Cette chronique a été écrite dans un avion, dimanche, entre Tel Aviv et Paris. La nuit du samedi fut courte. Nous attendions près des abris, l’arrivée des drones et des missiles balistiques de la République islamique. Israël est debout, pour reprendre le titre de «Combat», le second jour de la Guerre des Six-Jours. Il ne s’agit pas ici d’un savant article géostratégique, que nous serions bien en peine de rédiger. Nous constatons simplement que Tsahal a réussi à éliminer 99% des engins expédiés par le ciel par l’État iranien, avec, notamment, le concours jordanien.
Au moment où ces lignes étaient écrites, nous ignorions si une riposte israélienne aurait lieu. Peut-être aurait-elle lieu avant que nous n’atterrissions. Ou peut-être n’y aura-t-il aucune réplique, en raison des pressions américaines. Et ce, malgré l’imminent péril atomique islamique. Notre réflexion est ailleurs, et, comme souvent en ces moments troublants, tourne autour de la haine d’Israël ou de la bienveillance qu’inspire aux mêmes un pays comme l’Iran des turbans (notre illustration).
Avant que de nous y essayer, réglons d’ores et déjà un point de droit moral et diplomatique que j’avais abordé dans ma précédente chronique. Je m’y étais montré un tantinet agacé de lire ou d’entendre ici ou là, et davantage ici que là, que l’attaque contre l’annexe du consulat d’Iran en Syrie, pays en état de belligérance avec Israël, était «une première». Passons vite sur la responsabilité israélienne dans celle-ci, ce pays, au rebours de ces ennemis, contestant rarement qu’il fasse jour à midi. Mais, comme je l’écrivais la semaine dernière, «une première» ? Que nenni ! C’était oublier un peu vite, l’attentat perpétré en 1992 contre l’ambassade d’Israël à Buenos-Aires en Argentine, pays avec lequel l’Iran n’était pas en état de belligérance. Les 75 victimes de cet attentat étaient sans doute plus innocentes que les Gardiens de la Révolution récemment disparus. J’écrivais la semaine passée que des mandats d’arrêt avaient été délivrés vainement par les autorités de Buenos-Aires contre de hauts dignitaires iraniens. Mais, comme pour régler définitivement la question et par une coïncidence troublante, jeudi 11 avril, la justice argentine a condamné l’Iran et sa créature du Hezbollah pour avoir perpétré ce crime non prescrit.
Il est étrange autant que regrettable, dans le contexte dramatique que l’on sait, que la presse internationale n’ait pas accordé plus d’importance à cet important événement judiciaire. Cela lui aurait évité d’évoquer «une première», la semaine dernière. Cela aurait évité également et surtout à nombre d’hypocrites ou de juristes de fantaisie de justifier l’attaque iranienne par un casus belli. Comme si, inversement, le fait de soutenir le Hamas et le Hezbollah terroristes pour agresser ses civils n’était pas intrinsèquement un casus belli permanent pour Israël. Dans un monde de bonne foi, toutefois.
Car entrons désormais de plain-pied dans le vif de notre sujet : le soutien, par certains, à commencer par les membres de la France Insoumise, d’une tyrannie islamique contre un état démocratique. Car il en faut du caractère pour soutenir un immense pays pétrolier de 90 millions d’habitants contre une petite nation de 9 millions de citoyens, entourée d’ennemis. Un pays certes de haute tradition, habité par un peuple d’exception, mais gouverné par une caste fanatique qui a juré la destruction par le feu et le sang de «l’entité sioniste» abhorrée.
Une caste qui utilise depuis sa prise de pouvoir, l’arme terroriste contre ses opposants ou ennemis. Qui arrête et emprisonne arbitrairement tel étranger et l’utilise comme otage pour l’échanger contre ses terroristes arrêtés dans des pays ciblés. Comme il le fait actuellement pour des Français, dans l’indifférence de leur presse. Tel a été le cas également par la justice belge qui a relâché un terroriste iranien qu’elle avait condamné pour avoir perpétré sur le sol français une tentative d’attentat contre des opposants aux mollahs, réunis en congrès à Villepinte. On ne peut dire que la Belgique et la France, presses comprises, s’en soient beaucoup émues.
Ainsi, ce régime qui voile de force les femmes et réprime violemment toute opposition suscite-t-il la réprobation qu’il mérite ? Précisément, l’attention critique est-elle aussi aiguisée médiatiquement, s’agissant du pays tyrannique et théocratique de 90 millions d’habitants, comparée aux centaines de milliers de lignes et de signes consacrés à la petite nation, certes imparfaite mais démocratique, qu’il s’est juré de détruire ? On peinerait par exemple à voir tel quotidien vespéral se faire aussi moralisateur et sentencieux envers Téhéran qu’il ne le fait envers son minuscule adversaire, journellement. Quant à l’audiovisuel public, l’un de ses éditorialistes se plaisait à souligner dimanche matin la «retenue» des ayatollahs. Rien de moins.
C’est dans ce contexte d’une injustice inhumaine autant que surhumaine, totalement imperméable aux dimensions respectives des adversaires en présence, qu’on peut déjà tenter de comprendre comment les Insoumis, de David Guiraud à Thomas Portes, d’Éric Coquerel à Ersilia Soudais, peuvent soutenir une tyrannie sanguinaire, sans complexes excessifs. Alors même que la cause palestinienne ne peut cette fois être enrôlée.
J’en viens à l’explication de ce soutien déshonorant. Il y a l’obsession juive ou l’antisémitisme intemporel, certainement. Il y a l’électoralisme cynique et l’allégeance à l’islamisme, sans aucun doute. Mais il y a, par-dessus tout, je ne cesserai de le plaider, chez eux, un anti-occidentalisme pathologique, une détestation du vieux monde judéo-chrétien, largement inconscients, tant ils ont été instillés dès le biberon par cette idéologie mortifère qui préfère donner raison à un barbu en turban violent qu’à un innocent petit blanc. A fortiori quand celui-ci se défend.
Je sais que les nombreux Français qui pensent que l’on peut demander fermement l’expulsion de violeurs étrangers sans être xénophobe, me comprendront. J’ai atterri à Paris, nous sommes lundi.
© Gilles-William Goldnadel
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il vient de publier “Journal de guerre. C’est l’Occident qu’on assassine” (Fayard).