Stella, 49 ans, victime d’antisémitisme : « Un jour ou l’autre, on finira par partir »

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Après un cambriolage et des actes de vandalisme à connotation antisémite, Stella a déménagé de son pavillon de banlieue parisienne pour retourner vivre chez ses parents et pense aujourd’hui au départ en Israël. Elle raconte son malaise au micro Europe 1 d’Olivier Delacroix.

VOS EXPÉRIENCES DE VIE Stella vivait une vie tranquille avec son mari et ses enfants à Romainville, en Seine-Saint-Denis, jusqu’à cette nuit de mars 2017 et un cambriolage à la connotation clairement antisémite, comme elle le raconte au micro d’Olivier Delacroix sur Europe 1, jeudi. Après cet acte, sa voiture a ensuite été vandalisée avec les inscriptions « juifs » et « Israël ». D’abord hostile à l’idée d’un départ en Israël, elle envisage de plus en plus sérieusement cette solution pour fuir l’antisémitisme.

« On louait un petit pavillon à Romainville depuis huit, neuf ans, on était éventuellement prioritaires pour un futur achat. On se sentait bien, on n’avait jamais eu le moindre souci. J’ai toujours habité le 93, avant j’habitais le Pré Saint-Gervais, Bagnolet… On adore les quartiers populaires, tout est ouvert le dimanche, on connaît bien les commerçants aux alentours.

Avec mon mari et les enfants, on a subi un cambriolage pendant notre sommeil, en mars 2017. On n’a rien entendu. On nous a volé des choses d’enfant, mais ce n’est pas tellement le vol qui nous a choqués, mais plutôt le fait qu’on a été surveillés et dénoncés après le vol. Au début, on a mis ça sur le compte d’un cambriolage comme ça peut arriver dans toutes les familles, mais les photos d’Israël avaient été arrachées et mises à terre. Il y a plein de choses sentimentales qui ont été prises.

« En tant que maman, j’avais peur »

Avec le choc, je ne suis pas remontée dans les chambres. Quand la police scientifique est arrivée, on nous a demandé qui avait ouvert la fenêtre de la chambre de ma fille. En mars, on ne dort pas encore la fenêtre ouverte à Paris. Le lit de ma fille était juste en dessous. En tant que femme et en tant que maman, j’avais peur.

On est partis au Vietnam avec les larmes, on a passé dix jours en voyage. On est rentrés au mois d’avril et début mai, un matin, je suis passée par le parking pour emmener ma fille à l’école. Je porte des lentilles, ma fille m’a dit  : « Maman, t’as vu ce qu’il y écrit sur la portière ? » Il y avait « juifs » écrit sur toute la portière conducteur, et pas en petit. J’ai dit à ma fille : « T’inquiète pas, papa va amener la voiture au garage, monte dans la voiture ».

Pneus lacérés

Sur le périphérique (je l’ai mise à l’école juive dans le 17ème), je me suis fait klaxonner une dizaine ou une quinzaine de fois. Moi, je baisse mon carreau et je dis : « Oui, je sais, je sais ce qui est écrit sur ma portière ! » En fait ils me prévenaient : « Madame, vos pneus ! » Je me suis arrêtée à une pompe à essence de la porte de Saint-Ouen. Je tremblais, je me suis mise à pleurer. Là, j’ai compris qu’on ne m’avait pas rayé la voiture avec seulement une clé : j’avais les pneus arrière lacérés, on fait pas ça avec une clé ! J’étais pétrifiée, peut-être que je serais tombée nez-à-nez avec eux dix minutes avant. À l’arrière de la voiture, il y avait écrit « Israël ».

On a déjà survécu au cambriolage. Les deux fois, on aurait pu mourir. À ce moment-là, j’ai appelé la police en leur expliquant ce que j’avais subi. Là, j’ai eu l’écoute d’un policier qui m’a dit : « Écoutez-moi, ce n’est pas la police qui vous parle, mais un père de famille. Je vous en supplie, il faut partir. » Le jour où j’ai ça, je n’ai vu aucun élu, personne.

Le soir-même, j’ai pris quelques cartons, toutes les affaires des enfants que je pouvais emporter, et je suis partie vivre chez mes parents, pendant quatre mois. Tous les soirs, on faisait les agences immobilières. Maintenant, j’arrive à en parler en pleurant moins, bien sûr, mais je peux dire qu’on a fui pour antisémitisme en 2017. Même moi, je me dit que je suis folle.

« Très longtemps qu’on s’est aperçu qu’il y avait un malaise »

J’ai retrouvé un deuxième travail pour faire face aux dommages collatéraux. J’ai inscrit ma fille dans une nouvelle école en juin. Devant tous les parents, la directrice de l’école m’a dit que j’avais oublié de donner l’adresse. Je lui ai répondu que je n’en avais pas et j’ai fondu en larmes. Sans avoir mes parents, j’aurais pu être SDF. Mais qu’est-ce qu’on a fait, bon sang ?

Vous savez, ça fait longtemps que nous, la communauté juive, on s’est aperçus qu’il y avait un malaise. Ce n’est pas pour rien qu’on met nos enfants dans des écoles juives. Comment expliquer à cette nouvelle génération que ça ne sert à rien d’être comme ça ? Après le cambriolage et les pneus lacérés, on nous a proposé de faire la ‘alya (le départ en Israël, NDLR). J’ai dit : « C’est ça que vous me proposez ? J’ai 23 ans d’ancienneté dans mon travail, mes enfants ont leur vie sportive ici, je ne veux pas partir. » C’était il y a un an. Au fur et à mesure de ce qu’on voit à la télé, de ce qu’on entend, je me suis dit qu’un jour ou l’autre, on finira par partir. »

Source www.europe1.fr

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