Les éditorialistes de BFMTV commentent la rencontre historique entre Kim et Trump, à Singapour.
Le sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un, le premier du genre entre un président des Etats-Unis en exercice et un dirigeant nord-coréen, était encore inimaginable il y a quelques semaines. Mais après quelques tergiversations, il a finalement eu lieu. François Durpaire, historien spécialiste des Etats-Unis et Christophe Barbier, éditorialiste politique, livrent leur vision de cette rencontre historique.
> François Durpaire: « C’est la prime à la force »
« Donald Trump a tout a gagné. Lors des élections de ‘midterm’ (mi-mandat, NDLR) qui ont lieu bientôt, il peut dire aux Américains: ‘Regardez, sur le plan économique, vos impôts ont baissé, le chômage est à 3,8% soit le niveau le plus bas depuis l’an 2000, et sur le plan diplomatique, j’ai réussi là où tous les présidents ont échoué.
Donc il a gagné, même si les Américains ne votent pas forcément sur les questions de politique étrangère. 1953, c’est une guerre oubliée, ce n’est pas la plus importante, mais c’est la première guerre d’un type nouveau, une guerre qui n’est jamais totalement gagnée. Il y aura ensuite le Vietnam, l’Afghanistan et l’Irak. C’est une guerre qui a une signification particulière pour les Américains et si lui, Donald Trump, parvient à résoudre ce conflit, il entre directement dans les manuels d’histoire. Dès 1999, alors qu’il n’avait pas encore l’idée d’être président, il avait dit : ‘si un jour, je suis président des Etats-Unis, je commencerai par résoudre ce conflit, le plus ancien avec Cuba’.
La question est: ‘Est-ce que Kim Jong-un peut croire en Donald Trump?’ On n’a pas remarqué dans les déclarations des dernières semaines un quelconque doute sur la parole du président américain. Comme si d’un côté, il y avait l’Iran et de l’autre côté, la Corée du Nord. Pour une raison très simple, c’est qu’il (Kim Jong-un) est beaucoup plus en avance par rapport aux Iraniens. Et le nucléaire coréen est de surcroît souterrain. Les Etats-Unis ne peuvent pas détruire par un bombardement la puissance nucléaire de la Corée du Nord. C’est en quelque sorte la ‘prime à la force’, certains Américains diront ‘la prime au méchant’. Mais c’est ce qui permet d’avoir aujourd’hui cette image de réconciliation ».
> Christophe Barbier: « Il faut que l’Europe réinvente une diplomatie »
« Les Européens peuvent réagir de deux manières face à ce sommet. D’abord, en attendant le contenu du texte (document signé par Kim et Trump, NDLR) pour ne pas réagir à l’image, au choc des photos, à ces drapeaux entremêlés, à ces multiples poignées de main, c’est-à-dire ne pas tomber dans le piège communication tendu par, et Kim, et Trump.
Une fois qu’on aura regardé le contenu pour savoir si on fait vraiment des avancées pour la paix dans cette région du monde, il faudra que l’Europe réinvente une diplomatie. Pour l’instant, c’est la diplomatie du fort au fort ou du fou au fou, c’est-à-dire qu’on se menace d’apocalypse nucléaire et on s’embrasse quelques semaines après ou quelques mois plus tard. Ce n’est pas une bonne manière de gérer les affaires de la planète, parce qu’un jour, il y a un fou un peu plus fou que l’autre qui ne cède pas, qui va jusqu’au bout et qui déclenche la force.
Il ne faudrait pas croire que ce qui a pu marcher entre les Etats-Unis et la Corée du Nord marchera demain entre les Etats-Unis et l’Iran ou entre les Etats-Unis et la Russie. Donc il faut que l’Europe propose un protocole diplomatique qui ne soit pas la diplomatie patiente, raffinée, trop lente, des années passées, mais qui ne soit pas non plus le copier-coller de la diplomatie à la Trump. Et ça, l’Europe ne peut le faire que si elle s’unit et qu’elle propose quelque chose de plus intelligent, même si c’est moins spectaculaire. »