Le Rif est l’un des premiers auteurs de l’Occident, après les Gueonim, marquant le passage entre les deux périodes. La première a fait suite à la clôture de la Guemara, dirigée par les maîtres de Babylonie, alors qu’avec le Rif, le déplacement des centres de la Tora va se fixer en Afrique du Nord, en Espagne, en France et en Allemagne, et former la période des Richonim– l’Europe Centrale ne connaîtra de véritable développement qu’après l’expulsion des Juifs d’Espagne, quand arrive alors la période des A’haronim.
La grande œuvre du Rif est le Séfer HaHalakhoth, considéré comme le premier ouvrage majeur de littérature halakhique, même si d’autres Maîtres avaient déjà rédigé des ouvrages dans le même but (Cheïltoth de rav Haï Gaon, Halakhoth pessouqoth de rav Yehoudaï Gaon, etc.).
Le codedu Rif consiste en une compilation des conclusions de Halakha du Talmud de Babylone. Il formera l’un des « trois piliers de la Halakha », sur lesquels se basent le Arba’a Tourim, suivi plus tard par le Choul’han’Aroukh.
Il est probable que le Rif soit appelé Alfassicar il est lié à Fès. On le dit être né à Kalat ibn Hamad, un village des environs de cette ville, mais d’autres prétendent qu’il est né en Algérie, en la ville historique de Kalâa des Béni Hammad. Dans tous les cas, il est évident qu’il a vécu à Fès par la suite.
Il reçoit à Kairouan, en Tunisie, les enseignements de rabbi Nissimben Ya’aqov et de rabbénou ‘Hananel ben ‘Houchiel, les plus grandes autorités rabbiniques de l’époque.
Il a tenu une Yechiva à Fès, laquelle attira de nombreux étudiants de tout le Maroc. En 1088, quand il a déjà 75 ans, il est dénoncé par deux délateurs au gouvernement pour un chef d’accusation indéterminé. Il est contraint d’émigrer vers l’Espagne, où il prend la tête de la Yechiva de Lucène en 1089. Il aura parmi ses plus brillants élèves le rav Yehouda Halévi.
Rav Hai Gaon (939-1038)est décédé alors que le Rif avait 25 ans, date qui va marquer cette transition entre l’époque des Gueonim et celle des Richonim, bien que certains le considéraientencore comme un Gaon.
Le Rif retranscrit les conclusions halakhiques du Talmud sans les délibérations qui s’y rapportent, et en exclutla matière aggadique – sauf dans certains cas, quand la Aggada dessert explicitement la Halakha. Dans le Séferhahalakhoth, il extrait toutes les décisions légales contenues dans les traités talmudiques Mo’èd, Nachim et Neziqin ainsi que Berakhoth et ‘Houlin. Il peut prendre des chapitres spécifiques apparaissant dans un traité donné, et les déplacer ailleurs : c’est le cas par exemple des lois concernant le ‘Omer, abordées dans Mena’hoth, sur lequel le Rif n’écrira pas puisque ce traité est presque entièrement consacré à des questions de sacrifices, mais il placera ces lois à la fin de Pessa’him.
Le Rambam, qui tentera lui aussi de conclure la loi juive à la suite des discussions de la Guemara, englobera en revanche l’ensemble des domaines, y compris ceux qui n’ont pas cours de nos jours.
Le Rambam écrit à son égard (introduction à la Michna) : « Les conclusions apportées par notre grand maître rabbi Yits’haq remplacent toutes les autres [celles des Gueonim qui l’ont précédé], parce qu’elles comprennent toutes les lois et toutes les conduites dont nous avons besoin aujourd’hui, et il a tiré au clair toutes les erreurs de ses prédécesseurs. Il ne nous est resté qu’une dizaine d’endroits, tout au plus, sur lesquels il faut encore réfléchir. » Quand on connaît la rigueur du Rambam, on comprend qu’une telle définition est très précieuse.
Le « Rif », qui apparaît dans toute édition du Talmud qui se respecte, a eu droit aux commentaires suivis de plusieurs grands auteurs : rav Nissim de Gérone (le Ran – 1315 ou 1320 – 1376), ou pour sept autres traités, un disciple du Ran, rav Yossef ‘Haviva, l’auteur du Nimouqé Yossef (il a vécu en Espagne au 15e siècle, mais on ne sait pas grand-chose sur lui), ou encore les « talmidérabbénou Yona » sur Berakhoth (rabbénou Yona de Gérone a vécu lui-même entre 1210 et 1263).
D’autres commentateurs apparaissent autour du Rif dans quelques traités : le rav Zar’hia Halévy (dans son Séfer haMaor – c’est un auteur de Provence qui a vécu en Espagne au 12e s. – les familles polonaises Epstein et Horowitz seraient affiliées à ce maître) ; après et contre ce premier maître, le Raavad (dit le troisième de ce nom, rav de Posquières, auquel nous sommes également redevables des gloses sur le Rambam, 1120 – 1198) ; puis le Ramban(1194 – 1270) a rédigé des répartiescontre ces deux auteurs dans le but de rétablir la position du Rif, sous le titre de SéferMilkhamothHachem contre le premier, et SéferhaZekhouth contre le second. Les attaques tant du Ramban que du Raavadcontre le Reza peuvent être particulièrement virulentes.
Ceux-ci sont les plus connus. Il y a en d’autres, dont rabbi Yonathan hacohen de Lunel, rabbi Yits’haq ben Aba Mari de Marseille, rabbi Yehouda Barzilaï ou rav Mechoulam, l’auteur du Séfer haHachelama.
Le Rifa également laissé d’importantes techouvoth (plus de 300 responsa).
Il a eu de nombreux élèves, dont le plus important a été le rav Yossef Ibn Migach, qu’il a nommé à la tête de sa Yechiva au détriment de son propre fils, qui en était pourtant également capable, jugeant son disciple comme le dépassant aisément.