Par Albert NACCACHE – Temps et Contre temps
L’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan, a organisé une «réunion de famille» en l’honneur de la communauté juive libanaise résidant en France, au siège de l’ambassade, rue Copernic, à Paris. La reconstruction et la réouverture de la synagogue juive Maghen Abraham à Wadi Bou Jamil, dans le centre de Beyrouth (notre photo), en 2014, a été acceptée par tous les partis libanais, y compris par le Hezbollah.
L’invitation
L’invitation envoyée par l’ambassade aux Juifs libanais souligne l’importance de la communauté juive libanaise pour un pays «attaché à la promotion de son modèle inclusif» et dont «l’avenir ne dépend que de nos capacités à rester solidaires, et de notre volonté de rester ouvert sur le monde et ses richesses». L’ambassade a ajouté qu’elle organisait la «réunion de famille» en l’honneur de la communauté juive, «avec la détermination à retrouver ces racines qui nous sont communes et cette aspiration à un monde en paix qui reste notre raison d’être». Malgré le caractère unique de cet événement, il s’inscrit dans le cadre de la logique constitutionnelle libanaise, la communauté juive étant officiellement reconnue au Liban
Les Juifs ont résidé au Liban pendant des siècles. Le Liban est le seul pays arabe dont la population juive avait augmenté après la création d’Israël en 1948, pour atteindre environ 10.000 personnes. Mais la population a rapidement diminué par la suite, ne comptant plus que quelques centaines de personnes dans les années 1970 après la guerre des Six-Jours de 1967 et la guerre civile libanaise qui a commencé en 1975 dans un contexte d’antisémitisme croissant, pour se réduire à quelques dizaines de personnes. Il ne reste que 29 personnes sur les quatre mille inscrites sur les listes électorales. Ceux qui restent dans le pays vivent dans la clandestinité, priant en secret, malgré la restauration de la synagogue Maghen Abraham
Comme de nombreux expatriés libanais, les Juifs libanais occupent des emplois importants en France, et leur intérêt pour le Liban s’est accru ces derniers temps, notamment après l’explosion du port criminel de Beyrouth. Ces Juifs libanais qui ont gardé la nostalgie pour la «terre d’enfance ou du sanctuaire des pères et des grands-pères» ont peu de contacts avec le Liban officiel. L’ambassadeur Adwan, qui en rencontrait certains individuellement, a voulu effacer le sentiment négatif des Juifs libanais à l’égard du Liban officiel et son initiative a été bien accueillie par l’ensemble de la communauté libanaise en France.
La réunion de famille-1
Lors de la réunion du 1er novembre à l’ambassade, l’ambassadeur a déclaré que le pays était en danger et que les citoyens de toutes les religions devaient s’unir pour le sauver. 50 personnes ont participé à la réunion de famille destinée à resserrer les liens avec les Juifs qui ont quitté le Liban et leurs descendants. L’ambassadeur du Liban en France a demandé aux Juifs français d’origine libanaise, leur soutien dans le contexte de l’effondrement économique de son pays. Selon le quotidien libanais An-Nahar, le grand rabbin de France Haïm Korsia a également participé à l’événement.
Une photo de l’événement montrait une foule de personnes de tous âges debout dans l’escalier de l’ambassade, ainsi que l’ambassadeur du Liban et le grand rabbin Korsia. Quatre générations de Juifs libanais qui ont quitté le pays par vagues successives étaient présentes à l’événement organisé lundi soir à l’ambassade du Liban à Paris, qui a servi de la nourriture cacher. Une femme de 70 ans, qui a quitté le Liban il y a 30 ans, a demandé à l’ambassadeur libanais Rami Adwan «Pourquoi maintenant ?». Il répondit «L’État libanais a parfois manqué à ses devoirs. Cet État est actuellement en danger, et tous ses citoyens appartenant à différentes communautés doivent s’unir pour le sauver».
