par Giulio Meotti
- « Les Européens pensent qu’il est facile à l’Australie de contrôler ses frontières, mais c’est l’excuse qu’ils se donnent pour justifier leur inaction » – Jim Molan, général de division (à la retraite) et concepteur de la politique d’asile australienne.
- « Des centaines, voire des milliers d’Africains se noient en tentant d’arriver en Europe … [La] seule façon d’arrêter les morts est en fait d’arrêter les bateaux ». – L’ancien Premier ministre australien Tony Abbott.
- « Ma longue expérience de la politique en Australie m’a appris que chaque fois qu’un gouvernement place l’immigration sous contrôle, il a l’opinion publique contre lui. Quand il se montre laxiste, c’est l’hostilité à l’immigration qui augmente. » – L’ancien Premier ministre australien John Howard.
- Il est épouvantable de vivre dans un pays où la gouvernance laisse (au mieux) à désirer et ou les opportunités économiques sont réduites. Les migrants qui partent à la recherche d’une vie meilleure savent qu’ils risquent leur vie. Mais si l’Occident ne veut pas être débordé, il doit prendre en main ces problèmes.
Il y a quatre ans, le gouvernement australien s’est attiré un déluge de critiques pour avoir conçu et diffusé une publicité qui visait à décourager les demandeurs d’asile illégau. « No Way » (« Pas Question ») pouvait-on lire sur l’affiche. « Vous ne ferez pas votre vie en Australie ! Si vous embarquez pour l’Australie sans visa, vous n’aborderez jamais en Australie. Tout navire surpris illégalement dans les eaux territoriales australiennes sera intercepté et ramené au-delà de nos frontières ».
Le message était abrupt, mais il a fonctionné. « Sur les dix dernières années, jamais le taux migratoire de l’Australie n’a été aussi bas », a déclaré Peter Dutton, ministre australien de l’Intérieur. Voilà une semaine, dans le Today Show, Dutton a ajouté que la politique migratoire avait pour but de « rétablir l’intégrité de nos frontières ». Les Australiens approuvent. Un récent sondage a révélé que 72% des personnes interrogées soutiennent la politique d’immigration du Premier ministre Malcolm Turnbull. L’Australie, une démocratie occidentale, a subi des années durant une invasion de ses côtes.
« Les Européens pensent qu’il est facile à l’Australie de contrôler ses frontières, mais c’est l’excuse qu’ils se donnent pour justifier leur inaction » a déclaré le général à la retraite Jim Molan, concepteur de la politique d’asile australienne.
En 2013, Tony Abbott a été élu Premier ministre sous le slogan « Stop the boats » (« Stoppez les bateaux »). Un « slogan » repris par le nouveau ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini. Depuis la formation du nouveau gouvernement le mois dernier, Salvini ne se préoccupe que d’une chose, fermer la route migratoire « la plus meurtrière du monde »: la route méditerranéenne.
N’accueillir que les personnes disposant de solides qualifications semble être la seule façon de juguler l’actuelle anarchie migratoire.
L’an dernier, des représentants de l’UE se sont discrètement rendus en Australie pour étudier les méthodes du gouvernement australien. Lors d’un récent sommet, les Etats membres de l’Union européenne ont adopté certains principes directement issus du modèle australien. Les bateaux de migrants sont ainsi renvoyés vers des pays tiers, et les passagers sont dirigés vers des centres d’accueil gérés par les autorités locales sur le modèle du Manus Regional Processing Centreen Papouasie Nouvelle Guinée. L’Italie a entrepris de créer des centres d’accueil similaires à la frontière sud de la Libye.
L’Australie envoyait les immigrants illégaux au Centre de traitement régional de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée qui a été formellement fermé le 31 octobre 2017. (Source de l’image: Ministère de l’Immigration et de la Citoyenneté d’Australie) |
François Crepeau, rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme des migrants, a supplié l’Europe de ne pas prendre l’Australie pour modèle; il a qualifié l’idée de « cruelle, inhumaine et dégradante ». Mais empêcher les migrants de mourir en mer est le contraire de la cruauté ; c’est même la seule forme possible d’humanité. « Des centaines, et même des milliers d’Africains se noient en tentant de gagner l’Europe », a déclaré Abbott en 2015. Le « seul moyen de réduire la mortalité en mer est d’arrêter les bateaux ».
