L’ancien chef des Frères musulmans en Jordanie : Quiconque accepte le futur plan de paix de Trump pour le Moyen-Orient sera puni comme le fut le président Sadate.
Dans le contexte des efforts de l’administration américaine pour promouvoir son plan de paix au Moyen-Orient, connu sous le nom d’ « Accord du siècle », dont les termes n’ont pas encore été rendus publics, Salem Falahat, homme politique jordanien et ancien dirigeant des Frères musulmans (FM) en Jordanie, fustige l’accord dans un article. Cet article a paru sur le site albosala.com, affilié aux FM en Jordanie, dans Al-Sabil, organe de presse des FM en Jordanie, et sur le site affilié au Hamas palinfo.com, sous le titre « Pourquoi l’Accord du siècle n’aura pas lieu ».
Salem Falahat (albosala.com)
Dans cet article, Al-Falahat, qui a démissionné du parti des FM en 2016 en raison de désaccords idéologiques et a fondé le Parti du partenariat et du secours, estime que l’accord ne passerait jamais et avertit les dirigeants arabes de ne pas le soutenir. Soutenir cet accord, affirme-t-il, serait un acte de trahison équivalent à celui du dernier dirigeant musulman de la Grenade, qui a livré la ville aux chrétiens, et quiconque le ferait affronterait une « punition et d’une vengeance dans ce monde-ci et dans le monde futur ». Dans ce contexte, il a mentionné le président égyptien Anouar Sadate, qui a « scellé son propre destin inévitable » en signant le traité de paix avec Israël. Al-Falahat a ajouté que, même si certains régimes arabes acceptaient l’accord, ni les Palestiniens ni les autres peuples arabes ne les imiteront, et nulle puissance au monde ne pourra contraindre les Palestiniens à le faire. Extraits : [1]
Les tambours de la soumission martèlent, avant la signature d’un document vide qui servira les intérêts de l’ennemi sioniste [à savoir l’Accord du siècle du président Trump]. C’est pourquoi Kushner la vieille bique, dont les poches sont garnies de notre argent, traite secrètement et ouvertement avec le [Premier ministre israélien Binyamin] Netanyahou et ses laquais, dans le but d’obtenir un accord clair et explicite [à ce document] de la part de certains Etats arabes. Des délégations sont [actuellement] en marche [dans la région], à la recherche d’un Abou Abdallah Al-Saghir [2] qui remettra les clés de la « Grenade » [la Palestine] – même si personne de sa famille, de son entourage ou de ses serviteurs ne demeure [à ses côtés] – et qui tombera sur place [en larmes], afin que les historiens nomment [plus tard cet endroit] le « Dernier soupir du Maure ».[3]
A mon avis, sans nous faire d’illusions, personne n’osera prendre une telle décision perfide, car [celui qui osera] n’échappera pas à la punition et à la vengeance, tant dans ce monde que dans le monde futur. Lorsque [le président égyptien Anouar] Sadate a osé allumer la mèche de la soumission, lors de sa visite à Jérusalem, il a scellé son destin inévitable.[4] Ne voyez-vous pas combien [de tyrans] ayant pris le contrôle des Arabes lèvent aujourd’hui les mains [en signe de reddition ?] [Cela est] peut-être dû à la crainte de l’un des deux sorts qui les attend : […] soit une mort non naturelle et inévitable infligée par la nation [musulmane], pour le crime de s’être soumis à la volonté des sionistes, soit la mort et le martyre infligés par les agents sionistes, s’ils restent fermes dans leurs opinions et s’abstiennent [de signer l’accord]…
L’Accord du siècle n’aura pas lieu tant que le sang coulera dans les veines des peuples arabes et islamiques, trop nombreux pour être dénombrés et qui ne s’éteindront jamais. Nous sommes une nation qui ne cessera pas [d’exister], même si elle est faible et affaiblie. L’Accord du siècle n’aura pas lieu, tant qu’il existera un peuple en Palestine qui a appris sa leçon inoubliable après la Nakba de 1948. [Le peuple palestinien] ne refera pas l’erreur commise jadis, lorsqu’il a été intimidé par les massacres de Deir Yassin, de Qibya, d’Al-Dawayima et d’autres lieux, [visant à] le faire émigrer de ses villes et villages, pour que les sionistes puissent le remplacer…
Aucun Palestinien – peu importe sa culture, ses tendances, ses projets ou la conjoncture – n’osera [accepter] un quelconque substitut à sa terre, qui équivaut à son honneur. S’il existe une petite minorité [d’Arabes] qui s’en écartent, [5] on ne peut extrapoler [et en faire une généralité].
