Pourquoi le procès Merah est historique

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Cinq ans après les attentats de Toulouse et de Montauban, la justice examine le parcours et les complicités dont a pu bénéficier le symbole haineux de la « troisième génération du djihad ». Face à Abdelkader Merah et Fettah Malki, les familles des victimes suivent les débats, entre douleur et indignation.

Ce jour-là, l’audience a démarré avec une heure de retard. La faute aux difficultés de circulation du convoi de l’un des deux prévenus. L’horloge qui surplombe le box des accusés affiche pourtant 9h30, comme annoncé initialement. Comme si le temps s’était suspendu. Comme si le cours du présent devait s’interrompre pour interroger, pendant les cinq semaines sur lesquelles s’étalera le procès, les origines du mal.

Dans la salle Voltaire du Tribunal de Paris où les places libres ouvertes au public ne le demeurent jamais bien longtemps, la cour d’assises spéciale juge, depuis le 2 octobre, Abdelkader Merah et Fettah Malki. Le premier comparaît pour complicité des sept assassinats commis par son frère, Mohammed, en mars 2012, à Montauban et Toulouse. Le second, entendu pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, est accusé d’avoir livré à Mohammed Merah le pistolet-mitrailleur et les munitions qui ont servi à commettre l’attaque de l’école juive Ozar Hatorah.

Cinq années sont passées depuis les faits. La France n’est plus tout à fait la même, les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher ou du Bataclan sont passés par là, donnant la mesure de la haine antiFrance et antijuive qui nourrit l’islamisme radical. « Mon frère a été tué par l’ennemi. La France combat l’islam, c’est l’ennemi », avait déclaré Abdelkader Merah lors d’une des gardes à vue. « J’espère qu’il est au paradis ! », a-t-il ajouté vendredi dernier. Le procès Merah, ou l’examen du djihad à la française.

Les mots aussi n’ont plus tout à fait la même résonance. L’expression « loup solitaire », si longtemps accolée au responsable de la plus grande attaque terroriste jamais organisée au nom de l’islam en France, est désormais reléguée au rang des antiquités. « Sortie de son contexte », « sémantique opérationnelle ». Jeudi 19 octobre, l’ancien patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, s’est livré à un mea culpa a minima pour en justifier son usage dans les jours qui ont suivi les attentats. « Dans le cas de l’affaire Merah, cette expression voulait signifier le fait que le tueur opérait seul pour durer plus longtemps. […] Car le réseau n’est pas sur le terrain mais dans la préparation », explique « le Squale » qui pèse chacune de ses syllabes. Faut-il en déduire que Mohammed Merah n’a bénéficié d’aucune complicité active, insiste les parties civiles ? La question résume en fait l’enjeu du procès. « Il a appuyé sur la détente et déclenché sa GoPro seul mais il y en avait bien d’autres qui tenaient la main », assure celui que l’avocat d’Abdelkader Merah, Eric Dupond-Moretti, prend un malin plaisir à appeler « Monsieur Squarchini ».

Indices concordants

Depuis le début des audiences, la défense s’échine à démontrer que l’influence du prévenu sur son petit frère, jamais contestée, était purement idéologique, récuse la matérialité des preuves de sa participation aux faits, s’étonne de l’absence dans le box de mentors autrement plus influents. En tête de liste, Olivier Correl, « l’émir blanc d’Artigat » présenté, la semaine dernière à la barre comme la « matrice du groupe salafiste djihadiste toulousain » par l’ex-patron du renseignement intérieur à Toulouse, Christian Ballé-Andui. « On ne renvoie pas devant la cour d’assises quelqu’un pour complicité d’assassinat si le pouvoir judiciaire n’a pas suffisamment d’éléments et d’indices concordants pour le faire. Or cet ensemble d’indices concordants à charge existe contre Abdelkader Merah et Fettah Malki », balaie Elie Korchia, l’un des avocats de la famille Sandler, interrogé par Actualité juive.

Imad Ibn Ziaten, Abdel Chennouf, Mohamed Legouad, Myriam Monsonego, Jonathan, Gabriel et Arieh Sandler. Les familles des sept victimes de Merah assistent pour la plupart aux audiences. Suivent les passes d’armes à distance entre Christian Ballé-Andui et son ancien supérieur, Bernard Squarcini, à qui il a reproché, avec des mots choisis, d’avoir négligé trop longtemps la piste islamiste, après les premiers attentats à Toulouse et Montauban.

« C’est moi qui demande une liste avec cinq objectifs d’extrême-droite et cinq islamistes radicaux », a rectifié M. Squarcini, également visé par une plainte déposée par la famille Chennouf pour « non-empêchement de crimes et mise en danger de la vie d’autrui ». Peut-être, que du fond de leur calvaire, ils auront été plus sensibles aux mots simples de Christian Ballé-Andui, au terme de son audition. « Je veux dire mon chagrin pour les victimes qui ne m’ont jamais quitté depuis mars 2012 ».

Mémoire

Que peuvent bien attendre de ce procès ces hommes et ces femmes endeuillés par un drame qui a ému la France et brisé leur famille ? Une catharsis ? « La douleur et le déchirement d’avoir perdu des membres de sa famille dans des conditions atroces ne seront jamais réparés, même partiellement, par ce procès », tranche Elie Korchia. « Ce qui est important, c’est de comprendre comment ce mouvement terroriste a pu être organisé en vue de la commission de tels attentats sur notre sol et de condamner ceux qui ont pu être les complices de l’assassin. Mais pour mon client, Samuel Sandler, ce qui compte le plus, c’est de porter au plus haut la mémoire de son fils, de ses petits-enfants, et de la petite Myriam ».

On n’ose imaginer l’écho qu’a pu avoir chez lui le récit chirurgical de la terrible journée du 19 mars 2012 par l’un des agents traitants de Mohammed Merah au sein de la section toulousaine de la DCRI. « L’école était déjà dans ses objectifs, mais pas ce jour-là », précise « Hassan » (un pseudo) ce 19 octobre. C’est l’absence du militaire initialement visé qui pousse le « tueur au scooter » à se rabattre sur l’établissement juif. « C’est un signe d’Allah », assurera-t-il  lors des négociations avec le RAID, deux jours plus tard, auxquelles Hassan sera invité à participer. L’officier de police judiciaire y entendra le terroriste motiver son action par la volonté de venger « les enfants de Palestine ». « Il était très affecté par le conflit israélo-palestinien », confirmera Abdelkader Merah le lendemain à la barre. « Il en pleurait ». Toutes les larmes ne se valent pas.

Source www.actuj.com

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