Autour de la table de Chabbat, n°373 Terouma
POUR QUELLES RAISONS HACHEM NOUS A-T-IL DONNE LE MICHKAN ?
Notre paracha traite cette semaine de l’édification du sanctuaire (Michkan) dans le désert.
Toutes les offrandes, tous les ustensiles du Tabernacle sont énumérés dans les versets que l’on va lire ce Chabbath. Le Ramban, dans son introduction, explique les raisons de la construction du sanctuaire. Il enseigne que cette maison de Hachem avait pour but de continuer le dévoilement du Créateur qui avait eu lieu au mont Sinaï. Là-bas, les Bené Israël ont reçu les 10 commandements et les lois de la Tora. Là-bas la Parole de Hachem a été entendue par toute la communauté. Et nous sommes devenus Son peuple et parallèlement Il est devenu notre D’. Le Ramban explique que la volonté divine était de faire perdurer, dans le campement d’Israël, cette Présence divine et de la faire résider parmi nous. Ce même dévoilement de Hachem qui a eu lieu sur le Sinaï continue, mais cette fois-ci dans l’intimité de la Tente sainte et en particulier à partir de l’Arche de l’Alliance dans laquelle il y a le séfer Tora que Moché Rabbénou a écrit ainsi que les Tables de la loi. De cette armoire sainte sortait la Parole divine d’entre les deux chérubins et elle se propageait jusqu’à Moché Rabbénou qui se tenait dans la Tente d’assignation. Toutes les lois et les commandements de la Tora à partir de ce moment seront dictés depuis le Tabernacle. C’est aussi de cet endroit que les Bené Israël recevront l’expiation de leurs fautes, car c’est de là qu’ils offriront leurs sacrifices (à côté de la Tente se trouvait l’autel des sacrifices).
Un autre point a été développé par le Néfech Hah’aim dans son premier chapitre (1,4).
C’est seulement après que Hachem eut choisi de résider parmiSon peuple, que la Tora et les Mitzvoth qui sont pratiquées par le peuple ici-bas ont une incidence en haut, dans les mondes supérieurs ! Cette Tora que Hachem nous a donnée n’est plus l’apanage des anges du Service divin, mais elle devient nôtre et c’est par nous-mêmes, par la force de notre étude qu’elle agira dans les Cieux ! Plus la personne se raffinera dans sa Tora et dans ses tefiloth, plus elle agira là-haut et sera vecteur par ricochet de la bénédiction qui descendra sur terre !
C’est justement la signification du Michkan :
- Faire régner sur terre la Présence de Hachem
- Et c’est aussi la faculté de sanctifier la matière par la Tora !
POURQUOI NOTRE PARACHA SUIT-ELLE CELLE DE MICHPATIM ?
On sait que l’édification du Tabernacle a été permise grâce à la contribution de tous les Bené Israël dans le désert. Il a fallu apporter de l’or pour la fabrication des ustensiles, de l’argent pour les socles des poutres qui entouraient la tente, de la laine et du cuir pour faire les tentures etc… Le Beit Halévi (rav Yossef Dov Solovétchik) fait remarquer que la paracha suit celle de Michpatim qui elle-même traite de toutes les lois liées à argent. Et il en donne la raison. Lorsqu’un homme décide de contribuer à l’édification du sanctuaire, c’est magnifique, mais avant tout il faut vérifier la provenance de son argent. Avant d’être tsadik (pieux), il faut d’abord appliquer les lois du ‘Hochen Michpat qui regroupe toutes les règles relatives à l’argent. Vérifier par exemple qu’il n’y a pas eu de vol, d’escroquerie, etc… Le cas échéant, la Mitsva ne sera pas considérée dans le Ciel comme une Mitsva, mais comme une Avéra/faute !
C’est aussi ce qui est rapporté dans les Halakhoth (lois) de Yom Kippour. Avant le jour saint, on doit demander à son prochain son pardon, et le ‘Hafets ‘Haïm (Michna Beroura 606.1) rajoute qu’il faut veiller à régler honnêtement tous ses litiges d’argent devant un rav compétent, car le plus grand accusateur de l’homme le jour du Jugement c’est le VOL (!).
C’est pourquoi on ne se fiera pas à sa propre « jugeote » pour trancher ses doutes, car le Yetser hara’ est très fort dans le domaine !
