Restez en éveil

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Réflexion sur la paracha de la semaine par le rav Mordekhai Bismuth:

Après avoir compté durant cinquante jours l’échéance du don de la Tora et s’être sanctifié les trois jours précédant ce grand événement (Chemoth 19,15), Moché appela les enfants d’Israël pour qu’ils viennent recevoir la Tora et il les trouva endormis, à ce qu’en dit le Midrach ! C’est presque impensable. Pourtant, dire qu’ils ignoraient alors la valeur de la Tora semble problématique en regard de tous les préparatifs qu’ils firent à l’approche de son don.

Le Maguen Avraham (Ora’h ‘Haïm 494), rapporte au nom du Zohar, que les hommes pieux des anciennes générations avaient l’habitude de rester éveillés toute la nuit de Chavou’oth, qu’ils se consacraient à l’étude, afin de réparer ce manquement de leurs ancêtres en cette nuit historique.

Comment alors comprendre, leur comportement d’aller paisiblement dormir la nuit précédant le don de la Tora, au lieu de déborder d’excitation et d’émotion ? Que venons-nous réparer en restant éveiller toute la nuit de Chavou’oth ?

Dans la Tora, il est écrit « Hachem-Elokim forma l’homme, poussière du sol, Il insuffla dans ses narines un souffle de vie, l’homme fut âme vivante » (Beréchit 2,7).

Rachi explique que l’homme est formé d’éléments provenant de la terre et d’éléments provenant d’en haut : le corps d’en bas et l’âme d’en haut. Rachi ajoute que les animaux et les bêtes sauvages sont également appelés « âmes vivantes ». Mais l’âme de l’homme est la plus vivante de toutes, car il s’y ajoute la connaissance et la parole. Nous apprenons de là que chaque être vivant est composé de deux éléments : le « Gouf », le corps, et le «Néfech », l’âme. L’âme que l’on nomme couramment la Nechama est en fait composée de cinq parties, qui sont Néfech, Roua’h, Nechama, ‘Haya. et Ye’hida. Chaque partie d’âme correspond à une lettre du Tétragramme « י־ה־ו־ה » et la Ye’hida correspond à la pointe du Youd (Kots).

La nuit lorsque l’on dort, ce sont le Roua’h, la Nechama et la ‘Haya qui montent vers la Trône Céleste pour être renouvelées et rendues le matin. La Ye’hida qui est très élevée nous sera réservée lors de la venue du Machia’h qui est imminente. La partie Néfech restera en nous, c’est elle qui fait fonctionner le corps, elle est la partie de l’âme que tout être vivant possède.

Conscient de ce phénomène, les Bené Israël ont choisis pour optimiser au mieux le don de la Tora de la recevoir directement dans les cieux via le Roua’h, Nechama et ‘Haya et pour cela de se reposer. Ils ont comprit qu’il serait mieux d’envoyer la Nechama qui est divine comme réceptacle pour recevoir la Tora qui est elle aussi d’essence divine.

Nous voyons donc que les intentions du sommeil des Bené Israël étaient pures et réfléchies.

Plusieurs questions nous interpellent : 1) Pourquoi Hachem les a-t-il réveillé en faisant gronder les tonnerres et le son du chofar ? 2) Pourquoi leur renversa-t-Il au-dessus d’eux la montagne comme une barrique et dit : « Il vaut mieux que vous acceptiez la Tora, sinon là-bas sera votre sépulture », et où est-ce, ce « là-bas » ?

Dans de nombreuses religions, être religieux, orthodoxe, c’est se séparer de la matière, se séparer de son corps. Chez les goyim, un homme pieux c’est être une personne qui s’est totalement détachée de toute matière. Ils ne se marient pas, ne boivent pas, n’ont pas d’enfants, ils vivent isolés… et ces gens là représentent l’élite de leur religion. Mais un tel comportement est un affront et une insulte envers D’ ! Ce serait remettre en question Sa création, Lui dire, que le corps que Tu as donné « n’est pas parfait» [que D’ en préserve!]. Il est répugnant, et il est inadapté avec l’âme de haut niveau que Tu nous as insufflée. On ne veut pas de Ton corps !

Cependant le but d’un Juif sera à travers sa vie d’élever son corps, de le mettre en osmose avec sa Nechama, de faire monter le corps au niveau de l’âme pour qu’ils fassent qu’UN ! Et pas le contraire, ‘hass vé-chalom ! Celui dont le corps prendrait trop de place, c’est la Nechama qui partirait….

Le goy, incapable de relever ce défi, préfère, soit se séparer complètement de son corps, soit s’enfoncer dans une matérialité la plus totale. Et c’est ce qu’Hachem a reproché au Bené Israël, la Tora doit s’acquérir avec le corps, et avec des efforts et non juste au niveau de la Nechama.

