Par Meir Masri – CAMERA Arabic – traduction InfoEquitable
Pour le canal arabophone de la chaîne publique française, l’existence d’un antique Temple juif à Jérusalem serait une croyance infondée d’extrémistes juifs et non un fait étayé par l’archéologie moderne.
Comme nous l’avons précédemment rapporté, la couverture en arabe des événements de Tisha BeAv (un jour de deuil dans le judaïsme qui commémore la destruction des Temples de Jérusalem) le 18 juillet par France 24 était profondément tendancieuse, tout particulièrement avec la calomnie mensongère de la correspondante Layla Odeh sur « l’intrusion des colons dans al-Aqsa ». Il est d’autant plus préoccupant de constater qu’un autre reportage de France 24 en arabe ce jour-là, une analyse portant sur les mêmes événements, est allé encore plus loin dans le parti pris anti-israélien et la négation de l’histoire juive de Jérusalem.
Le présentateur de France 24, Rafik Sahali, pose le contexte en le déformant :
« Des affrontements entre les forces de sécurité israéliennes et des fidèles ce matin, avec en toile de fond des centaines de colons entrant [dans le sanctuaire de Jérusalem] pour commémorer ce qu’ils considèrent comme l’anniversaire de la destruction du Temple. »
Une image de lanceurs de pierres en fuite (dont un torse nu) lançant leurs projectiles apparait exactement au moment où l’animateur évoque de prétendus « fidèles ».
Par une question trompeuse concernant la violence de Tisha BeAv, Sahali introduit ensuite le commentateur Khaled al-Gharabli (dont les observations contre-factuelles sur les affrontements entre Israël et le Hamas en mai avaient déjà trouvé une plateforme accueillante sur France 24 en arabe) :
« Khaled, quel est cet anniversaire, anniversaire de la destruction du Temple, qui provoque chaque année des heurts et des intrusions sur l’esplanade de la mosquée al-Aqsa ? » (c’est nous qui soulignons)
Al-Gharabli se lance alors dans un monologue qui dépasse même les excès d’Odeh lorsqu’elle avait adopté sans critique une terminologie fausse et le récit nationaliste palestinien. Al-Gharabli, pour sa part, déclare qu’il n’y a « aucune preuve matérielle » d’un Temple juif sur le Mont du Temple.
Il affirme également à tort que seuls les « groupes extrémistes juifs » croient que le Temple s’élevait là où se trouve le Mont du Temple, comme s’il s’agissait d’une question de croyance infondée d’extrémistes juifs et non d’un consensus entre Juifs, chrétiens et musulmans depuis des générations, étayé par l’archéologie moderne, comme le New York Times a été notoirement obligé de le reconnaître en corrigeant un article en 2015.
Il invente en outre que de prétendues fouilles archéologiques d’Israël sous le complexe, supposément pour localiser des preuves inexistantes des Temples, menaceraient les fondations des bâtiments. Alors que les allégations de fouilles israéliennes sur le Mont du Temple sont récurrentes dans le discours musulman anti-israélien, aucune fouille de ce type n’a eu lieu au cours des quatre dernières décennies. Dans le même temps, la construction du Waqf musulman s’est poursuivie sans interruption.
Le commentateur utilise les termes « al-Aqsa », « esplanade d’al-Aqsa », « mosquée al-Aqsa » et « sanctuaire de Jérusalem » de manière interchangeable, confondant ainsi la mosquée elle-même, qui occupe une toute petite partie de l’esplanade du Mont du Temple et est adjacente au mur sud, avec l’ensemble du complexe.
Al-Gharabli dénonce aussi le fait que l’utilisation par le gouvernement israélien de l’expression « Mont du Temple » (la terminologie utilisée par les Juifs depuis plus de deux millénaires) suggèrerait une intention malfaisante de détruire la mosquée et le Dôme du Rocher et de les remplacer par un Temple juif reconstruit. De même, il laisse entendre que le fait que les Juifs soient ne serait-ce qu’autorisés à entrer dans l’enceinte est une preuve supplémentaire du prétendu plan israélien de démolition de la mosquée.
En outre, Al-Gharabli souffle sur les braises en évoquant des « opérations de judaïsation » (tahweed en arabe) tout en évitant de donner des précisions. La « judaïsation » est un terme vague parmi les arabophones qui peut signifier toute augmentation de la présence physique, métaphorique ou imaginaire des Juifs dans un lieu donné ; il est souvent utilisé dans le contexte de Jérusalem dans le seul but de soulever des accusations infondées. Les actes de « judaïsation » incluent, sans s’y limiter, les éléments suivants : des scientifiques à la recherche de découvertes archéologiques dans la vieille ville et ses environs, des visiteurs se promenant paisiblement dans l’enceinte du Mont du Temple, ou même un individu chrétien tentant de mettre le feu à la mosquée al-Aqsa.
