Poutine fait un retour : l’intérêt central de la Russie dans la médiation entre Israël et le Liban

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Russia's President Vladimir Putin attends a meeting with Chairman of the Constitutional Court Valery Zorkin in Saint Petersburg, Russia September 12, 2024. Sputnik/Alexander Kazakov/Pool via REUTERS ATTENTION EDITORS - THIS IMAGE WAS PROVIDED BY A THIRD PARTY.

Cette démarche souligne une politique double : d’un côté, la Russie se positionne comme un médiateur potentiel et un acteur légitime dans la région, et de l’autre, elle fournit assistance et soutien aux parties hostiles à l’Occident et à Israël. Et n’oublions pas son lien avec l’Iran.

Ma’ariv

Ces derniers jours, nous assistons à des avancées significatives vers un possible cessez-le-feu au Liban. Cela se produit alors que la Russie est devenue un médiateur clé dans l’accord en cours de négociation. Les considérations d’Israël reposent sur la possibilité que le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une résolution pour mettre fin à la guerre au Liban dans des conditions défavorables pour Israël, avec la crainte que les États-Unis (de Biden) s’abstiennent d’exercer leur droit de veto.

Cela s’ajoute à l’idée que les pressions diplomatiques continueront même après les deux prochains mois, lorsque le nouveau gouvernement américain, dirigé par Donald Trump, entrera en fonction à Washington. Toutefois, il semble que cette décision soit précipitée et aille à l’encontre des intérêts d’Israël dans le combat actuel contre l’axe iranien. Selon l’accord en négociation, avec la médiation de la Russie, il est probable que cet accord renforce l’alliance stratégique dans la région entre l’Iran et la Russie, affaiblissant ainsi la position d’Israël au Moyen-Orient.

L’alliance politico-militaire entre l’Iran et la Russie est devenue un ancrage stratégique pour les Russes au Moyen-Orient, leur permettant de créer un équilibre de pouvoir face aux autres alliances occidentales de la région. Cette alliance s’est renforcée depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022. Ainsi, l’augmentation des sanctions occidentales contre les deux pays a rendu la coopération mutuelle indispensable, avec l’Iran fournissant à la Russie des armes avancées, notamment des drones « Shahid » utilisés par la Russie dans sa guerre en Ukraine. De plus, des missiles balistiques à courte portée ont été livrés à la Russie, permettant à cette dernière de poursuivre ses attaques en Ukraine, rendant cette alliance cruciale pour les efforts militaires russes.

En outre, dans le cadre de son alliance avec l’Iran, la Russie a renforcé ses relations avec les forces affiliées aux Gardiens de la révolution, y compris le Hezbollah. La coopération entre la Russie et cette organisation terroriste s’est développée, entre autres, en raison d’intérêts communs en Syrie. Depuis le début de son intervention militaire en Syrie en septembre 2015, le Hezbollah a coordonné ses actions avec les forces russes pour soutenir le régime du président Bachar al-Assad. La coordination réussie entre l’aviation russe et les forces terrestres du Hezbollah a fait ses preuves lors de la bataille décisive d’Alep en 2016.

Par la suite, le partenariat s’est approfondi au-delà de la Syrie, avec la Russie aidant le Hezbollah en matière d’armement et lui fournissant des connaissances tactiques acquises en Ukraine – des armes et un savoir-faire que le Hezbollah utilise maintenant dans la guerre contre Israël. De plus, la Russie a fourni au Hezbollah des missiles Yakhont capables de frapper des cibles maritimes à longue distance et à grande vitesse, représentant une menace pour les forces navales américaines en Méditerranée. Cette coopération avec le Hezbollah a élargi l’influence militaire et politique de la Russie au Liban, tout en lui permettant de contourner les sanctions via des réseaux financiers illégaux pour le transfert de soutien et de financement.

Parallèlement, les Houthis au Yémen bénéficient également du soutien russe. Récemment, malgré les efforts diplomatiques américains pour l’en empêcher, la Russie a réussi à organiser la livraison d’armes aux Houthis, utilisant l’Iran comme intermédiaire. Les Houthis recevront également des armes qui renforceront l’influence russe dans la région de la mer Rouge et leur permettront de menacer des navires occidentaux.

À mesure que le conflit entre Israël et l’axe iranien s’intensifiait, le soutien politique et militaire apporté par la Russie à l’Iran et à ses affiliés dans la région s’est renforcé. Outre l’aide militaire, la Russie a soutenu diplomatiquement l’Iran et le Hezbollah, s’assurant de condamner Israël à chaque occasion possible pour ses actions contre l’Iran et ses affiliés, comme l’assassinat de Nasrallah, qu’elle a qualifié d’assassinat politique, tout en accusant Israël de provoquer une escalade régionale à chaque intervention.

Cependant, la Russie s’est également présentée comme un médiateur potentiel entre Israël et le Liban, et le Liban a en effet demandé son implication. Ce rôle de médiation est crucial pour la Russie, car il lui confère le statut de puissance influente et d’acteur global légitime dans la région. De plus, cela renforce ses relations avec l’Iran et ses affiliés, tout en positionnant la Russie comme un allié stratégique. Cette approche révèle une double politique : d’un côté, la Russie se présente comme un médiateur légitime et influent, et de l’autre, elle continue de soutenir et d’assister des parties hostiles à l’Occident et à Israël.

Poursuivre actuellement des efforts de cessez-le-feu avec la Russie comme médiateur principal présente des risques et ne sert pas les intérêts à long terme d’Israël.

Premièrement, cela offre à la Russie le statut d’influence globale qu’elle recherche depuis longtemps, tout en affaiblissant davantage la présence et l’influence des États-Unis dans la région, une influence qui a déjà diminué sous la présidence de Biden.

Deuxièmement, cela donne un élan supplémentaire à l’alliance stratégique entre l’Iran et la Russie, renforçant la position de la Russie comme un allié de poids dans la région, ce qui pourrait inciter d’autres nations à privilégier des relations renforcées avec la Russie et ses alliés plutôt qu’avec les États-Unis. Par la même occasion, cela affaiblit la position stratégique d’Israël au Moyen-Orient.

Troisièmement, si le gouvernement israélien reconnaît l’aide apportée par la Russie au Hezbollah et à l’Iran, on peut sérieusement douter de la capacité de la Russie à empêcher l’armement continu du Hezbollah. Il est essentiel de souligner l’importance de la Syrie pour la Russie et les options politiques et militaires qu’Israël aurait pu exploiter pour faire pression sur la Russie. Au cours de l’année écoulée, les Russes ont œuvré à éloigner les Gardiens de la Révolution des zones stratégiques en Syrie afin de ne pas les exposer aux frappes de l’armée de l’air israélienne. Pour la Russie, la présence en Syrie est d’une importance capitale pour son influence régionale, et Israël aurait pu en tirer parti.

En conclusion, la période qui précède le changement d’administration aux États-Unis comporte de nombreux risques. D’un autre côté, Israël a une opportunité et une marge de manœuvre diplomatique pour intensifier la pression au Liban et maximiser ses gains après l’arrivée de Trump à Washington, supposant qu’il souhaite renforcer l’influence américaine au Moyen-Orient. Dans ce cadre, Israël doit agir de manière proactive sur le plan diplomatique avec la future administration Trump, en lui exposant l’« anneau de feu » russo-iranien qui se forme dans la région et en soulignant l’importance pour les États-Unis de repousser l’Iran, ses affiliés et ses alliés au Moyen-Orient.

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