«C’est un événement spécial pour moi», a déclaré à An-Nahar Nagi Gergi Zeidan, l’auteur du livre «Juifs du Liban». «Ce que l’ambassadeur Adwan a fait, tous les responsables libanais n’ont pas réussi à le faire». Les autres personnes présentes étaient des Juifs libanais, dont certains retournent au Liban régulièrement, ainsi que d’autres qui n’y sont pas retournés depuis des décennies. Tous les participants ont déclaré qu’ils avaient apprécié le geste
Des citoyens libanais vivant en France ont déclaré à An-Nahar qu’ils étaient réconfortés par l’initiative d’Adwan, car ils craignaient d’avoir des contacts personnels ou professionnels avec la communauté juive pour cause de «malveillance politique». De nombreux utilisateurs de médias sociaux ont exprimé leur soutien à l’événement et l’ont vu comme un signe d’espoir, d’autres ont également exprimé leur opposition, craignant qu’un tel événement pourrait être un prélude à la normalisation avec Israël ou au contraire simplement une tentative de donner une meilleure image du Liban aux puissances occidentales.
An-Nahar avait souligné avant cet évènement, qu’«un pays qui se présente au monde comme un « modèle de coexistence» ne peut rester silencieux sur le sentiment d’ «ostracisme» d’un groupe de ses citoyens, tandis qu’Israël, qui est vu comme l’État des Juifs raciste, héberge pourtant trois mille Libanais qui y ont trouvé refuge après le retrait du sud du Liban, il y a vingt et un ans. Ces Libanais déclarent y être les plus heureux du monde en Israël, avec le seul regret de ne pouvoir revoir leur patrie, ce que leur interdit le Liban officiel.
Des Juifs de Brooklyn se sont rendus à Damas avec le feu vert du régime syrien
Un groupe de 12 Juifs de Brooklyn s’est récemment rendu à Damas, la capitale syrienne, avec le soutien du régime d’Assad, selon la chaîne publique israélienne Kan. Ces 12 Juifs New-Yorkais nés en Syrie ont quitté le pays il y a plusieurs décennies et souhaitaient visiter le lieu de leurs racines. Une visite qui interpelle sur les intentions du gouvernement syrien concernant ses anciens citoyens. Assad cherchant à améliorer son image dans le monde en courtisant les Juifs syriens.
Les résidents locaux les ont accueillis et leur souhaité la bienvenue : «Vous êtes dans votre pays, pourquoi ne revenez-vous pas ? Voyez ce qui est arrivé à notre pays, revenez s’il vous plaît». Au cours des derniers mois, un nombre important de Juifs de l’ancienne communauté juive se sont rendus en Syrie. Les responsables du gouvernement local ont encouragé de telles visites et ont promis de protéger les touristes juifs pendant leur séjour en Syrie.
Les responsables de la communauté juive ont estimé que le régime d’Assad souhaitait rétablir des liens avec les Juifs syriens afin d’améliorer sa mauvaise image dans le monde. D’après les conversations avec des responsables de la communauté juive syrienne, il est révélé qu’il y a trois ans, une invitation du régime de Damas a été déjà envoyée aux Juifs syriens pour visiter la Syrie. La propriété et les bâtiments des Juifs de Damas sont maintenant entre les mains du gouvernement syrien, avec une famille en charge de ces biens.
Parmi eux se trouve la synagogue juive Eliahou Hanabi, à Jubar, dans l’ancien quartier juif de Damas. Selon la tradition, la synagogue a été construite au sommet d’une grotte dans laquelle Élie le prophète s’était caché. La salle de prière était également le site de l’onction d’Élisée par le prophète Elie. Le magnifique et ancien bâtiment de la synagogue a été en grande partie détruit après la guerre. Après la reprise du quartier par Bachar el-Assad, il est question de rénover la synagogue et, selon des sources de la communauté juive syrienne, une collecte de fonds est organisée pour reconstruire la synagogue et rénover l’ancien cimetière juif de Damas qui est une source précieuse d’informations pour les chercheurs sur l’histoire de la communauté juive en Syrie.