QU’EST-CE QU’ON DONNE LORSQUE L’ON FAIT UN DON À LA SYNAGOGUE ?
Au début de la paracha le verset fait l’éloge du Clall Israël et appelle les donateurs du Michkan : « Les hommes qui offrent de leur cœur (toutes les offrandes) ».
L’accent est mis sur le bon cœur de celui qui participe à l’édification du Tabernacle.
Le Hatam Soffer zatsal explique ainsi le verset : la terre et toutes les richesses des hommes appartiennent au Créateur comme dit le verset dans Tehilim 24 : « La terre et tout ce qu’elle contient appartiennent à Hachem etc… » Donc, lorsque l’homme donne un présent à D’ (par exemple un don à la synagogue ou à la yechiva), ce don ne provient pas véritablement de son pécule puisqu’il appartient déjà à Hachem ! C’est uniquement la part du CŒUR et sa bonne volonté qui sont offertes à D’.
Donc lorsque les Bené Israël ont apporté l’or et l’argent pour la construction du Michkan c’est en fait leur AMOUR qu’ils ont donné à leur Créateur, c’est là leur véritable offrande !
On rajoutera une petite anecdote sur le sujet. Lorsque la situation des Yechivoth d’avant-guerre était catastrophique, les Guedolim de l’époque décidèrent de faire un grand rassemblement de soutien à Varsovie. Lors de ce grand meeting, un des journalistes posa une question perfide aux Rabanim de l’assemblée. Pourquoi la Yechiva de « ’Hakhmé Lublin » vient-elle d’inaugurer son magnifique Beth Hamidrach en plein milieu de la capitale, alors que cet argent aurait davantage profité à d’autres bonnes causes de la communauté ?
Cette question avait pour but de désarçonner les organisateurs du rassemblement et d’entraîner un désengagement du public pour le soutien aux institutions de Tora. C’est alors que le rav Sorotskin, le rav de la ville de Loutsk, prit la parole et dit : « Dans notre paracha, il n’est pas mentionné que la Tora a exigé une contribution obligatoire pour l’édification du Tabernacle. Tous ceux qui avaient un bon cœur ont offert de leurs biens. Par contre dans la paracha “Ki Tissa” au début est mentionné l’impôt d’une moitié de chékel (poids en argent) par adulte pour l’achat des sacrifices quotidiens (chaque jour était sacrifié matin et soir du petit bétail comme sacrifice perpétuel).
Le rav expliqua alors la différence. La Tora sait qu’un homme veut immortaliser son passage sur terre en consacrant un peu de son or et argent pour les ustensiles du Tabernacle. Mais pour les sacrifices journaliers, comme l’argent est “dilapidé” dans l’achat de l’animal et de sa che’hita, l’engouement de la communauté est moindre. De la même manière les gens sont plus enclins à aider la construction d’une salle d’étude ou d’une synagogue, plutôt que pour aider à payer la nourriture des talmidim (élèves). Là, c’est beaucoup plus difficile ! Pourtant le but du sanctuaire n’est-ce pas la réparation des fautes du Clall Israël par l’intermédiaire des sacrifices !? Les murs du sanctuaire sont saints, mais les sacrifices le sont encore plus, la preuve en est que le jour du Chabbat on n’a pas le droit de construire le Tabernacle tandis que les sacrifices quotidiens sont offerts même le jour saint du Chabbath !