France 24 est détenue et supervisée par le gouvernement français. Le fait qu’un commentateur interne soit autorisé à inventer des choses sur le judaïsme, l’islam, l’histoire et l’actualité, et à inciter à des conjectures insensées, est très inquiétant.
Le monologue complet de Khaled al-Gharabli sur le Mont du Temple « envahi » par les Juifs à l’occasion de Tisha BeAv
« Selon la doctrine juive, le Temple de Salomon, où se trouvaient l’Arche de l’Alliance ainsi que les Tables [de la Loi] sur lesquelles les commandements divins descendirent aux Juifs, fut détruit – une fois en 589 [en fait, 586] avant JC, aux mains des Babyloniens, et la seconde fois en 70 après JC aux mains des Romains. C’est un jour de chagrin et de deuil pour les Juifs, durant lequel ils jeûnent et s’abstiennent de tout réconfort, pour exprimer leur deuil et leur tristesse le jour anniversaire de la destruction du Temple et de la disparition des Tables [de la Loi]. De nos jours, il s’agit bien sûr de l’un des piliers [du judaïsme].
« Maintenant, la question est de savoir pourquoi lors de cet anniversaire envahissent-ils la mosquée al-Aqsa ? Je veux dire que pour ces groupes extrémistes, le message est clair ; c’est comme s’ils voulaient dire : “Nous n’oublions pas que la place du Temple est le même endroit où se dresse la mosquée al-Aqsa.” Pour eux, la mosquée al-Aqsa se tient à l’endroit où se trouve le Temple. Quelques voix discrètes parmi eux disent qu’ils veulent reconstruire le Temple à la place de la Mosquée al-Aqsa. Il nous est possible de dire qu’il s’agit de groupes extrémistes. Et il y a les groupes du Temple qui creusent sous la Mosquée al-Aqsa, à la recherche d’une preuve soutenant que le Temple se trouvait à cet endroit, car il n’y a aucune preuve substantielle jusqu’à ce jour, aucune preuve matérielle indiquant que le Temple se situait au même endroit où se trouve la mosquée al-Aqsa.
« Le plus inquiétant c’est qu’il ne s’agit pas seulement de quelques extrémistes… mais d’une politique des autorités israéliennes. Premièrement, les fouilles archéologiques sont menées avec l’accord des autorités israéliennes, qui les autorisent. Pourquoi les autorisent-elles, alors que cela menace al-Aqsa [d’effondrement] ? Et elles savent très bien qu’al-Aqsa est l’une des pierres angulaires de la foi islamique et des musulmans, pourquoi la police autorise-t-elle les intrusions ? La police est celle qui protège ceux qui envahissent le sanctuaire de Jérusalem.
« Pourquoi Netanyahou, alors même qu’il avait promis que les musulmans pourraient entrer et accomplir leurs rituels religieux dans la mosquée al-Aqsa, n’utilise-t-il jamais le mot[s] « mosquée al-Aqsa », mais le mot[s] « Mont du Temple » ? Lorsqu’il parle de la mosquée al-Aqsa, il dit : « le mont du Temple ». Pourquoi voit-il le « Mont du Temple » à cet endroit et ne voit-il pas la mosquée al-Aqsa, sachant que c’est la mosquée al-Aqsa qui existe ? Cela signifie-t-il qu’il veut reconstruire le Temple à cet endroit ? Des voix palestiniennes accusent les Israéliens de vouloir imposer leur souveraineté sur le sanctuaire de Jérusalem comme première étape pour détruire la mosquée al-Aqsa et par la suite reconstruire le Temple.
« Et la conduite des autorités israéliennes, en autorisant les fouilles, en autorisant les opérations de judaïsation, en suggérant de répartir l’esplanade al-Aqsa dans le temps et dans l’espace [entre musulmans et juifs], en utilisant des termes comme « mont du Temple » concernant la mosquée al-Aqsa, renforce ce que disent les Palestiniens, c’est-à-dire les craintes d’un projet de reconstruction du Temple à la place d’al-Aqsa. Ce qui rend le problème d’autant plus grave, c’est qu’un tel conflit s’il venait à éclater ne serait plus un conflit à propos d’une terre occupée et d’un peuple souffrant d’occupation, mais celui opposant deux religions, et les conflits inter-religieux sont les plus sanglants. »