Dans le conflit qui oppose Israël à l’Iran, de nombreux médias arabes, souvent financés par l’Arabie saoudite, affichent leur soutien à l’État hébreu. Mais le réflexe de conspuer “l’entité sioniste” n’a pas pour autant disparu.
Le quotidien libanais Al-Akhbar, qui défend l’axe irano-syrien, ne décolère pas. Sous le titre “Que les médias de la honte se taisent”, son rédacteur en chef Pierre Abi Saab fustige la presse arabe, coupable selon lui de complaisance envers Israël. Dénonçant plusieurs médias, il écrit :
Israël n’est plus l’ennemi dans le discours officiel arabe que reproduisent les médias dominants et leurs filiales. Il pourrait même devenir un allié si besoin, par exemple en cas de confrontation avec l’Iran. Les médias saoudiens et leurs antennes ont adopté la version mensongère israélienne des événements. Nous sommes choqués de voir comment ils ont traité l’ennemi israélien avec une neutralité ‘professionnelle’, une bienveillance, et comment certains ont même exprimé de l’empathie, voire une franche solidarité.”
La position d’Al-Araby al-Jadid, quotidien nationaliste panarabe financé par le Qatar et dirigé par l’ex-député arabe israélien Azmi Bishara, est plus complexe. Si ce média affiche des positions anti-israéliennes, il condamne aussi très fermement le régime syrien et ses alliés régionaux.
Dans un difficile exercice d’équilibrisme, l’écrivain égyptien Waël Qandil estime dans les colonnes du journal qu’il faut “être avec la Syrie contre les sionistes, et avec les Syriens contre Bachar al-Assad…. Car rien n’affirme qu’Israël souhaite la chute d’Assad, son gentil ennemi obéissant”.
Défendre Assad contre les États-Unis ?
Tout autre son de cloche dans le quotidien panarabe Al-Hayat, à capitaux saoudiens. L’éditorialiste Houssam Itani s’interroge : dans le contexte actuel, peut-on décemment critiquer la position des Arabes qui soutiennent l’idée d’une attaque américaine contre le régime d’Assad ? Pour lui, dans le cas syrien, la notion de patriotisme doit être nuancée.
Que signifie la patrie dans le cadre d’une guerre génocidaire et destructrice ? Le concept de patrie, plagié de la littérature romantique européenne, ne mène plus à rien après sept ans d’une guerre qu’Assad et ses alliés ont menée contre les Syriens. Il est difficile pour celui qui a perdu ses enfants dans des bombardements menés par Assad et ses alliés de rester fidèle à une patrie aux mains d’un régime tyrannique…”
“Les positions politiques ne sont pas sacrées”
De son côté Asharq al-Awsat, l’autre quotidien panarabe également à capitaux saoudiens, ne va pas par quatre chemins et pose frontalement la question : “Avec qui devons-nous nous ranger : l’Iran ou Israël ?” Une question “embarrassante”, qui contredit “tous les concepts fondateurs de la culture politique des Arabes”, souligne le saoudien Abdel Rahman Al-Rashed, ancien rédacteur en chef du journal, qui signe l’éditorial. Pour lui, le soutien à tel ou tel camp n’est pas inscrit dans le marbre :
“Si nous demandons l’avis des Syriens, la majorité va clamer son appui à Israël pour les coups qu’il assène à l’Iran et à ses milices, qui ont provoqué la mort de six cent mille Syriens et rendu dix autres millions sans-abri. Les positions politiques ne sont pas sacrées. Est-il difficile de comprendre ce raisonnement ? C’est le seul rationnel dans une région folle. Seuls ceux qui sont pétris d’idéologie seraient incapables de l’accepter.”