De la même manière les murs de la Yechiva sont importants, mais l’étude des élèves et des Avre’him l’est encore plus ! »
Notre sippour
Cette semaine je m’attarderai sur une anecdote qui s’est déroulée il y a tout juste quelques mois en Allemagne. Le sujet n’est pas directement lié avec notre paracha mais je pense qu’il existe un lien avec toutes les sections des semaines précédentes. Il s’agit du rav Habad Loubavitch de la ville de Nuremberg qui a reçu il y a quelques mois les messages répétés d’un habitant de la ville qui tenait à rendre un objet de culte à la communauté juive orthodoxe. L’histoire commence il y plus de 80 ans. A l’époque une foule d’émeutiers saccagèrent et incendièrent des centaines de synagogues au beau pays de Wagner… C’était la maudite Nuit de cristal du 9 au 10 novembre 1938 (notre illustration, Yad Vachem) où des centaines et milliers de Juifs trouvèrent la mort. La ville de Nuremberg ne fut pas épargnée et la synagogue orthodoxe de la ville fut incendiée. Seulement juste avant l’acte criminel, un jeune allemand âgé de 10 ans s’engouffra dans l’édifice et déroba une belle petite Hanoukkia en bronze. Ce jeune garçon repartit avec le fruit de son larcin dans sa demeure. L’objet de culte resta des dizaines d’années quelque part dans cette habitation jusqu’au moment où bien plus tard, le neveu du garnement rencontrera fortuitement d’anciens habitants juifs de Nuremberg qui s’étaient installés en Suisse. Le neveu discuta amicalement avec la famille, semble-t-il typiquement juive, et c’est au cours de cette discussion que le neveu décida de ramener l’objet de culte à la communauté. Pour ce faire, il prit contact avec le rav Loubavitch de la ville (bravo pour toute l’abnégation de ces envoyés ‘Habad dans tous les recoins de la terre), et quelques semaines avant la fête de Hanouka, la pièce de bronze sera déposée devant la maison du rav avec un mot qui expliquait l’histoire de cet objet. Et effectivement ce Hanouka 2022, le rav allumera les bougies de la fête des lumières avec beaucoup d’émotion sur cet objet qui avait servi auparavant la communauté d’avant-guerre. La boucle était bouclée. L’objet de culte retrouvait ses anciens propriétaires.
Ce court récit peut ne pas vous « parler » beaucoup, mais je pense qu’à bien y réfléchir la morale qui s’en dégage est très profonde.
D’une part, même après toutes ces années, la conscience humaine ne laisse pas tranquille les fauteurs. Cette Hanoukkia qui est restée très longtemps dans la maison de ces paisibles habitants de Nuremberg n’a semble-t-il pas laissé leur conscience tranquille. C’est à dire que Hachem a implanté dans le cœur de l’homme même jusqu’au peuple de Bavière des valeurs morales que nul ne peut étouffer outre mesure. D’autre part, ces valeurs humaines sont directement liées avec nos parachiyoth hebdomadaires. Lorsque Moché monte au Sinaï pour faire descendre les lois de la Tora ainsi que les 10 commandements, la semaine dernière, et lorsque D’ demande la construction d’un Michkan, cela a une résonnance jusqu’en Bavière de 2022 ! Car le vol et le meurtre sont des fautes qui ne sont pas admises par la majorité du globe. C’est dû à la Parole de D’ qui a été entendue au mont Sinaï et qui s’est répandue dans le monde, grâce à la pratique juive au travers des siècles et des sociétés.
Cette courte anecdote nous apprendra que les valeurs de justice et de droit sont inscrites dans la conscience des peuples. Ce n’est pas la panacée des philosophes, mais elles sont partagées par toute l’humanité grâce au Clall Israël et à la Tora. On aura appris que le bien et le mal ne sont pas que des donnés religieuses, mais cette vérité touche toute l’humanité. A cogiter.
Coin Hala’ha : Lois de Pourim. Cette année Pourim tombe le lundi soir 7 mars prochain. On veillera à accomplir les Mitsvoth de la journée : lecture de la Meguila (2 fois, lundi soir et mardi), festin de Pourim (en pleine journée avant le coucher du soleil), envoi de deux mets à son prochain et Matanoth Leévionim (dons aux pauvres de la communauté). Pour ces dons, il faudra veiller à donner le jour de Pourim 2 présents à deux pauvres. On peut donner de la nourriture (afin qu’il fasse un bon repas) ou de l’argent. Pour l’aide pécuniaire, on donnera à chaque pauvre au minimum l’équivalent du prix d’un repas. On peut donner l’argent à des organismes, même avant la fête, afin que le jour de Pourim ils redistribuent les sommes récoltées.
Chabbat Chalom et à la semaine prochaine si D’ le veut
David Gold Tél : 00972.55.677.87.47 Email:9094412g@gmail.com
Avec l’aide de Hachem, je cherche à éditer (en France et en Erets) le second tome de mon premier livre « Au cours de la Paracha » paru en France et en Israël. Celui qui souhaite participer à cette entreprise (relecture, mis en page et édition et pourquoi pas soutien) sera le bienvenu. Prendre contact auprès du mail habituel.
Une refoua cheléma à Israël Menahem ben Ra’hel (rav Hirshfeld/Zihron Yaacov) et à Moché Hillel ben Mindel (rav Hirsh / Yechiva Slobodka) d’entre tous les malades du Clall Israël.