Réponse à Guillaume Gendron, ex-correspondant de Libération en Israël

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Interviewé par l’Institut de recherches et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), Guillaume Gendron accuse InfoEquitable de mener des cabales contre les journalistes et de les harceler.

Cher Guillaume Gendron,

Après trois ans passés en Israël comme correspondant permanent du journal Libération, vous avez raconté votre expérience dans une vidéo diffusée par l’Institut de recherches et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO).

Animé d’un souci louable d’exposer la complexité des situations auxquelles vous avez été confronté durant votre séjour, vous avez néanmoins affiché sans ambiguïté des analyses très critiques vis-à-vis du gouvernement et de la société israélienne, ce qui est votre droit le plus incontestable.

Libre à vous de considérer que « l’influence des Etats-Unis est telle que par moment (vous aviez) l’impression d’être dans le 51e Etat » et que «  C’était Trump qui faisait la politique étrangère et la politique intérieure ». Personne ne vous conteste le droit de qualifier « le degré d’ingérence des Américains dans les affaires israéliennes » de « démentiel » et d’« absolument fou », même si cette analyse n’engage que vous.

Il est vrai que vous confessez que vous aviez une certaine ignorance des réalités de la « géopolitique du Proche-Orient » avant d’être nommé en Israël.

Vous avez l’honnêteté de préciser que vous n’étiez titulaire que d’un master de civilisation américaine. Ce parcours universitaire (tout à fait honorable au demeurant) a-t-il opéré comme des lunettes un peu déformantes lorsque vous avez débarqué en Terre sainte ?

« Je me suis formé très rapidementsix mois avant que j’arrive, j’ai commencé à lire des bouquins et à ingurgiter le savoir, un peu de manière empirique », précisez-vous.

Cette formation à la hâte est-elle la cause de certaines approximations que nous avons parfois relevées dans vos reportages ? Nous nous permettons de formuler à nouveau la question.

Le fait est que vous ne semblez ne pas avoir apprécié nos observations passées.

Au premier rang des tracasseries qui émaillent la vie du correspondant d’un journal français en Israël, vous évoquez les critiques de vos articles que vous avez subies sur certains sites.

Vous déclarez notamment :

« Il y a une façon très organisée de gérer l’outrage. Il y a des gens qui font ça toute la journée. On les connait, sur les réseaux Twitter… Et qui ont leurs sites comme InfoEquitable, qui fonctionne sur le même système que l’extrême-droite classique avec ce qu’ils appellent la réinformation. Ils ne disent pas en gros que c’est de l’opinion. Ils disent on va vous expliquer les vrais faits parce que le journaliste est un menteur ».

Tout d’abord, merci de citer InfoEquitable.

Après des années de travail, nous sommes sensibles à cette reconnaissance.

Ensuite, qu’il nous soit permis de réfuter le qualificatif « d’extrême-droite ». La ficelle est quand-même un peu grosse (et usée).

InfoEquitable effectue simplement un travail de vérification, de fact-checking comme on dit aujourd’hui, sur la couverture du conflit israélo-palestinien.

Nous estimons que ce travail est nécessaire et légitime, car la désinformation anti-israélienne, la diabolisation de l’Etat juif n’ont pas été sans conséquence sur la montée de l’antisémitisme en France et dans le monde.

Bien sûr, on a le droit de critiquer la politique des dirigeants israéliens. Mais à quel titre serait-il interdit de se livrer à une contre-critique de cette mise en cause ?

Pour quelle raison obscure l’actualité concernant Israël ne serait-elle pas gouvernée par les règles qui constituent les bases du journalisme, dont la première est l’exactitude des faits ?

Une longue expérience au sein des salles des rédactions nous a amené à considérer que les journalistes français sont parfois un peu trop perméables à la propagande mensongère diffusée par certaines sources palestiniennes.

Contrairement à ce que vous avancez, nous n’accusons pas les journalistes d’être des « menteurs ».

Peut-être sont-ils parfois juste un peu trop naïfs, manquent-ils de rigueur, de prudence ou sont-ils, à l’insu de leur plein gré, sous influence ?

Peut-être ont-ils mal « ingurgité » les livres et la documentation qui leur ont été conseillés par des esprits pas toujours bien inspirés ?

Vous nous accusez aussi de mener des « cabales », de « harceler » les journalistes et de susciter des messages « insultants » à leur encontre.

Désolés, nous ne pratiquons pas ce genre de techniques. Nous nous efforçons juste de pointer du doigt ce qui ne va pas dans certains articles, et d’obtenir – parfois – un rectificatif.

Vous êtes bien placé pour le savoir.

Vous avez quand même commis quelques jolies bourdes durant vos trois années de correspondance israélo-palestinienne que nous nous sommes permis de relever.

Une fausse citation d’un « colon » juif

En août 2019, nous avons ainsi obtenu de votre rédacteur en chef qu’il rectifie une grossière erreur que vous aviez commise à l’occasion d’un reportage très à charge contre les « colons » israéliens.

