La maire de Rome, Virginia Raggi, affirme que la capitale italienne est confrontée à une crise de migrants. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’accepter de nouveaux arrivants », a-t-elle expliqué dans une lettre envoyée au ministre italien de l’Intérieur le 15 juin dernier.
« La capacité d’accueil de Rome est au bout du rouleau », a-t-elle expliqué, précisant que les nouveaux arrivants représentent des « coûts sociaux dévastateurs ».
Selon le ministre italien de l’Intérieur, Marco Minniti, le nombre de nouveaux arrivants à Rome est conforme aux quotas convenus. Mais ce n’est pas le point de vue de Raggi, qui il y a seulement six mois, évoquait début décembre lors d’un événement organisé par l’Église catholique romaine, les réponses positives aux réfugiés dans les villes européennes.
Raggi, qui appartient au Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo (M5S), a salué le rôle que des villes comme Rome et Barcelone ont joué dans l’accueil des réfugiés.
Dans une publication sur sa page Facebook, elle écrivait à l’époque : Nous, en tant que maires et nos villes, faisons face aux effets des entrées d’immigration importantes. Il est de notre devoir de garantir la dignité, l’abri et la chaleur humaine aux nouveaux arrivants. Les attitudes négatives et la fermeture offensent notre dignité humaine.
Que s’est-il passé au cours des six derniers mois ?
Il existe deux explications principales pour lesquelles le point de vue de Raggi a changé.
- La première concerne la politique du parti italien.
- La seconde concerne la situation des migrants et des réfugiés en Italie et la façon dont elle a évolué au cours des dernières années.
Positionnement politique
Les commentateurs italiens ont noté que la lettre de Raggi coïncidait avec les mauvaises performances du M5S au premier tour des élections municipales qui se sont déroulées début de juin.
Avant le deuxième tour, le 25 juin prochain, la rhétorique anti-migrante de Raggi a astucieusement détourné l’attention des médias loin du mauvais résultat électoral de son parti.
Sa lettre au ministère est considérée comme faisant partie d’un alignement stratégique du M5S vers une politique de droite plus traditionnelle.
Parmi les autres raisons de ce changement figurent la situation des migrants illégaux au statut juridique instable, expulsés de force des squats, les mesures anti-mendicité plus sévères introduites à Rome, et l’appel de Beppe Grillo pour que les camps de Roms soient fermés.
Avec une élection générale qui se profile en Italie, on parle d’une éventuelle alliance entre la ligue nord-extrême droite et la M5S contre le parti démocratique du Premier ministre Matteo Renzi. Cette hypothèse semble validée par une prétendue réunion secrète au début de juin entre Matteo Salvini, la tête de figure de la Ligue du Nord et Davide Casaleggio, stratège du M5S.
Lorsque Raggi a été élue maire de Rome, elle a été saluée par ses collègues de M5S comme la preuve vivante que le parti anti-establishment de Grillo était prêt à passer de l’opposition au gouvernement au niveau national. Mais l’excitation initiale a rapidement disparu et elle est passée d’une crise politique à l’autre. Grillo et son parti étaient prêts à s’éloigner d’elle, mais l’opportunisme politique est intervenu. Cependant, ses décisions sont maintenant surveillées de près par la machine du parti.
La deuxième explication de la lettre de Raggi est la situation des réfugiés et des migrants à Rome
Bien qu’il soit vrai que les chiffres sont conformes aux plans d’accueil convenus, sur le terrain, la présence de réfugiés et de migrants est devenue très visible au cours de la dernière année, en particulier dans les gares et les espaces publics.
La pauvreté et le nombre de vagabonds augmentent alors que l’Italie a du mal à fournir un soutien à moyen et à long terme pour aider les nouveaux arrivants à s’intégrer dans la société italienne.
Durant les premières années de la crise des migrants méditerranéens, le pays s’est considéré comme le centre de transit pour les réfugiés et les migrants en route vers l’Europe centrale et septentrionale. En 2014, par exemple, alors que 170 000 personnes sont arrivées par voie maritime en Italie, seules 66 000 demandes d’asile ont été déposées. Plus de 100 000 personnes – principalement des Syriens, des Érythréens et des Soudanais – ont voyagé à travers l’Italie en utilisant Milan et Rome comme bases temporaires.
Mais plus les demandes d’asile ont augmenté, plus le taux de rejet a été élevé, et un nombre croissant de personnes se sont retrouvées dans la rue, incapables de quitter l’Italie ou de régulariser leur situation. Evidemment, les autorités italiennes politiquement correctes n’avaient pas la possibilité d’anticiper ce qui allait se produire, ni même d’offrir des solutions. Le fardeau allait une fois encore retomber sur la population – qui n’avait rien demandé.
Ceci a eu un impact sur les attitudes du public à l’égard de la crise des réfugiés, qui sont devenues bien plus négatives ces dernières années au fur et à mesure que les populations civiles étaient confrontées à des réalités que ne voient pas les élites et que les médias nient.
© Christian Larnet pour Dreuz.info.