Freddy Eytan
La tension est toujours très vive le long de la frontière libanaise et les frappes préventives de Tsahal contre le Hezbollah confirment le lien direct avec les discussions au Caire sur la libération des otages.
La récupération des corps de six otages israéliens de la bande de Gaza réaffirme que Tsahal est déterminé à ramener tous les otages, vivants ou morts, et qu’Israël ne peut compter sur les médiateurs arabes ni sur « les bonnes intentions » du Hamas. Cette opération ponctuelle à Khan Younes réaffirme l’importance de la collecte des informations du Shin Beit et du renseignement militaire malgré toutes les défaillances commises le 7 octobre 2023. Elle approuve la légitimité de poursuivre les recherches et le refus de céder aux pressions diplomatiques et au chantage du Hamas. Ainsi, dans les tréfonds des tunnels, Tsahal dévoile au monde entier l’horreur, les atrocités des islamistes et la barbarie des chefs palestiniens.
Le combat contre le terrorisme est une lutte inlassable, complexe et de longue haleine. Depuis le gouvernement Golda Meir, nous avons malheureusement renoncé au principe sacro-saint : ne jamais céder au chantage des terroristes.
Le 17 décembre 1992, Yitzhak Rabin avait expulsé 418 membres du Hamas dont Ismail Haniyeh vers la frontière libanaise, mais suite aux fortes pressions internationales, marquées par le refus de la procureure de l’État de justifier la décision d’expulsion, les membres du Hamas retournent, sains et saufs, à leur foyer en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Et le lendemain… Des kamikazes palestiniens s’explosent dans des bus, des restaurants, et au milieu des foules, dans les rues piétonnières de Tel-Aviv, Haïfa et Jérusalem. Un terrible scénario qui pourrait se produire demain…
Benjamin Netanyahou a lui aussi libéré en 2011 le soldat franco-israélien Guilad Shalit en échange de 1027 détenus palestiniens dont l’actuel chef du Hamas Yahia Sinwar. Va-t-il libérer aujourd’hui des centaines de nouveaux terroristes en échange des otages détenus ?
Au-delà des motifs politiques et la sauvegarde de la coalition de droite, le dilemme est immense et le déchirement concerne toute la nation. Les familles des otages ont le droit de manifester leur détresse et leur colère. Certaines accusent le chef du gouvernement de malmener les négociations et de poursuivre la guerre inutilement. Cette critique est aussi partagée par l’opposition, les chancelleries et les médias.
Cependant, dans le débat public, nous devrions exposer les avantages et les risques, le prix à payer en refusant toujours de favoriser une pensée unique et une idéologie politique. On ne peut accuser systématiquement et exclusivement Netanyahou sans focaliser les critiques à l’égard de l’inhumanité du chef palestinien ni sur le fait que nous avons à faire une à une organisation terroriste et non à un Etat souverain et reconnu.
De ce fait, il est regrettable aussi que la puissante Amérique adopte une position si naïve. Comment le président Biden peut-il affirmer que nous sommes à la dernière phase des pourparlers et exige d’Israël d’arrêter les combats et de prouver une certaine souplesse, tandis que son Secrétaire d’Etat, Antony Blinken, supplie le « leadership » palestinien d’accepter la proposition généreuse des Etats-Unis et appelle Israël et le Hamas à faire preuve d’une « flexibilité maximale… » Et pourtant, le Hamas refuse d’appliquer les conventions internationales, n’autorise pas la visite des médecins ni de la Croix Rouge.
Pourquoi mettre à pied d’égalité Israël et le Hamas au lieu d’être ferme et intransigeant à l’égard des responsables du pogrome du 7 octobre 2023 ? Pourquoi doit-on payer un prix élevé aux terroristes et encourager ainsi les prises d’otages ?
Cette attitude des Etats-Unis est incompréhensible et même révoltante. Elle est également interprétée comme faiblesse et désarroi par la majorité des pays arabes sunnites qui détestent le Hamas. Soulignons que la Ligue arabe n’est pas intervenue activement dans le conflit, mise à part certaines déclarations générales en faveur du peuple palestinien. Plus important encore, l’Egypte et la Jordanie n’ont pas rompu les relations diplomatiques et sauvegardent les traités de paix signés.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, la politique américaine au Proche-Orient piétine et demeure ambiguë et incohérente. Elle manque d’audace et s’accommode avec l’évolution des réalités sur le terrain. La voix de l’Amérique est timide et perplexe. La poursuite de cette politique dans notre région encourage les extrémistes et plonge dans le désespoir les pays modérés. Rappelons qu’au début du « Printemps arabe », des politiciens et des experts de l’Islam en Europe et aux Etats-Unis avaient publié des analyses élogieuses sur les Frères musulmans, d’autres évoquaient avec enthousiasme la fin des dictatures et des royaumes arabes et la mise en place de nouveaux régimes égalitaires où les peuples arabes pourraient enfin se prononcer sans crainte et en toute liberté. Certains intellectuels nostalgiques et romantiques pensaient naïvement qu’un nouveau « Printemps de Prague » déferlait au Moyen-Orient.
Sur le plan international, la liste des échecs américains est longue et les conséquences sont graves. Les troupes américaines ont quitté à la sauvette l’Afghanistan, la Corée du Nord poursuit impunément ses essais balistiques, les Iraniens progressent dans leur projet nucléaire, les milices chiites attaquent des positions stratégiques américaines au Moyen-Orient, les Russes envahissent l’Ukraine sans intervention significative occidentale, et la menace de la Chine d’occuper Taïwan est toujours dans l’air. En réalité, les présidents américains, démocrates ou républicains, souhaitent privilégier les affaires intérieures et économiser les budgets et les aides financières extérieures. « America first » est désormais la devise.
Aujourd’hui, la forte présence militaire américaine au Moyen-Orient a pour but de dissuader l’Iran et ses milices ne pas attaquer Israël. Toutefois, cette présence musclée n’est que temporaire pour éviter une guerre régionale qui éclaterait en pleine campagne électorale présidentielle. Et après, croyons-nous vraiment que les ayatollahs ne menaceront plus l’Etat juif ? N’ont-ils pas déjà menacer de riposter en cas d’échec des pourparlers sur les otages au Caire ?
Face à toutes les provocations iraniennes la coordination avec les Etats-Unis est bien entendu nécessaire mais pourquoi céder par avance aux fortes pressions et payer le prix fort.
C’est clair, Netanyahou est le premier responsable des défaillances du 7 octobre et il sera jugé tôt ou tard (NDLR : Tiens, d’où prend-on de telles conclusions ?). Son devoir primordial est de trouver rapidement une solution pour ramener tous les otages, mettre un terme à la guerre d’usure et assurer la sécurité au Nord et au Sud.
Le combat contre le Hamas et le Hezbollah n’est pas encore achevé mais nous devons le poursuivre sans aucune considération partisane ni non plus attendre impatiemment une éventuelle victoire de Donald Trump. Pour tous les présidents, les intérêts américains passent toujours avant ceux d’Israël. Dans ce contexte, la réciprocité israélienne devra être appliquée sans crainte et à la lettre.
Freddy Eytan