Aujourd’hui associé aux violences nazies, le terme « pogrome » ou « pogrom », qui vient du russe et signifie « démolir violemment », était utilisé à l’origine pour désigner les émeutes anti-juives dans la Russie tsariste.
« Dévaster », « détruire », « ravager » ou « démolir violemment ».
Qu’est-ce qu’un « pogrome » ?
Le mot, « погром », est d’origine russe. Il peut se traduire par « dévaster », « détruire », « ravager » ou « démolir violemment ». L’Histoire lui a donné un sens plus précis. D’après le Musée Mémorial de l’Holocauste à Washington, les pogroms sont « les attaques violentes commises sur des Juifs par des populations locales non-juives dans l’Empire russe et dans d’autres pays ». L’historien Raul Hilberg les définit comme « une brève explosion de violence d’une communauté contre un groupe juif qui vit au milieu d’elle-même ».
Ces attaques sont dirigées vers les personnes ou leurs biens et prennent la forme d’assassinats, de viols, de pillages ou d’incendies. Elles sont souvent perpétrées sans réaction des autorités, ou avec leur encouragement.
Les premiers pogroms dans la Russie tsariste
L’antisémitisme est présent en Russie depuis des siècles. Les Juifs, que l’on accuse notamment de « déicide » car ils appartiennent au peuple qui a placé le Christ sur la croix, sont perçus comme étrangers à la culture russe et à la foi orthodoxe. Au XIXème siècle, la montée du nationalisme russe, associée à celle d’une orthodoxie chrétienne conservatrice, contribue à la montée de l’antisémitisme. Des violences sont régulièrement perpétrées par la population envers ceux qu’on considère comme les boucs émissaires des maux du pays.
Le terme « pogrom » apparaît pour la première fois pour désigner une émeute anti-juive qui éclate à Odessa en 1821. Alors que la réalité s’ancre dans l’Histoire en se répétant, le terme entre dans l’usage courant. Trois vagues importantes se déroulent à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. La première est déclenchée par l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881. La seconde a lieu pendant la crise révolutionnaire, dont les Juifs sont tenus responsables. Elle débute avec la mort de 45 personnes et le pillage de 1.500 maisons et boutiques lors de la fête de Pâques de l’année 1903.
Les Juifs, boucs émissaires de l’Europe
La troisième commence avec la Grande Guerre et prend un tournant militaire. Lors de leur retraite en 1915, les soldats russes multiplient les violences contre les populations civiles juives, accusées de trahison et d’espionnage. Viols, meurtres et pillages sont les principales armes de leur arsenal. Les Juifs sont ensuite accusés d’avoir déclenché la Révolution bolchévique de 1917.
En Ukraine et dans le sud de la Biélorussie, « un millier de pogroms touchent la moitié de la population juive, font 120.000 morts, autant de victimes de viol et un demi-million de réfugiés », recense l’historien Thomas Chopard dans son article Les pogroms. Entre pratiques d’exclusion et violences d’exterminations sur l’Encyclopédie d’Histoire numérique de l’Europe (EHNE).
« Perpétrée par toutes les armées en présence », ajoute-t-il, « cette persécution est néanmoins d’abord le fait des troupes antibolcheviques blanches, nationalistes ukrainiennes et polonaises, et de leurs soutiens. »
La peur de la révolution se propage à l’est de la Russie tsariste, dans les Balkans, l’Allemagne, l’Autriche et la Roumanie. Partout, le contexte économique, social et politique dégradé renforce le sentiment antisémite, les Juifs étant systématiquement considérés comme les boucs émissaires. La mise en place de pouvoirs autoritaires en Europe centrale et orientale s’accompagne de pogroms populaires dans l’entre-deux-guerres.
La « Nuit de Cristal », pogrom du 9 novembre 1938
En Allemagne, les pogroms se multiplient après l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 et l’instauration d’un régime ouvertement antisémite. Après la promulgation des lois raciales de Nuremberg, en septembre 1935, des synagogues sont incendiées et des maisons détruites dans plusieurs villes allemandes. Dans les rues, les Juifs sont pris pour cibles de violences verbales et physiques.
Les pogroms marquent la fin d’une cohabitation mouvementée
La fin de la Seconde Guerre mondiale ne sonne pas le glas des violences anti-juives. Les tensions causées par la guerre créent une nouvelle vague d’antisémitisme. À l’été 1946, une rumeur se répand dans la ville de Kielce, en Pologne : les Juifs auraient enlevé un enfant chrétien pour le sacrifier lors d’un culte. Le 4 juillet, des habitants s’en prennent aux Juifs survivants de la Shoah. Le pogrom, qui fait 42 morts, ébranle particulièrement la communauté juive qui émigre massivement vers les camps de personnes déplacées situés à l’Ouest. En 1950, seuls 45.000 Juifs vivent encore en Pologne.