Le Congrès américain enverra ce mercredi pour signature au président Donald Trump la première grande réforme de son mandat, un cadeau aux Américains, et la première refonte de la fiscalité depuis trois décennies. Elle était quasiment adoptée par le Congrès, où un ultime vote de nature technique et sans suspense aura lieu dans la journée. Contrairement à la réforme de 1986, aucun démocrate n’a voté oui. La majorité républicaine a porté seule cet engagement de campagne, restant quasi unie malgré quelques sueurs froides et d’intenses marchandages. Seuls 12 des 239 républicains de la Chambre ont fait défection. « C’est l’exemple parfait d’une promesse faite et d’une promesse tenue, s’est réjoui Paul Ryan, président de la Chambre. Nous rendons aux gens de ce pays leur argent. »
Un couac de procédure a gâché la dernière ligne droite du marathon parlementaire. Mardi, la Chambre des représentants puis le Sénat ont tour à tour adopté un texte réconciliant des moutures précédentes. Mais trois articles non conformes aux règles parlementaires ont dû être retoqués in extremis par le Sénat, forçant la Chambre à revoter mercredi, les deux chambres devant adopter des textes identiques. Le vote positif du Sénat, par 51 voix contre 48, a été proclamé par le vice-président Mike Pence, ovationné par les membres de la majorité, peu avant une heure du matin.
Réduction d’impôts sur les sociétés et le revenu dès 2018
Au Sénat, seul John McCain n’a pas pu voter, le sénateur de 81 ans, traité pour son cancer du cerveau, est dans l’Arizona. Pour les démocrates, le faux pas procédural illustre la précipitation républicaine pour faire passer en force un texte écrit trop vite et, selon eux, dans l’opacité. Donald Trump venge quoi qu’il en soit l’échec de l’abrogation de la loi sur l’assurance maladie de Barack Obama, une première promesse torpillée par son propre camp en septembre. La réforme réduira dès 2018 les impôts fédéraux sur les sociétés et sur le revenu, à un coût de 1 500 milliards de dollars pour les finances publiques sur la prochaine décennie. Les républicains arguent qu’elle poussera durablement la croissance au-delà de 3 %, ce qui générerait de nouvelles rentrées fiscales. Mais des analyses indépendantes estiment que ces rentrées ne compenseront que partiellement les 1 500 milliards de déficits supplémentaires.
La réforme était également censée simplifier le code des impôts afin que les déclarations de revenus tiennent sur une « carte postale ». Mais la promesse a fait long feu, les groupes d’intérêts ayant réussi à sauver tel abattement ou telle niche fiscale, par exemple la déduction des intérêts d’emprunts immobiliers. Et si la baisse d’impôts est permanente pour les sociétés, elle ne durera que jusqu’en 2025 pour les ménages, faute d’accord à long terme. La quasi-totalité des Américains paieront moins d’impôts en 2018, mais le gain de pouvoir d’achat s’annulera pour la moitié d’entre eux en 2027, selon le Tax Policy Center.
Une réforme qui profite aux plus riches ?
L’adoption est néanmoins une victoire politique retentissante pour le président, qui espère que les Américains s’en souviendront aux élections législatives de novembre 2018. Pour l’instant, ils sont sceptiques : 55 % s’opposent à la réforme, selon un sondage CNN, et deux tiers jugent qu’elle profitera plus aux riches qu’à la classe moyenne. Mais « les résultats la rendront populaire », assure Paul Ryan. Dès février, les impôts prélevés à la source baisseront. Le texte inclut aussi deux grandes revendications conservatrices : l’annulation de l’amende imposée par « Obamacare » aux personnes sans assurance, un « sabotage » de la loi de Barack Obama, selon les démocrates ; et l’ouverture de terres protégées de l’Alaska aux forages pétroliers.
Pour les démocrates, la refonte fiscale est effectivement un cadeau … mais pour les entreprises et les plus fortunés. Y compris, peut-être, le milliardaire Trump. « Ce n’est pas une réforme fiscale. C’est un braquage… un braquage qui va prendre des millions à la classe moyenne et les donner aux riches », a dit la sénatrice Elizabeth Warren. Maintenant que le dossier fiscal est presque bouclé, Donald Trump a trois jours pour conclure un grand compromis avec majorité et opposition sur le budget. Si le Congrès ne vote pas de crédits avant vendredi minuit, l’État fédéral devra « fermer », une crise qui gâcherait la fin d’année du locataire de la Maison-Blanche.
Source http://www.lepoint.fr/monde/la-reforme-fiscale-adoptee-au-congres-un-victoire-pour-trump-20-12-2017-2181372_24.php