Hommage refusé à Vendôme
Quand l’hommage aux Justes devient tabou
À Vendôme, dans le Loir-et-Cher, une cérémonie prévue pour honorer Jean et Jeanne Philippeau, reconnus « Justes parmi les nations » pour avoir sauvé une famille juive en 1942, a été brutalement annulée. Ces Vendômois avaient caché chez eux une famille persécutée pendant l’Occupation. L’un des enfants sauvés, Arlette Testyler-Reimann, aujourd’hui âgée de 92 ans, souhaitait leur rendre un hommage solennel. Mais la mairie, initialement impliquée dans l’organisation, a décidé de faire marche arrière à la dernière minute.
Un contexte jugé « trop sensible »
La décision municipale a été motivée officiellement par deux raisons. D’abord, la proximité des élections locales, qui selon la mairie risquait de détourner l’attention des citoyens de la portée mémorielle de l’événement. Ensuite, les tensions internationales liées à la guerre entre Israël et le Hamas, qui seraient, selon le conseil municipal, susceptibles de réveiller des « sensibilités communautaires ».
Derrière cette formulation prudente se cache une réalité moins avouée : la crainte d’un trouble à l’ordre public si la cérémonie était maintenue, dans une ville où certaines communautés pourraient être hostiles à un événement associé à l’État d’Israël. Car en tant que distinction décernée par Yad Vashem, la médaille des Justes parmi les nations implique la présence du drapeau israélien — un symbole que certains élus ont jugé trop chargé, voire provocateur dans le contexte actuel.
La mémoire sacrifiée au calme apparent
Cette justification a provoqué un profond malaise, notamment chez Mme Testyler-Reimann, qui avait prévu une cérémonie laïque pour célébrer l’humanité des époux Philippeau. Rescapée de la Shoah et présidente de l’Union des déportés juifs de France, elle voyait dans cet hommage un geste de reconnaissance et un rappel du courage ordinaire face à la barbarie. Elle s’est dite profondément blessée par l’annulation, qu’elle considère comme un signe des temps : une époque où même honorer ceux qui ont tendu la main aux persécutés devient un enjeu politique.
De fait, les explications embarrassées fournies par la mairie — notamment la cohabitation symbolique des drapeaux français et israélien lors de la cérémonie — ont renforcé l’idée d’un renoncement davantage dicté par la peur que par le bon sens. Le poids électoral supposé de certaines communautés, notamment d’origine turque selon des sources citées par Le Point, aurait également influé sur cette décision.
Une solution de compromis en demi-teinte
Face à l’indignation, Mme Testyler-Reimann a décidé de ne pas se résigner. Elle a sollicité l’intervention de François Bayrou. Celui-ci a proposé une alternative : organiser la cérémonie à la sous-préfecture du Loir-et-Cher, également située à Vendôme. Un lieu certes plus neutre que la mairie, mais dont la portée symbolique reste moindre. Pour sauver les apparences, la municipalité s’engage à financer le vin d’honneur. Un geste protocolaire, qui laisse toutefois un goût amer.
Ce compromis, présenté comme un dénouement acceptable, illustre la difficulté croissante à faire vivre la mémoire de la Shoah dans un climat où les tensions géopolitiques extérieures viennent brouiller les lignes du devoir de mémoire. En 1941, le père d’Arlette Testyler-Reimann, convoqué parce que juif, déclarait : « Je me suis battu pour la France de Voltaire, de Diderot, de Zola. » En 2025, il semble que ces valeurs aient perdu leur éclat dans certaines mairies.
Jforum.fr – Illustration : chateau de Vendôme
La France est toujours prête à coucher ou à se coucher.
C’est une question de mœurs ou de mentalité ou bien les 2 à la fois, il n’y a rien de nouveau.