Par rav David Eliezer
Adorez Hachem avec joie, présentez-vous devant Lui avec des chants d’allégresse (Tehikim/Ps. 100,2).
Chaque année, les jours redoutables cèdent la place à la liesse des fêtes de Souccoth. Il n’est plus question de se lamenter sur ses fautes et d’implorer la miséricorde Divine. C’est le moment de se réjouir dans l’étude de la Tora et la pratique des mitsvoth. On célèbre le temps de notre joie, « zeman sim’hatenou », par des repas, des divré Tora, des chants, et même des danses ; tout un programme !
Mais malgré cet aspect ludique et bon enfant, la joie dans le service divine est un réel défi pour beaucoup d’entre nous. Car il ne s’agit pas de s’abandonner à l’ivresse et à la légèreté. Car comme l’écrit le Rambam : « Quand un homme mange, boit, et se réjouit durant la fête, il ne doit pas être attiré par le vin, l’allégresse et la légèreté, en disant : « Quiconque multiplie ces pratiques ajoute dans la joie relative à la fête ». Car trop d’ivresse et d’allégresse et la légèreté ne sont pas considérés comme de la joie, mais comme de la frivolité et de la bêtise. Et nous n’avons pas été astreint à nous laisser aller à la frivolité et à la bêtise, mais à la réjouissance qui relève du service du Créateur de tout, ainsi qu’il est dit : « Parce que tu n’as pas servi Hachem avec joie et un cœur heureux ». Cela nous enseigne que le service de Hachem doit être [accompli] dans la joie. Et il n’est pas possible de servir Hachem avec légèreté, frivolité ou ivresse » (Lois relatives au repos du jour de fête 6, 20-21).
Cela dit, il n’est pas non plus question de s’y soustraire. Ainsi que ce grand auteur l’écrit dans son Michné Tora : « La joie par laquelle l’homme doit se réjouir dans l’accomplissement d’un commandement, l’amour du D’ Qui les a ordonnés, est un grand service. Quiconque se prive de cette joie est digne d’être puni, ainsi qu’il est dit : « Parce que tu n’as pas servi l’Éternel ton D’ avec joie et un cœur réjoui ». Et quiconque se sent fier, se donne de l’honneur, et agit hautainement dans ces occasions [de sorte qu’il refuse d’exprimer cette joie], est un pécheur et un idiot. A ce sujet, le roi Salomon a mis en garde, et dit : « Ne cherches pas la gloire devant le Roi ». Et quiconque s’abaisse et se conduit humblement dans ces occasions, est [véritablement] un grand [homme], digne d’honneur et qui sert [D’] par amour. Et de même, David, le roi d’Israël, dit : « Je me considérais même plus inférieur à cela et j’étais humble à mes yeux ». Et il n’y a pas d’autre grandeur et d’honneur que de se réjouir devant D’, ainsi qu’il est dit : « Le roi David dansait, sautait, et sifflait devant D’ » (Lois du Loulav 8,15).
Alors, comment nous réjouir dans le service divin ? Existe-t-il une recette ou une formule miraculeuse pour la sim’ha chel mitsva ?!
Rav Yaakov Israël Kanievsky, dit le Steipler, était un de ces Tsadikim qui ont auréolé de leur présence notre génération. C’est un authentique érudit qui nous a laissé de très précieux ouvrages parmi lesquels un livre de pensée juive : le ‘Hayé ‘Olam (« Les Vies du Monde »). Le Steipler analyse le sujet de la joie en général, et de la joie dans le service divin en particulier (cf. chap 9, page 17). Il définit la joie comme une satisfaction dont l’intensité est proportionnelle au désir. Une personne se réjouit lorsqu’une personne obtient l’objet de ses désirs. Plus le désir est fort et plus la joie est intense. Ce principe s’applique aussi à une libération ou un sauvetage. Une personne éprouve une énorme satisfaction lorsqu’elle est sauvée d’un danger effroyable. Seulement, le Steipler note que ce principe diffère pour les mitsvoth ainsi que pour les bonnes actions. Nous éprouvons tous une immense satisfaction à faire le bien. Cette joie presque innée ne résulte pourtant pas d’un désir particulier pour la mitsva. Elle ne provient même pas d’une poursuite concrète de la mitsva. Mais nous avons en nous quelque chose de beaucoup plus profond qui vibre à la lumière de la mitsva : notre nechama !
Car l’âme de l’homme est un flambeau divin, qui promène ses lueurs dans les replis du cœur. L’étude de Tora et la pratique des mitsvoth sont les combustibles indispensables au flamboiement de ce luminaire divin.
Tout ceci est bien beau, mais certains argumenteront de la difficulté concrète à éprouver de la joie dans le service divin. Le Rambam ne désigne-t-il pas la sim’ha chel mitsva comme un travail important. D’autre part, rabbi Yehouda Halévi écrit dans son Kouzari : la joie dans les mitsvoth demande de la réflexion et de l’intention (cf. Kouzari Maamar 2,49).
De nouveau notre question, la sim’ha, comment ça marche ? Et de quel travail s’agit-il ?
Selon le Steipler, la sim’ha chel mitsva est un sentiment des plus naturels. La Tora et les misvoth réjouissent l’âme, à l’instar du doux parfum des senteurs de la havdala. L’absence de joie est donc un symptôme signalant le besoin d’ôter les écorces qui obstruent l’âme. Le premier travail est donc de se débarrasser de ses écorces. Quelle que soit l’origine de ces écorces, la prière sincère et l’étude avec entrain possèdent le pouvoir de les éradiquer. On raconte à ce sujet l’anecdote suivante : rav Yitzchak Zeèv Halevi Soloveitchik, le « rav de Brisk », cheminait avec l’un de ses élèves. Sur la route, ils rencontrèrent un enfant qui s’amusait joyeusement. L’élève expliqua alors cette joie innocente par l’acense de soucis. Mais le Brisker Rov rétorqua que D’ a créé un être joyeux. Nous altérons notre joie naturelle avec les bêtises de ce monde. La clé de la joie est donc d’éviter les pollutions d’ici-bas. Et pour cela, il n’y a rien de mieux que la prière sincère et l’étude de la Tora. Tout le reste n’est qu’artifice. Ainsi qu’il est écrit dans les Psaumes : « Réjouissez-vous, ô justes, en Hachem, et rendez hommage à Sa gloire sainte » (97,12).