Mystérieuse vague de suicides chez les oligarques russes : six décès depuis janvier
Le mardi 19 avril, un oligarque russe se serait pendu dans sa villa en Espagne juste après avoir tué sa famille à la hache. La veille à Moscou, un magnat du gaz est mort par balle avec sa femme et sa fille. Depuis fin janvier, six milliardaires sont décédés dans des circonstances troubles.
Vague de suicides chez les oligarques russes. Depuis le début de l’année 2022, six d’entre eux se sont suicidés. Dans la plupart des cas, la presse locale s’interroge sur les circonstances des décès.
Ce jeudi 21 mars, le journal catalan El Punt Avui rapporte un fait divers macabre à Lloret de Mar, en Espagne. Le 19 avril, la police reçoit l’appel d’un jeune homme inquiet de ne pas réussir à joindre sa famille. La Mossos d’Esquadra, la police catalane, découvre une personne pendue dans le jardin. Il s’agit de Sergey Protosenya, ancien directeur général de Novatek, numéro 2 du gaz russe, juste derrière Gazprom.
À l’intérieur de la villa, les forces de l’ordre trouvent deux autres corps : sa femme, Natalia, et leur fille Maria, âgée de 18 ans. Elles auraient été battues puis manifestement tuées à l’arme blanche.
Les premiers éléments de l’enquête laissent penser que l’homme d’affaires aurait tué sa famille avant de mettre fin à ses jours. Mais des détails laissent planer le doute sur l’implication éventuelle d’une tierce personne. Premier indice : l’absence de traces de sang sur le corps de Sergey Protosenya alors que la scène de crime en était maculée. D’après le quotidien catalan, les enquêteurs auraient découvert du sang sur des chaussettes retrouvées dans la chambre de Natalia Protosenya. Elles pourraient avoir servi de gants de fortune afin d’éviter de laisser toute empreinte digitale sur la scène de crime.
Le drame en Espagne résonne étrangement avec une affaire survenue dans la capitale russe le 18 avril. Selon la version russe de la radio allemande Deutsche Welle, Vladislav Avaev est retrouvé mort aux côtés de sa femme Yelena, alors enceinte, et de leur fille de 13 ans, Maria. Il est l’ancien vice-président de Gazprombank, troisième plus grande banque de Russie en matière d’actifs.
Anastasia Avaev, l’autre fille de l’oligarque, a donné l’alerte. Selon Yulia Ivanova, porte-parole de la police, la jeune femme se serait rendue sur place puis découvert les corps. Elle a affirmé à la police moscovite que la porte était verrouillée de l’intérieur. Dans l’appartement, elle aurait découvert 13 armes différentes. Pour le moment, l’hypothèse privilégiée est celle d’un crime conjugal : « Avaev a tué sa femme et sa fille et s’est suicidé », affirme une source policière citée par l’agence de presse russe TASS.
Les affaires Protosenya et Avaev surviennent presque un mois après un dossier semblable. Le 23 mars, le journal russe Kommersantannonce le décès du milliardaire Vasily Melnikov et de sa famille dans leur appartement de Nizhny Novgorod, sixième ville la plus importante de la Fédération de Russie. Les enquêteurs, cités par le journal, affirment qu’il est mort dans sa salle de bains, une artère tranchée. Sa femme et leurs deux enfants de 4 et 10 ans ont été lardés de coups de couteau.
Le chef de famille était le dirigeant l’entreprise d’équipement médical Medstorm. Pour le média ukrainien Glavred, le suicide de Vasily Melnikov pourrait découler des pertes colossales subies par son entreprise à cause des sanctions occidentales après l’invasion de l’Ukraine, un mois auparavant. Pour les enquêteurs russes cités par Kommersant, l’hypothèse d’un triple meurtre suivi d’un suicide reste privilégiée, notamment au vu de l’absence de lutte et d’effraction dans l’appartement.
TRIO DE SUICIDES DOUTEUX
Trois autres oligarques ont été retrouvés morts depuis le mois de janvier. Le 28 février dans la banlieue ouest de Londres, au Royaume-Uni, le corps de Mikhail Watford, un milliardaire russe ayant fait fortune dans le pétrole et le gaz, est retrouvé pendu dans son garage. Auprès du Guardian, la police évoque un décès « inexpliqué », mais qu’elle ne juge pas « suspect ».
Trois jours plus tôt, le cadavre d’Alexander Tyulyakov, un cadre de Gazprom, est identifié dans une chaumière à proximité de Saint-Pétersbourg, dans le district de Leninsky. Le corps était pendu dans le garage, comme pour Mikhail Watford.
Un des enquêteurs raconte à Novaïa Gazeta, principal journal d’opposition en Russie, avoir « vu un homme dans un nœud coulant, il y avait un morceau de papier sur le sol du garage », permettant d’avancer la thèse d’un suicide. Il ajoute que « la police scientifique était déjà au travail quand » des « gros bras dans trois jeeps sont arrivés. Ils ont dit qu’ils étaient le service de sécurité de Gazprom, ont bouclé la zone, et ils nous ont juste mis, ainsi que la plupart des officiers de police, devant la clôture de la maison ».
Novaïa Gazeta parle d’un « deuxième décès non naturel », en référence à Leonid Shulman, premier oligarque mort depuis début 2022. Ce haut cadre de Gazprom a été retrouvé dans sa salle de bains. Une lettre déposée sur sa baignoire pousse la police sur la piste d’un suicide. Dans le courrier, il se plaignait de fortes douleurs à la jambe. Il se l’était cassée un mois auparavant.
Le journal d’opposition russe remet en cause cette théorie. Dans son article sur la mort des deux oligarques aux alentours de Leninsky, l’auteur indique que « le service de sécurité de Gazprom inspectait le département des transports de sa filiale [ce qui ; N.D.L.R] laisse penser que les véritables raisons du suicide pourraient ne pas être liées à la douleur de la jambe cassée ».