Rabbi Nachman à Auschwitz

0
44

Chronique Radio J. 29 janvier 2025

Kol ha’olam koulo
Guesher tsar me’od
Veha’ikar
Lo lefa’hed klal
 Ces mots ont été prononcés par Marian Turski à Birkenau dans le discours inaugural de la Journée en mémoire des victimes de la Shoah, 80 ans après la «libération» d’Auschwitz par les troupes soviétiques.
Marian Turski, Moshe Turbowicz, je l’ai bien connu au Conseil International d’Auschwitz dont il est aujourd’hui le Président. Il a survécu au ghetto de Lodz, à la déportation  à Birkenau  et à la marche de la mort.  Il fut un journaliste communiste engagé, polonais jusqu’au bout des ongles et est resté dans sa patrie malgré les flambées antisémites. Mais le 27 janvier, à près de 99 ans, c’est en hébreu qu’il prononce ces paroles de rabbi Na’hman de Bratslav, qui invitent l’homme à  marcher malgré difficultés et dangers pour se frayer un chemin de vie qui ait un sens.
«Le monde entier est un pont étroit; l’essentiel est de ne pas avoir peur». Il faut faire face à ce que Turski appelle, un «tsunami» d’antisémitisme, et qu’il relie à l’action du Hamas le 7 octobre.
Terrible 80e anniversaire….
Turski, qui a toute sa vie côtoyé l’antisémitisme, qui a écrit contre le négationnisme, et s’est particulièrement indigné contre l’indifférence, n’avait jusqu’à maintenant  pas imaginé que le «ça» de «plus jamais ça» paraitrait de nouveau envisageable, que cette hypothèse  laisserait beaucoup de gens indifférents et qu’une forme de négationnisme particulièrement vicieuse, l’inversion victimaire, obnubilerait nos sociétés.
Une enquête sur la connaissance de la Shoah effectuée dans sept pays européens et aux Etats-Unis vient d’être publiée par la Claims conférence. Les résultats en sont si choquants que  j’ai du mal à y croire et plus encore à y voir la France lanterne rouge, et de loin…
22% des Français, et pire encore, 46% des jeunes adultes entre 18 et 30 ans, n’auraient pas entendu parler de la Shoah. 2 Français sur 3 connaissent le nom de Auschwitz, métaphore du mal, mais métaphore complexe. Extrêmement peu ont entendu parler de Treblinka, Sobibor, Belzec ou Chelmno, ces usines de mort où près de 2 millions de personnes furent gazées avec moins de 200 survivants, quelques révoltés des Sonderkommandos….
12% des sondés français, mais 33% des jeunes, déclarent que le nombre de 6 millions de victimes juives est nettement surévalué. La moitié des Français  estiment que le négationnisme est courant dans notre pays. Enfin, plus de la moitié des Européens considèrent qu’un génocide contre les Juifs peut survenir à nouveau.
Plus de 90% des sondés répondent que l’enseignement de la Shoah est très important. C’est néanmoins une consolation ambiguë. Comment tant d’entre eux peuvent-ils prétendre ne rien savoir de la Shoah alors que les directives scolaires imposent un enseignement en CM1- CM2, en 3e et en 1ère ?
Et que feraient-ils de cet enseignement ? A la télévision, qui vient d’annoncer le catastrophique sondage et qui essaie de rassurer le spectateur sur l’état de notre jeunesse, je vois un jeune garçon très motivé, déclarer ces paroles rassurantes  «On a besoin d’apprendre la Shoah…….» et ajouter «….pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui à Gaza».
Sous-entendu, selon toute vraisemblance, le «génocide» dont les Israéliens seraient coupables…..
Il ne faut pas se rasséréner aux formules stéréotypées dont usent nos dirigeants pour masquer leurs renoncements. «On ne lâchera rien», alors qu’on a tellement lâché, ou « la lutte indispensable contre le négationnisme, l’antisémitisme et le racisme», alors que racisme et antisémitisme ne s’articulent pas aux mêmes ressorts. On n’a plus le droit aujourd’hui de tourner autour du pot : si l’enseignement de la Shoah est en échec, plusieurs facteurs sont en jeu, mais l’emprise islamiste sur les comportements, les esprits et les peurs en est une cause essentielle.
Cet enseignement a reposé  sur un trépied : les professeurs transmettaient le savoir, les survivants, en incarnant ces événements tragiques créaient le lien émotionnel nécessaire à une identification forte et l’Etat qui avait enclenché le processus récupérait de meilleurs citoyens, instruits des leçons de l’histoire,
L’Etat n’ose plus actuellement imposer ses exigences, les témoins ont presque tous disparu et les professeurs se trouvent démunis face à des réseaux sociaux tout puissants,  pourvoyeurs de fausses informations et d’imprécations menaçantes.
C’est sur la base de  ce constat que la société doit rechercher le pont étroit, le «guesher tsar» où  s’engager pour lutter contre le «tsunami d’antisémitisme», mais aussi contre le torrent d’imbécillité épidémique qui se développe: redonner la primauté éducative aux maitres, enseigner la détection et les dangers du complotisme, des manipulations mentales et de la post-vérité, rejeter les tentations moutonnières distillées par une propagande destructrice. En somme, éduquer à la Shoah, c’est éduquer consciemment à l’esprit critique et à l’universel, faire le choix  des Lumières avec les moyens et les enjeux d’aujourd’hui.
Cet enseignement ne peut pas ignorer les ignobles travestissements et affadissements qu’on est en train de faire subir au  terme de génocide pour en affubler Israël et ses partisans, comme si on cherchait à punir les Juifs de ne pas avoir, malgré tout, déjà tous été exterminés.
Richard Prasquier

Aucun commentaire

Laisser un commentaire