Très souvent, on définit la Tora comme un joug, un mode de vie difficile et insurmontable : ne mange pas ceci, fais cela, ne va pas là-bas, tiens-toi comme cela… Mais il faut savoir que de toutes les façons, dans la vie, chacun devra choisir un joug. Certains choisiront celui de la mode, d’autres de l’automobile, de la diététique et du bio, ou encore des voyages. Certaines personnes plus exigeantes en choisiront plusieurs, voire tous. En effet, ces modes de vie demandent aussi un grand engagement physique et financier. Aussi le regard des autres est impitoyable car il faut constamment se montrer à la page…

Prenons l’exemple de la cacherouth. On peut parfois penser qu’il est très difficile de manger strictement cachère, de faire attention aux moindres détails tels que la vérification des insectes, les prélèvements de la dîme en Israël, le mélange de lait et de viande. Certes, on ne peut pas tout manger, là où on veut et quand on veut.

Par contre, tout le monde sait qu’une personne au régime réfléchit avant la consommation de chaque aliment. Elle compte chaque calorie, se montre capable d’attendre six heures entre deux repas, s’abstient de manger les plats les plus exquis offerts à une grande réception et se pèse trois fois par jour. Elle craint, ‘hass vechalom, de prendre un gramme de trop. Elle fait preuve d’une volonté extraordinaire pour surmonter ses instincts et ses envies dans le but de réduire son poids et d’amincir sa silhouette.

Si un homme est capable de cela, il pourra le faire aussi pour la Tora. Il lui suffit juste d’orienter sa volonté dans la bonne direction. De cette façon, notre Nechama acquerra la plus belle des silhouettes.

Répondons à la question pourquoi Hachem leur renversa au-dessus d’eux la montagne comme une barrique et leur dit : « Il vaut mieux que vous acceptiez la Tora, sinon là-bas sera votre sépulture ».

Hachem, comme tout père souhaite notre bien, à tel point qui nous a contraint au bonheur. Et ce « là-bas » ce sont tous ces différents jougs que l’homme peut prendre, pour éviter celui de la Tora, car n’oublions ce que nos sages nous enseignent (Avoth 6,2) : «Car il n’y a d’homme réellement libre que celui qui s’adonne à l’étude de la Tora».

La Guemara (Nida 30b) enseigne que durant les 9 mois de gestation, l’embryon apprend toute la Tora. Lorsque l’heure de naître arrive, un ange le frappe sur la lèvre et lui fait oublier ce qu’il a appris. Mais pourquoi le faire taire ?

Rech Lakich affirme (Chabbath 83b) : « Les paroles de la Tora ne subsistent que chez celui qui est prêt à mourir pour elle, puisqu’il est dit (Bamidbar 19 ; 14) :  »Voici la loi de l’homme qui meurt dans la tente. » »

Il est évident qu’il ne s’agit pas de mourir pour étudier la Tora puisqu’un homme mort ne peut plus étudier ! De plus, nous savons que sauver une vie humaine est plus importante que l’étude !

Reich Lakich vient donc nous enseigner qu’il existe beaucoup de choses auxquelles l’homme accorde une grande importance : avoir un certain métier, s’enrichir, etc., et il sent qui lui est presque aussi difficile d’y renoncer que de mourir. C’est à ce genre d’aspirations qu’il faut être prêt à renoncer pour étudier, et acquérir une connaissance profonde de la Tora.

Ce genre de dilemme peut aussi s’appliquer à des sujets de moindre importance : lorsqu’on a le choix entre l’étude proprement dite et la discussion d’un thème intéressant, et qu’il est difficile de renoncer à la discussion, c’est une grande Mitsva de lutter de toutes ses forces contre son désir. Quiconque agit en ce sens pourra apprécier pleinement l’étude de la Tora dans toute sa splendeur, et en mériter la couronne.

Hachem notre Créateur dans son infime bonté nous a crée d’un corps et d’une âme qui sont indissociables l’un de l’autre.

Jouir d’un bon repas, boire du vin, se marier, procréer, …actions qui ne paraissent en premier lieu que matériels font partis de grandes Mitsvot données par Hachem. Cependant elles doivent être réalisés avec spiritualité, avec notre Nקchama, selon les règles de la Tora. Seulement faut-il se faire « violence » et prendre le temps de les étudier pour vivre pleinement et réussir à assouvir corps et âme dans un même temps.

Un Juif doit toujours être en « éveil », prêt à réaliser la volonté divine. Il se pose constamment des questions : « C’est l’heure ? C’est permis ? De quelle façon ?… » Ces questions nous tiennent en vie et nous permette de maîtriser nos actions.

La veillée de Chavou’oth est en soi un tikoun/réparation car elle est l’initiation à ce combat du désir du corps et celui de la Nechama.

Nous allons nous battre avec le sommeil et rester éveillés toute la nuit pour étudier, et devenir un réceptacle pour le don de la Tora.

Bonne Kabalat Hatora et ‘Hag Saméa’h

Chabbath Chalom !

Rav Mordekhai Bismuth

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