macron.
Dans une ville et une communauté qui demeurent traumatisées par les attentats de mars 2012, le président du CRIF de Toulouse Franck Touboul réclame « une intransigeance totale ». Avec la création d’un groupe de lutte spécifique, le parquet de Toulouse cherche à mieux cerner cette problématique même si toutes les discriminations, et pas seulement l’antisémitisme, sont étudiées.
« Ce qui remonte principalement, c’est plutôt des agressions verbales mais cela reste inadmissible », confie un membre du parquet. Les plaintes ont progressé de 170 % (!) en seulement neuf mois grâce à la sensibilisation sur cette question. Pourtant les représentants de la communauté toulousaine l’affirment : « Beaucoup de victimes d’acte antisémite n’osent pas déposer plainte ».
« Dans le magma de l’antisémitisme, beaucoup de choses se mélangent : l’antisionisme, la défense de la Palestine, les extrêmes de droite et de gauche…, confie un témoin. Moi, Juif de Toulouse, je me promène dans ma ville sans soucis mais sans kippa, sans étoile de David, sans marque d’identification. Un choix, une façon d’éviter les problèmes. » L’illustration, aussi, de la réalité du malaise ambiant.
Source www.ladepeche.fr