« Nous n’accepterons pas de voir débarquer illégalement les migrants» a déclaré le ministre australien de l’Immigration, Peter Dutton. Et comme l’a expliqué Abbott, ce sont les humanitaires qui font preuve d’un « altruisme dévoyé ».
En mai 2013, Julia Gilliard, qui était à l’époque Premier ministre de l’Australie, expulsait vers les centres d’accueil de Papouasie Nouvelle Guinée, les migrants qui avaient mis le pied sur le continent australien. Non seulement les eaux territoriales, mais aussi le continent devenait zone de non migration.
Le modèle australien ne se borne pas à ouvrir les frontières pour les seules personnes disposant de solides compétences professionnelles. Les migrants sont vivement incités à adopter l’héritage culturel du pays. Le Premier ministre Turnbull veut aussi tester les migrants sur les « valeurs australiennes » comme l’interdiction de battre son conjoint, l’éducation des filles ou les mutilations génitales féminines (MGF). Un test qui serait perçu comme raciste dans l’Europe multiculturelle d’aujourd’hui. Turnbull a lancé un appel à « défendre » les valeurs australiennes. Préserver l’Etat-nation et les traditions culturelles occidentales est nécessaire pour assimiler les migrants. « Ma longue expérience de la politique en Australie m’a appris que chaque fois qu’un gouvernement place l’immigration sous contrôle, il a l’opinion publique contre lui. Quand il se montre laxiste, l’hostilité à l’immigration augmente ». a écrit l’ancien Premier ministre australien John Howard.
Alors que l’Italie lutte contre les bateaux en provenance d’Afrique, il n’est pas inutile de rappeler que l’affaire Tampa a bousculé l’Australie en son temps : en 2001, l’Australie a refusé d’accueillir un bateau norvégien bourré de centaines de réfugiés repêchés dans l’océan Indien. Cette affaire « du bateau a tout changé ». Le ministre de l’Immigration de l’époque, Philip Ruddock, a informé les Australiens qu’au Moyen-Orient, 10 000 personnes se tenaient prêtes à embarquer pour l’Australie. Les Nations Unies ont eu beau faire pression, rien n’y a fait. L’opinion publique est restée ferme derrière le gouvernement. Quelques décennies auparavant, les premiers « boat people » en provenance du Vietnam (1976-1981) avaient été accueillis avec sympathie. Mais les nouveaux arrivants sont rapidement devenus un sujet de préoccupation, comme c’est le cas actuellement en Europe. Depuis, la politique migratoire australienne se résume à ceci : « pas de réinsertion, pas de bateau ».
L’affaire du Tampa a posé la première pierre de la politique australienne d’immigration :
« Des îles ont été sorties de la zone de migration australienne pour empêcher les demandeurs d’asile d’y déposer des demandes de visas ; des centres de détention ont été installés sur l’île de Manus en Papouasie Nouvelle Guinée et dans la république en faillite de Nauru ; et une marine hésitante a été convaincue d’intercepter et de détourner les navires chargés de migrants ».
L’Italie fait face à une vague potentielle de 700 000 nouveaux migrants en attente sur les côtes libyennes. Mais le gouvernement italien semble avoir pris parti d’inscrire ses pas sur le chemin tracé par l’Australie.
C’est le cœur lourd que je fais ces suggestions. Il est épouvantable de vivre dans un pays où la gouvernance laisse (au mieux) à désirer et ou les opportunités économiques sont réduites. Les migrants qui partent à la recherche d’une vie meilleure savent qu’ils risquent leur vie. Mais si l’Occident ne veut pas être submergé, il doit s’atteler au problème.
L’immigration illégale est mauvaise pour l’Europe – mais elle est mauvaise pour les migrants aussi.
Giulio Meotti, journaliste culturel pour Il Foglio, est un journaliste et auteur italien.