L’ennemi sioniste ne parviendra pas à expulser cinq millions de Palestiniens de leurs terres – ni même la moitié ou le quart d’entre eux – pour de nombreuses raisons. La volonté des résidents de la Palestine, jeunes et vieux, de résister, de se sacrifier et de s’accrocher à leur terre est l’un des éléments les plus importants de leur force et de leur espoir.
Adjacent et proche de la terre de Palestine se trouve le noble peuple jordanien, qui a fait vœu, s’il le peut… de se mobiliser immédiatement [pour former] une armée en vue de la libération de la Palestine, comme [il l’a fait] il y a un siècle, en 1920. Il est impossible d’assujettir le peuple palestinien, ou les peuples arabes et musulmans… Même si certains régimes arabes officiels sont effectivement vaincus [par des éléments étrangers, pendant une période donnée], cela ne signifie pas nécessairement qu’ils [ces éléments étrangers] resteront dans notre pays à jamais. Même si les tentatives des peuples encerclant la Palestine d’obtenir leur liberté et de gérer leurs propres affaires, cherchant à créer leur Etat, rencontrent parfois des difficultés, ils finiront par réussir…
Le monde est une roue, et ses lois n’ont de pitié pour personne, et ni les criminels ni les tyrans ne durent éternellement. J’affirme cela, non pas en m’appuyant sur Allah ou au [principe de] l’ajournement, [6] mais parce que le critère de l’actualité de ces lois est devenu une réalité concrète. S’il est vrai qu’actuellement, ils [les Israéliens], aidés par le laxisme arabe et islamique, bénéficient d’un soutien matériel et international, ils sont en difficulté et en crise, tout comme nous. Mais ce sont des voleurs et des brigands qui craignent pour leur vie, et nous bénéficions d’un droit légitime [sur la Palestine], auquel nous ne renoncerons jamais, et pour lequel nous sommes prêts à mourir.
Cet accord n’aura lieu qu’avec [l’aval] de la seconde partie – les Palestiniens – et nulle puissance au monde ne contraindra les Palestiniens à l’accepter. Ceux qui répandent de fausses rumeurs, qui sèment le désespoir et le défaitisme, et qui crient des slogans qui risquent de briser l’unité du peuple un et [ce faisant], servent Israël, doivent mettre fin à leurs actions perverses au vu de tout ce qui arrive, car quiconque affirme que les musulmans sont sur la voie de la ruine est celui qui leur apporte cette ruine. Allah seul est le Maître, et l’accord qu’ils souhaitent n’aura pas lieu.
Lien vers le rapport en anglais
Note :
[1] Albosala.com, 24 juin, 2018; Al-Sabil (Jordanie), palinfo.com, 26 juin 2018.
[2] En 1491, Abou Abdallah Mohammed XII, connu comme Abou Abdallah Al-Saghir, gouverneur de la Grenade musulmane, a été forcé de se rendre aux forces chrétiennes qui assiégeaient la ville et de la leur livrer. Dans la tradition musulmane, il est devenu un symbole de reddition et de trahison.
[3] Référence à la légende sur le départ d’Abou Abdallah Mohammed XII de Grenade, accompagné de ses femmes et de ses serviteurs. Il s’est rendu aux monts Alpujarras, dans la province de Grenade, est monté au sommet et a contemplé une dernière fois la ville et la croix qui la surmontait, avant de fondre en larmes. Cet endroit est désigné comme Puerto del Suspiro del Moro (« le Col du soupir du Maure »).
[4] Après avoir signé un traité de paix avec Israël, le président égyptien Anouar Sadate a été assassiné, en octobre 1981, par des islamistes égyptiens.
[5] Apparemment, référence voilée à certains pays arabes, comme l’Arabie saoudite, qui collaborent avec les Etats-Unis pour élaborer l’Accord du siècle.
[6] Dans la théologie musulmane, l’irja, ou ajournement, désigne le concept selon lequel Allah déterminera si un musulman est croyant ou apostat, et décidera de son sort seulement lors du Jour du jugement. L’application politique de ce principe est que les musulmans ne doivent pas se rebeller contre un dirigeant musulman, même s’il commet un péché.
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