SÉNAT AMÉRICAIN Le Liban pourrait être sommé de prendre des mesures contre les agissements du parti chiite en Syrie, au Yémen ou en Irak.
Huit sénateurs américains ont déposé mardi devant le Sénat US une proposition de loi bipartisane visant à interdire l’utilisation des civils comme boucliers humains. Baptisée « Stop using human shilds act » (Cessez d’utiliser des boucliers humains), cette proposition de loi a pour objectif d’imposer de nouvelles sanctions à l’encontre du Hezbollah et de ses membres, mais aussi à l’encontre de toutes les organisations considérées par l’administration américaine comme terroristes, à savoir le Hamas, el-Qaëda et l’État islamique (EI). Ces organisations sont toutes accusées par Washington « de recourir ou de faciliter le recours aux boucliers humains ». Cette proposition de loi est une initiative conjointe des sénateurs américains républicains et démocrates, Joe Donnelly, Ted Cruz, John Cornyn, Richard Blumenthal, Tim Scott, Ed Markey, Marco Rubio et David Perdue.
Une loi à la portée multiple
Expliquant les raisons de cette initiative, le sénateur Donnelly a affirmé à la presse américaine que « l’utilisation de boucliers humains est une pratique barbare et illégale ». C’est surtout « une offense aux standards de base de la décence humaine ». Il a espéré que « le Sénat étudiera rapidement la proposition qui condamne ces pratiques et impose des sanctions à l’encontre d’individus impliqués dans ces activités répréhensibles ». Commentant à son tour son action, le sénateur Cruz a souligné : « Les États-Unis, Israël et leurs alliés sont engagés dans un combat contre les organisations terroristes islamiques, depuis le Hamas et le Hezbollah jusqu’à el-Qaëda et l’EI, qui utilisent cyniquement des boucliers humains contre nous. Cette loi aura donc des conséquences sur ceux qui permettent et facilitent l’utilisation de boucliers humains. »
Quelles sont les répercussions de cette loi pour le Hezbollah et pour le Liban, si elle est adoptée ? Selon une source proche des décideurs américains, contactée par L’Orient- Le Jour, « la portée d’une telle loi est multiple ». « Elle n’est pas rétroactive, mais elle sanctionne les organisations terroristes accusées d’utiliser des boucliers humains, quel que soit le lieu où elles ont commis leurs pratiques », assure-t-elle.
Le président Trump aurait d’abord les « prérogatives d’instaurer lui-même des sanctions, par le biais d’ordres exécutifs envers des personnes, des entreprises ou des partis terroristes qui ont soutenu le recours aux civils comme boucliers humains, qui ont participé à de tels actes, ou même dont la complicité est avérée ». Le département du Trésor pourrait aussi décider « de sanctions financières » supplémentaires sur ces personnes, entités ou partis, dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme ou contre le blanchiment d’argent. Enfin, la représentante permanente des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, « pourrait utiliser cette loi comme levier », notamment lors « d’opérations de vote » pour condamner et sanctionner des organisations terroristes ou des États qui ont permis ou n’ont pas empêché l’utilisation de civils comme boucliers humains, à l’intérieur de leurs frontières. Des démarches « pourraient donc être engagées à l’encontre de pays membres des Nations unies qui n’auront pas protégé les civils », car il s’agirait en cas de vote d’une résolution onusienne, d’une violation d’une législation internationale, insiste la source proche du dossier.
Basée sur un principe humanitaire international
La proposition de loi « Stop using human shilds act » est, certes, « une démarche supplémentaire dans le sens de la stratégie menée par le président Trump et ses alliés depuis un an à l’égard de l’Iran, visant à assécher le terrorisme iranien et son bras armé du Hezbollah », selon cette même source. La preuve étant que « tous les sénateurs, républicains et démocrates, travaillent selon cette logique ». Et de rappeler qu’à la différence de l’ancien président américain, Barack Obama, le président Trump définit le terrorisme « comme un tronc aux multiples branches, aussi bien sunnites que chiites. Il considère donc le Hezbollah comme un parti terroriste et pousse le Liban à prendre des mesures. Autrement, le pays du Cèdre risquerait d’être touché par les agissements du Hezbollah en Syrie, au Yémen ou en Irak, compte tenu qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de conflit au Liban ». Ce qui met le pays du Cèdre face à un problème de taille : « En proposant une telle loi, le législateur américain ne pense pas à la stabilité des pays concernés, mais à son propre agenda politique. »
Une nouveauté est toutefois à signaler, et pas des moindres. Pour la première fois, note la source proche du dossier, il ne s’agit pas d’empêcher le financement du terrorisme, mais « la législation proposée est basée sur un principe humanitaire international, celui de la violation du principe de protection des civils ». Un principe prôné par la Convention de Genève de 1949 et ses protocoles additionnels, qui non seulement interdit d’utiliser les personnes comme boucliers humains, mais considère également comme un crime de guerre toute partie ou organisation qui, en période de guerre, s’approcherait d’écoles, de lieux de culte et d’hôpitaux, au risque de porter atteinte aux civils.
La coordinatrice de l’ONU et le Hezbollah
Il convient d’indiquer également dans ce contexte que la coordinatrice spéciale de l’ONU pour le Liban, Pernille Dahler Kardel, a appelé au désarmement du Hezbollah dans le cadre d’une nouvelle stratégie de défense pour le pays. Elle a tenu des propos en ce sens dans un entretien publié hier par le quotidien panarabe Acharq el-Awsat. Mme Kardel a exhorté les chefs politiques libanais à former un « gouvernement d’union nationale regroupant toutes les composantes », qui œuvrerait au « désarmement de tous les groupes armés », dont le Hezbollah. « Il est temps de revenir à la table du dialogue national » pour accomplir cela à travers un accord sur une stratégie nationale de défense, a-t-elle déclaré.
Source www.lorientlejour.com