Il connaissait bien le professeur Jonathan Sandler et ses deux enfants Gabriel et Arié Sandler ainsi que Myriam Monsonégo, la fille du directeur.
En tant qu’interne, il avait eu l’occasion de les garder plusieurs fois.Voici son témoignage. A aucun moment, il ne prononcera le nom de Merah. L’accusé impassible semble écouter attentivement.
« Le matin de l’attentat je suis dans la synagogue.
Je regarde à travers la vitre. Et je vois une personne entrer dans l’école. Pour moi, c’est un livreur ou un coursier, pas un tueur. Je le vois entrer et des coups de feu retentissent : un coup, deux coups, trois coups. Ça court de partout. Je vois la CPE arriver en hurlant : « Il y a un tireur dans l’école ! »
Je vais voir le directeur, M. Monsonégo, qui était dans la synagogue et je lui dis : « Il y a un tireur dans l’école, ce n’est pas une blague ». Il sort, il court et je dis aux autres de se cacher. M. Monsonégo tombe sur sa fille dehors… Je vous laisse imaginer sa réaction.
« J’ai l’impression d’être dans un film mais il y a du sang partout »
A l’époque, j’ai 17 ans et je suis encore un bébé mais je suis le plus grand et les plus petits viennent vers moi, m’attrapent la main, me demandent quoi faire. On sort de l’autre côté de la synagogue et on se dirige vers le sous-sol d’un autre bâtiment avant d’être tous confinés dans le réfectoire.
Dans ce réfectoire, c’est l’enfer, c’est l’horreur. On est enfermé entre 8 h et 11 heures et c’est tellement insoutenable que j’ai un moment de folie. Je cours vers la sortie de l’école parce que je n’en peux plus, j’étouffe.
Je tombe sur une scène de crime, j’ai l’impression d’être dans un film et pourtant il y a du sang partout. Un policier me ramène au réfectoire. Entre 8 h et 11 h, 50 à 60 élèves qui pleurent et qui hurlent, certains avec les vêtements tâchés de sang… Un gamin qui hurle m’attrape les mains et dit : « Myriam est morte, Myriam est morte ». Je ne peux rien lui répondre, à part pleurer avec lui.
« Il n’y a rien pour réparer cette douleur »
Cela fait 7 ans que ça s’est passé. La vie reprend ses droits mais en fait, on y pense tous les jours. Il n’y a rien pour réparer cette douleur. On se bat aujourd’hui pour les disparus et pour leurs proches.
C’est trop difficile aujourd’hui de revenir, d’entendre le nom du tueur. On est tous marqués. On se voit encore souvent entre anciens internes et le premier sujet qui revient, c’est le 19 mars 2012
On vit avec cette peur, ces séquelles. Quand j’entends un bruit, un objet qui tombe par terre, je me retourne. C’est infernal.
Pour terminer, j’aimerais vous dire qu’en tant qu’élève-avocat, j’ai conscience des droits de la défense à avoir un procès équitable.
J’espère, s’il y a des preuves de complicité, qu’elles seront démontrées. Car peut-être qu’il était complice et peut-être qu’il sortira dans quelques années et ça, je ne peux pas le concevoir.