Editorial du Yated Nééman, veille de Chabbath Ki tissa
Les « Loups noirs » n’ont pas seulement crié, ils ont également mordu et pris leur proie. Des gens en provenance des groupes d’extrême-droite ont profané les pierres tombales d’un cimetière de la région de Strasbourg, et toute la France, pas seulement les Juifs, sont bouleversés. Le président Macron est sorti de ses gonds et s’est rendu sur les lieux, accompagné du Grand rabbin de France, afin s’élever contre ces profanateurs et contre leur crime, et lancer la guerre contre cette effroyable conduite…
Toutefois, il n’est pas possible de taire un autre point : quand ces vandales ont profané ce cimetière et ont salit ces pierres froides, a priori sans âme ni vie, tout le monde s’est ému. Le Président de la France s’est déplacé et s’est rendu sur place afin faire preuve de sa compassion. Mais quand on s’en prend, dans ce même pays, aux morts eux-mêmes, « l’âme vivante », et non point leurs pierres tombales, le monde juif se tait. Quand des Juifs sont pris de leurs tombes et déplacés dans les ossuaires de la municipalité de manière légale, le Président de la France ne se précipite pas face à l’Hôtel de Ville – le riche palais de la municipalité, qui conserve dans ses caves ce secret obscur, afin de protester… Quand on manque dans la place dans les ossuaires, on reprend les ossements des Juifs et des Gentils et on…, le silence est de règle. Quand à l’occasion des restes funéraires juifs sont incinérés, la même indifférence reste de rigueur. Quand un Juif décède et que, par manque de place dans les cimetières, on reprend un Juif de sa tombe selon la liste des candidats à l’exhumation établie par la municipalité, non seulement la France se tait, mais encore les responsables juifs locaux et les organismes juifs de l’extérieur de la France restent de marbre – partiellement par intérêt de ci ou de ça.
Une délégation de l’organisation des rabbins européens a rendu visite aux Grands de la Tora pour les consulter quant à la conduite à suivre. Cette visite a eu lieu en même temps que se passaient ces événements en France –, cet intérêt pour cette cause pouvait-il symboliquement réparer l’oubli généralisé ? Les voies de la Providence nous échappent, mais les Juifs se doivent de réfléchir à leur conduite. Peut-être est-ce du fait de notre indolence que tout cela arrive ? Pouvons-nous être sûrs que ce n’est pas du fait que nous n’avons pas assez déployé d’efforts en faveur de nos morts, exhumés de leurs tombes, que l’on s’en prend à leurs pierres tombales ? Les secrets sont à l’Eternel, mais nous, nous n’avons que les éléments visibles devant nous.
Il n’est pas possible d’éviter de telles pensées, juives en leur essence : si tout cela se passe en terre de France, en un laps de temps tellement serré, peut-être, outre un renforcement dans la voix de Ya’akov par la prière, le monde juif dans son ensemble, avec ses organismes et ses représentants aux Etats Unis et en Europe, doit-il élever la voix et agir pour qu’une solution soit trouvé ? Peut-être est-il temps que l’on mette en branle les liens diplomatiques et politiques face aux autorités françaises, et les autres institutions européennes et internationales, afin d’arriver à une solution ? Et peut-être la communauté juive de France doit se reprendre et investir toute sa force à assurer le respect de ses morts ? Peut-être alors est-il possible de laver cette honte, et peut-être alors que l’antisémitisme… diminuera !