On raconte qu’un jour, rabbi Lévi Yits’hak de Berditchev rencontra un hôte démuni dans la rue, et ce dernier lui confia à quel point il n’avait pas de nourriture, aucun vêtement décent ni logement pour la durée de son séjour dans la ville de Berditchev. Rabbi Lévi Yits’hak lui répondit qu’il était disposé à l’accueillir chez lui et à pourvoir à tous ses besoins pour son séjour, à la condition qu’il réponde favorablement à toute requête du rabbi.
Le pauvre homme accepta de tout cœur, et le rabbi le conduisit chez lui et lui donna de la nourriture et des vêtements avec largesse pendant plusieurs mois.
La veille de Yom Kippour, le rabbi s’adressa au pauvre homme en ces termes : « J’ai une petite requête à te demander, comme nous en avions convenu. Je voudrais que tu te rendes chez le prêtre pour lui demander de te convertir. »
Le Juif était un homme très simple, peu éduqué, et qui pratiquait peu les commandements. Mais en entendant cette requête, il fut très secoué et répliqua immédiatement sur un ton déterminé : « Je ne ferai jamais une telle chose contre le Créateur Qui m’a créé et m’accorde la vie à tout moment. »
Mais rabbi Lévi Yits’hak ne le laissa pas tranquille, et lui demanda de tenir sa promesse d’accomplir tout ce que le rabbi lui prescrirait. Il le tira de force vers la maison du prêtre, mais le Juif résista de toutes ses forces et le combattit vigoureusement, au point qu’il arracha quelques poils de la barbe de rabbi Lévi Yits’hak.
À ce moment-là, le rabbi de Berditchev se réjouit grandement. Il se pressa vers la synagogue, accourut vers l’arche sainte, et tenant les poils, il s’exclama : « Maître de l’univers, regarde ce simple Juif ! Il me doit tout ce qu’il a, et est prêt à faire tout ce que je lui demande jusqu’à un point extrême. Or, en aucun cas n’est-il disposé à trahir sa religion et est prêt à lutter avec moi au point d’arracher des poils de ma barbe. »
Ce récit illustre la profondeur et la pureté de la Emouna (foi) de chaque Juif. Au fond de lui, il sait que D’ lui a accordé la vie, et lorsque se présente à lui un défi dans sa foi en D.ieu’il se rappelle de l’immense gratitude qu’il doit à D’. Mais au jour le jour, la majorité des gens ne pensent pas de cette façon, car le mauvais penchant s’évertue à éradiquer ce principe du cœur humain.
Lorsque je demande à des Juifs de se renforcer dans leur service divin, certains me répondent parfois qu’ils nourrissent du ressentiment pour D’, du fait qu’Il n’exauce pas toutes leurs requêtes, comme celle d’avoir d’autres enfants ou un meilleur gagne-pain par exemple. Cette attitude est comparable à quelqu’un qui a obtenu un beau cadeau, mais qui, au lieu de remercier le donateur, lui en veut de ne pas lui apporter davantage de présents.
Le verset (Eikha 3:39) dit : « Pourquoi donc se plaindrait l’homme sa vie durant ? » Et nos Sages (Kiddouchin 80b) l’interprètent ainsi : pourquoi l’homme se plaindrait-il et nourrirait du ressentiment du fait de ne pas obtenir tout ce qu’il désire, alors que D’ lui fait la grâce que D’ de lui accorder la vie ? Nos Sages (Yalkout Chimoni Tehilim 5709) interprétent le verset (Tehilim 150:6) : « Que tout ce qui respire (Kol Hanechama) loue le Seigneur ! Allélouia ! » Le terme Nechama – âme, se traduit également par Nechima, la respiration. Il convient de remercier Hachem pour chaque inspiration.
Nos Sages déclarent (Berakhot 5a) que l’un des conseils pour contrer le mauvais penchant consiste à se remémorer le jour de la mort, car lorsque D’ ôte la vie à l’homme, ni l’argent, ni aucun remède ne peuvent lui faire échapper à son sort. C’est un rappel brutal que toute vie ne provient que de D’. Et lorsqu’un Juif s’efforce de toujours respecter ce principe, par exemple dans son commerce, cela l’empêche d’entreprendre des actions contre la volonté du Créateur qui lui accorde la vie à chaque instant.
Même lorsque l’homme se souvient du jour de sa mort, le mauvais penchant tentera de l’induire en erreur en lui glissant que pour le moment, il ne doit pas se plier aux Mitsvoth du Créateur, car il lui reste du temps pour accomplir la volonté du Créateur vers la fin de sa vie. Retenons pourtant que la mort advient parfois très subitement, comme l’affirment nos Sages (Chabbath 153) : « Repens-toi aujourd’hui de peur que tu meures demain», et ils nous mettent également en garde (Avoth 2,4) : « Ne dis pas : « Lorsque j’aurai du temps disponible, je me consacrerai à l’étude de la Tora », car demain, tu risques de mourir. »
À ce sujet, rabbi Chelomo de Bobov avait entendu de son père, rabbi Bentsion de Bobov, une anecdote sur son oncle : rabbi Yé’hezkel de Chinava fit un jour une halte dans une ville avant de rentrer chez lui. De nombreux Juifs souhaitant recevoir une bénédiction se pressèrent à son auberge, et en pleine réception du public, le rabbi de Chinava voulut retourner à la gare, l’heure de son train approchant. Les secrétaires du rabbi, désireux de permettre à d’autres Juifs d’apporter des dons, affirmèrent qu’il n’était pas trop tard. Mais le rabbi de Chinava était d’avis qu’il fallait se dépêcher et partir sans tarder de peur de manquer le train. À cette occasion, il voulut enseigner aux personnes présentes l’application de ce concept et il s’écria d’une voix forte : « Pourquoi attendre qu’il soit tard, pourquoi ne pas se repentir lorsqu’il est encore temps ?! Les Écritures disent : « Levez-vous devant une tête blanche » : cela peut signifier qu’avant de prendre de l’âge, il faut se repentir, et ne pas attendre avant qu’il soit trop tard ! » En entendant ces propos émanant du saint rabbi, tous ceux qui l’entendirent furent saisis de consternation et d’effroi et se repentirent.
Cette remarque s’applique particulièrement bien à notre époque où de nombreux hommes sont subitement décédés par décret divin, et tous ceux qui sont restés en vie constatent que la vie leur est accordée comme un cadeau du Ciel, et le repentir ne peut souffrir d’aucun retard.
C’est pourquoi le jour de Yom Kippour, on lit dans la Tora le passage de la mort des deux fils d’Aharon, dont D’ leur ôta la vie en un instant ; c’est un rappel aux êtres humains qu’ils doivent leur vie à D’, susceptible de la leur ôter à tout moment. Ils sont ainsi encouragés à se rapprocher de D’, à prendre de bonnes résolutions pour réaliser Sa volonté de tout cœur, ce qui constitue le cœur de Yom Kippour. Ainsi, ils seront inscrits et scellés à Yom Kippour pour une bonne année.