Pour mieux accuser – à tort – les « colons » de Cisjordanie de confisquer l’eau des Palestiniens, vous aviez gravement dénaturé la citation d’un responsable juif de Judée-Samarie que vous ne vous étiez même pas donné la peine de rencontrer, vous contentant simplement de reprendre une phrase pompée sur un site israélien avant de la traduire de manière erronée.

Demander un rectificatif et l’obtenir auprès de votre rédaction, est-ce du harcèlement, est-ce de l’insulte ? Est-ce que cela relève de la « cabale » ?

Un article qui stigmatise la « culture du viol » des Israéliens

D’après l’enquête fouillée d’InfoEquitable, vous vous étiez contenté de (mal) recopier vos infos dans l’édition anglaise du Haaretz (puisque vous ne parlez pas un mot d’hébreu).

Aucune couche de la société israélienne n’avait trouvé grâce à vos yeux.

Dans votre chronique, Guillaume Gendron, vous aviez accablé les familles des adolescents, mais vous aviez aussi dénoncé « l’hypocrisie des rabbins » coupables de leur avoir porté du « houmous cacher » lorsqu’ils étaient en détention à Chypre. Sans vous donner la peine de vous rendre sur place, vous aviez décrit une  foule « en liesse »  totalement imaginaire – à laquelle vous reprochiez d’être venue accueillir à l’aéroport Ben Gourion les adolescents libérés des prisons chypriotes.

Se livrer à une critique argumentée – comme l’a fait InfoEquitable – de  votre article,  est-ce du harcèlement, de la cabale, de l’insulte ?

Meyer Habib, chef d’orchestre de la cabale ?

Peu disert sur vos propres erreurs, vous prenez en revanche la défense de vos confrères de France Inter que nous aurions injustement mis en cause.

Dans votre interview à l’iReMMo, vous indiquez :

« Dans ces campagnes, qui sont de vraies campagnes orchestrées, il ne faut pas oublier Meyer Habib qui est vraiment la plaque tournante de tous ces trucs. Parce que la dernière remontrance du CSA à France Inter, elle est vraiment une réponse à Meyer Habib qui a fait une campagne monstrueuse autour de cette histoire ».

Dans cette dernière remarque, vous faites référence à un reportage de France Inter qui, au mois de mai 2020, avait accusé sans le moindre fondement les Israéliens d’avoir détruit des installations sanitaires palestiniennes destinées à lutter contre le Covid-19.

Ce dérapage, révélé par InfoEquitable, avait conduit le député Meyer Habib à saisir le plus légalement du monde, le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le CSA avait tancé France Inter pour la diffusion à l’antenne de ce qui constituait bien une « fake news » anti-israélienne.

Au lieu de prendre acte de la démarche militante de France Inter, sanctionnée par le CSA, vous préférez verser dans une forme douce de complotisme en stigmatisant l’action du député Meyer Habib (qualifié pour la circonstance de « plaque tournante »).

Quand Libé trafiquait la légende d’une photo

A  votre décharge, Guillaume Gendron, il faut reconnaître que vous travaillez dans un journal très anti-israélien qui calomnie fréquemment Israël, au besoin en prenant de grandes libertés avec la déontologie journalistique.

En janvier 2019 nous avions ainsi épinglé Libé pour cet incroyable caviardage d’une légende photo.

Par un jeu d’insinuations malhonnêtes et d’imprécisionsLibération avait suggéré à ses lecteurs qu’une statue en or de Benyamin Netanyahou avait été installée sur une place de Tel Aviv pour glorifier le Premier ministre israélien, à l’instar de ce qui se pratique dans certaines dictatures.

L’installation était en réalité due à un artiste contestataire israélien qui avait planté son œuvre devant la mairie de Tel Aviv pour tourner en dérision Benyamin Netanyahou.

Un cadrage photos malhonnête

En décembre 2017, InfoEquitable s’était également interrogé sur le cadrage de cette photo à la une de Libé.

La comparaison avec le cliché original, que nous avions retrouvé, avait permis de dévoiler le pot-aux-roses.

Le cadrage de la photo et le titre l’accompagnant visait à faire croire à une tension extrême à Jérusalem, en mettant en scène sur l’agressivité d’une soldate face à un vieillard palestinien.

La photo en plan plus large permettait de se rendre compte de l’absence totale de tension au moment de la prise du cliché.

Un photographe d’agence avait fort opportunément saisi l’instant où le vieil homme avait posé son bras sur une policière impassible.

Voilà, nous pourrions, cher Guillaume Gendron, vous donner encore d’autres exemples qui éclairent notre volonté d’intervenir dans le champ médiatique lorsqu’il est question de désinformation anti-israélienne.

Soyez assurés pour l’avenir que nous ne pratiquons ni l’insulte, ni l’intimidation et que nous demeurons comme toujours ouverts au débat contradictoire.

Mais nous ferons entendre notre voix et continuerons à débusquer les fake news et la propagande anti-israélienne qui polluent depuis trop longtemps la presse française.

A (re)lire aussi, notre Lettre ouverte à Piotr Smolar, ancien correspondant du Monde en Is

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